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une autre conprocurent. Mais par fquence, il ne faut pas non plus être furpris que les biens de la campagne foient fi fort avilis. Les peuples étant depouillés des moyens de les faire valoir, effuyent d'ailleurs tous les risques de l'intemperie des faifons; au lieu que le commerce ufuraire, les emplois des finances, ou les rentes de la ville femblent exempts de tous malheurs.

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venu du

Mais s'il fe commet des abus dans Abus dans les recettes, il ne s'en commet pas les depen. moins dans les depenfes. Les Trefo- fes du reriers de guerre & autres ne s'oublient Roi. pas. S'il eft vrai que la revue d'une armée foit mise en entier fous les armes pour la folde & les vivres, & qu'au même jour la revue des hopitaux y mette le quart ou le tiers, que le Roi paye à bien plus haut prix, il ne faut pas s'étonner fi en deux ou trois campagnes un Commis à la paye des troupes, fe trouve

en état d'acheter des terres importantes, ou fi des founiffeurs, naturellement fimples ouvriers, mettent

s'il ne cir

leurs enfans dans les grandes charges & à la tête du Public. On a beau dire que cela eft criant; c'eft un mal fans remede, tant que la guerre dure; & les grandes affaires ne font pas fufceptibles de l'arrangement qui fait la bonne économie. Quelques forts que foient les apointemens de ceux qui fervent dans les finances, ou dans ce qui fait partie du fervice des armées, ils font comptés à rien, dès que l'on a connoiffance des moyens adroits & fubtiles qu'il y a de s'enrichir independamment de ces apoin

temens.

Inutilité L'on convient que la richeffe d'unEdel'argent tat confifte dans l'or & l'argent qui s'y cule. trouvent; mais cette richeffe devient inutile; fi elle n'eft en mouvement. Comparable aux eaux qui fertilifent les prairies, il faut qu'elle fe repande, fi non en pareille quantité par tout, du moins à certaine fuffifance. Ainfi il n'est pas vrai de dire qu'il eft indifferent en quelles bourses fe trouvent l'or & l'argent du Royaume; car s'il n'eft pas à propos que tous

en poffedent égale quantité, il faut du moins prévenir la langueur & l'inaEtion de celui qui manque, lequel ne pouvant s'aider d'aucune façon, devient à charge à lui-même & inutile à l'Etat. Ainfi rien n'eft fi important que d'empêcher l'accumulation des richeffes dans les coffres des Financiers pour y demeurer fans mouvement, & fans la circulation qui donne le reffort à toutes les parties du Royaume.

ciers à P4

ris.

Il est vrai que la cupidité fait fou- Dépenfes vent l'effet que la charité devroit ope- exceffives rer. Le luxe & la dépense de plufieurs des Finande ces riches Financiers renvoyant au peuple une partie de ce qu'ils en ont tiré, le mal eft que c'est toujours fait, fans raport aux lieux où ils ont commis ce défordre; celui qui a pillé & defolé une province à l'extremité du Royaume, faifant cette dépense à Paris. On fera peut-être étonné d'entendre dire, que la dépense annuelle qui fe fait dans Paris, monte à2 60000000 de livres, & que les feuls loyers de maifon aillent par anà1800000 liv. Cependant il eft certain que s'il y a

dans cette ville 720000 confommateurs, & qu'on réduife tous fes dépens à vingtième par jour, depuis le Duc & Pair, jufqu'au Porteur d'eau, il fera aifé de voir que le total est de 262800000 livres. Cette fomme qui fait peut-être la moitié de tout l'or & l'argent du Royaume, l'écu à 60 fols & le louis d'or à 11 livres, vient des provinces, & il eft certain que comme ce font les Financiers qui en tirent le plus du peuple, c'eft eux auffi qui en répandent le plus dans cette ville. D'autre part cette même viile ne produit rien de fon fonds, & renvoye une partie de cet argent dans les provinces, pour en tirer fa fubfiftance. Ainfi elle fait la fonction du cœur dans l'Etat, comme les efpeces y font celle du fang. Ainfi il n'y a rien à craindre finon que ce fang n'en reflorte pas avec continuité & fuffifance, pour l'aliment des provinces, puifque s'il eft retenu dans ce dépôt, ou qu'il en forte trop lentement, il eft impoffible qu'elles n'en reffentent un affoibliffement très préjudiciable à elles & au total.

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aux Au

rer les in

Les gens bien intentionnés ont de- Principe puis plufieurs années fourni divers commun Memoires, pour procurer aux Mini- teurs des ftrès des moyens de remedier aux in- Memoires conveniens des finances, & de parta- pour répager tellement la charge des impôts, convenique le Roi puiffe être autant ou plus ens des fipuiffant que le paffé, & que le peuple nances. les paye avec proportion, & à fon pouvoir. Mais tous font convenus du principe, qu'il eft auffi dangereux que le peuple foit trop à fon aife, qu'il eft trifte de le voir accablé. Cc fut la premiere reflexion que feu M.lePrince de Conti fit fur le projet de l'établiffement d'une dixme Royale par le Maréchal de Vauban ; & il eft bon en effet que le roturier fente la neceffité où il fe trouve d'obéir, & qu'il ne s'accoutume pas de telle forte à la proprieté de ce qu'il a, qu'il fe puiffe regarder comme indépendant. C'eft donc par ce principe que l'Auteur, fans égard aux exemples paffés, & en particulier à l'égalité des tributs établis par les Romains dans les Gaules, confent, en faveur de la Religion & de la NoTome II.

M

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