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ne point laisser endormir dans une sécurité trompeuse la surveillance que me prescrit le soin de la conservation de la paix, ce grand intérêt de la France, ce premier objet des vœux de Votre Majesté. Voir le péril là où il n'existe pas, c'est quelquefois le provoquer, et le faire naître d'un autre côté; fermer les yeux aux indices qui peuvent en être les précurseurs, serait un acte d'un inexcusable aveuglement. Je ne dois pas le dissimuler, Sire, quoique aucune notion positive ne constate jusqu'à ce jour de la part des puissances étrangères une résolution formellement arrêtée qui doive nous faire présager une guerre prochaine, les apparences autorisent suffisamment une juste inquiétude des symptômes alarmans se manifestent de tous côtés à la fois. En vain vous opposez le calme de la raison à l'entraînement des passions; la voix de Votre Majesté n'a pu encore se faire entendre. Un inconcevable système menace de prévaloir chez les puissances, celui de se disposer au combat sans admettre d'explication préliminaire avec la nation qu'elles paraissent vouloir combattre. Par quelque prétexte que l'on veuille justifier une marche aussi inouïe, la conduite de Votre Majesté en est la plus éclatante réfutation. Les faits parlent; ils sont simples, précis, incontestables, et, sur l'exposé seul je vais faire de ces faits, les Conseils de Votre Majesté, les Conseils de tous les souverains de l'Europe, les gouvernemens et les peuples peuvent également juger ce grand procès.

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Depuis quelques jours, Sire, j'éprouvais le besoin d'appeler vos méditations sur les préparatifs des divers gouvernemens étrangers; mais les germes de troubles qui se sont développés un moment sur quelques points de nos provinces méridionales - compliquaient notre situation : peut-être le sentiment si naturel qui nous porte à vouloir avant tout la répression de tout principe de dissension intérieure m'eût-il empêché, malgré moi, de considérer sous un jour assez sérieux les dispositions comminatoires qui se font remarquer au dehors.

» La rapide dispersion des ennemis de notre repos domestique m'affranchit de tout ménagement de cette nature.

»La nation française a le droit d'attendre la vérité de la part de son gouvernement, et jamais son gouvernement ne put avoir, autant qu'aujourd'hui, la volonté comme l'intérêt de lui dire la vérité tout entière.

mars.

» Vous avez, Sire, repris votre couronne le 1er du mois de s.Il est des événemens tellement au-dessus des calculs de la raison humaine, qu'ils échappent à la prévoyance des rois et à la sagacité de leurs ministres.

» Sur le premier bruit de votre arrivée aux rives de la Profence, les monarques assemblés à Vienne ne voyaient encore

que le souverain de l'île d'Elbe, quand déjà Votre Majesté régnait de nouveau sur l'Empire français. Ce n'est que dans le château des Tuileries que Votre Majesté a pu apprendre l'existence de leur déclaration du 13. Les signataires de cet acte inexplicable avaient déjà compris d'eux-mêmes que Votre Majesté était dispensée d'y répondre..

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Cependant toutes les proclamations, toutes les paroles de Votre Majesté attestaient hautement la sincérité de ses vœux pour le maintien de la paix. J'ai dû prévenir les agens politiques français, employés à l'extérieur par le gouvernement royal, que leurs fonctions étaient terminées, et leur mander que Votre Majesté se proposait d'accréditer incessamment de nouvelles légations. Dans son désir de ne laisser aucun doute sur ses sentimens véritables, Votre Majesté m'a ordonné d'enjoindre à ces agens de s'en rendre les interprètes auprès des divers cabinets. J'ai rempli cet ordre en écrivant le 30 mars aux ambassadeurs, ministres et autres agens. Non contente de cette première démarche, Votre Majesté a voulu, dans cette circonstance extraordinaire, donner à la manifestation de ses dispositions pacifiques un caractère encore plus authentique et plus solennel; il lui a paru qu'elle ne pouvait en consacrer l'expression avec plus d'éclat qu'en la consignant elle-même dans une lettre aux souverains étrangers : elle m'a en même temps prescrit de faire à leurs ministres une déclaration semblable.

» Ces deux lettres, expédiées le 5 de ce mois, sont un monument qui doit déposer à jamais de la loyauté et de la droiture des vues de Votre Majesté impériale.

» Tandis que les momens de Votre Majesté étaient ainsi marqués, et pour ainsi dire remplis par une seule pensée, quelle a été la conduite des diverses puissances?

» De tout temps les nations se sont plu à favoriser les communications de leurs gouvernemens entre eux, et les cabinets eux-mêmes se sont attachés à rendre ces communications faciles. Pendant la paix l'objet de ces relations est de prolonger sa durée; pendant la guerre il tend au rétablissement de la paix dans l'une et l'autre circonstance, elles sont un bienfait pour l'humanité. Il était réservé à l'époque actuelle de voir une société de monarques s'interdire simultanément tout rapport avec un grand Etat, et fermer l'accès à ses amicales assurances. Les courriers expédiés de Paris le 30 mars pour différentes cours n'ont pu arriver à leur destination. L'un n'a pu dépasser Strasbourg, et le général autrichien qui commande à Kehl s'est refusé à lui ouvrir un passage, même avec la condition de le faire accompagner d'une escorte. Un autre, expédié pour

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l'Italie, a été obligé de revenir de Turin sans avoir pu remplir l'objet de sa mission. Un troisième, destiné pour Berlin et le Nord, a été arrêté à Mayence, et maltraité par le commandant prussien. Ses dépêches ont été saisies par le général autrichien qui commande en chef dans cette place.

» Je joins ici les pièces relatives au refus de passage que ces courriers ont éprouvé dans leurs diverses directions.

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J'apprends déjà que; parmi les courriers expédiés le 5 de ce mois, ceux qui étaient destinés pour l'Allemagne et pour l'Italie n'ont pu dépasser les frontières. Je n'ai aucune nouvelle de ceux qui ont été expédiés pour le Nord et pour l'Angleterre.

» Lorsqu'une barrière presque impénétrable s'élève ainsi entre le ministère français et ses agens au dehors, entre le cabinet de Votre Majesté et celui des autres souverains, ce n'est plus, Sire, que par les actes publics des gouvernemens étrangers qu'il est permis à votre ministère de juger de leurs.

intentions.

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Angleterre. - La constitution de l'Angleterre soumet le, monarque à des obligations fixes envers la nation qu'il gouverne. Ne pouvant agir sans son concours, il est obligé de lui faire part sinon de ses résolutions formelles, du moins de ses résolutions probables. Le message adressé au parlement le 5 de ce mois par le prince-régent n'est pas propre à inspirer aux amis de la paix une confiance bien étendue. J'ai l'honneur de mettre cette pièce sous les yeux de Votre Majesté (1).

» Une première remarque doit péniblement affecter les. hommes qui connaissent les droits des peuples, et qui attachent du prix à les voir respectés par les rois. Le seul motif allégué par le prince-régent pour justifier les mesures qu'il annonce l'intention d'adopter est qu'il s'est passé en France des événe-.

(1)« Le prince régent, au nom et de la part de Sa Majesté, croit devoir prévenir la Chambre des Communes que les événemens qui dernièrement ont eu lieu en France, en contradiction directe avec les engagemens conclus avec les puissances alliées à Paris au mois d'avril dernier, et qui menacent d'avoir des conséquences très dangereuses pour la tranquillité et l'indépendance de l'Europe, ont fait prendre la résolution à Son Altesse royale de donner des ordres pour augmenter les forces de Sa Majesté tant de terre que de mer.

» Le prince régent a également jugé nécessaire de ne pas perdre un moment pour entamer des communications avec les alliés de Sa Majesté, afin d'agir ensemble de la manière la plus efficace pour rendre la sûreté générale de l'Europe permanente.

» Et Son Altesse royale place sa confiance en la Chambre des Communes, persuadée qu'elle prêtera volontiers les secours nécessaires. your arriver à ce but important. »

mens contraires aux engagemens pris par les puissances alliées entre elles; et ce souverain d'une nation libre semble ne pas même faire attention à la volonté du grand peuple chez lequel ont eu lieu ces événemens! Il semble qu'en 1815 l'Angleterre et ses princes ne se souviennent plus de 1 688; il semble que les puissances alliées, parce qu'elles ont eu un avantage momentané sur le peuple français, aient pu, sur l'acte intérieur qui intéresse le plus toute son existence, stipuler irrévocablement, pour lui et sans lui, au mépris du plus sacré de ses droits! » Le prince-régent déclare qu'il donne des ordres pour augmenter les forces britanniques tant sur terre que sur mer. Ainsi la nation française, dont il tient si peu de compte, doit être de tous côtés sur ses gardes; elle peut craindre une agression continentale, et en même temps elle doit surveiller toute l'étendue de ses côtes contre la possibilité d'un débarquement. C'est, dit le prince régent, pour rendre la sûreté de l'Europe permanente, qu'il réclame les secours de la nation anglaise. Et comment a-t-il besoin de pareils secours, quand cette sûreté n'est pas menacée?

» Au reste, les rapports des deux pays n'ont point éprouvé d'altération remarquable. Sur quelques points des faits particuliers prouvent que les Anglais mettent du soin à entretenir toutes les relations rétablies par la paix. Sur (d'autres des circonstances différentes porteraient à une croyance contraire. Des lettres de Rochefort du 7 de ce mois font mention de quelques incidens qui seraient d'un augure peu favorable s'ils venaient à être constatés, et s'ils ne s'expliquaient pas d'une manière satisfaisante; mais nos informations actuelles n'offrent point encore un caractère qui doive faire attacher à ces incidens une grande importance.

» En Autriche, en Russie, en Prusse, dans toutes les parties de l'Allemagne, et en Italie, partout enfin on voit un armement général.

» Autriche. A Vienne le rappel de la landwer, dernièrement licenciée, l'ouverture d'un nouvel emprunt, la progression chaque jour croissante du discrédit du papier monnaie, tout annonce l'intention ou la crainte de la guerre.

>> De fortes colonnes autrichiennes sont en marche pour aller renforcer les corps nombreux déjà rassemblés en Italie. On peut douter si elles sont destinées à des opérations aggressives, ou si elles n'ont d'autre mission que de maintenir dans l'obéissance le Piémont, Gênes, et les autres parties du territoire italien, dont les intérêts froissés peuvent faire crain→ dre le mécontentement.

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Naples.

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Au milieu de cet ébranlement de l'Autriche vers l'Italie, le roi de Naples n'a pu rester immobile. Ce prince,

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dont les alliés avaient précédemment invoqué les secours dont ils avaient reconnu la légitimité et garanti l'existence n'a pu ignorer que leur politique, modifiée depuis par des circonstances différentes, aurait mis son trône en danger, si, trop habile s'abandonner à leurs promesses, pour il n'avait s'affermir sur de meilleurs fondemens. La prudence lui a prescrit de faire quelques pas en avant pour observer les évé– nemens de plus près, et le besoin de couvrir son royaume l'a obligé de prendre des positions militaires dans les états romains.

» Prusse. Les mouvemens de la Prusse n'ont pas moins d'activité partout les cadres se remplissent et se complètent; les officiers réformés sont obligés de se rendre à leurs corps; pour accélérer leur marche, on leur accorde la franchise de la poste, et ce sacrifice, léger en apparence, mais fait par un gouvernement calculateur, n'est pas une faible preuve de l'intérêt qu'il met à la rapidité de ses préparatifs.

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Sardaigne. Dès les premiers momens du retour de Votre Majesté un commandant de troupes anglaises, de concert avec le gouverneur du comté de Nice, s'est emparé de la place de Monaco. D'après les anciens traités, renouvelés par celui de Paris, la France seule a le droit de mettre garnison dans cette place. L'époque où cette occupation a eu lieu indique assez que le commandant des troupes anglaises ne s'y est porté que de lui-même, et qu'il n'avait pu avoir sous ce point d'instruction préalable de son gouvernement. La France doit demander satisfaction sur cette affaire aux cours de Londres et de Tarin; elle doit exiger l'évacuation de Monaco, et sa remise à une garnison française, conformément aux traités. Mais Votre Majesté jugera sans doute que cette affaire ne peut être qu'un sujet d'explication, attendu que la détermination du gouvernement sarde, et celle surtout du commandant anglais, ont été accidentelles, et un effet subit de l'inquiétude oçcasionnée par des mouvemens extraordinaires.

» Espagne. Les nouvelles d'Espagne, et une lettre officielle de M. de Laval du 28 mars, apprennent qu'une armée doit se porter sur la ligne des Pyrénées. La force de cette armée sera nécessairement subordonnée à la situation intérieure de cette monarchie, et son mouvement ultérieur aux déterminations des autres états. La France remarquera que ces ordres ont été donnés sur la demande de M. le duc et de madame la duchesse d'Angoulême. Ainsi en 1815, comme en 1793, ce sont des princes nés français qui appellent l'étranger sur notre territoire.

»

Pays-Bas. Les rassemblemens de troupes de diverses nations qui ont eu lieu dans le nouveau royaume des Pays-Bas, et

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