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qui aurait porté sur son administration intérieure, n'auraient eu rien d'obligatoire pour elle; mais, lorsque même il n'existe aucune stipulation de cette espèce, comment la France, usant d'une faculté qui est sans rapport de dépendance et d'analogie avec le droit public, a-t-elle pu enfreindre traité qui, , par sa nature et son objet, est renfermé dans les limites de ce droit? La Pologne a offert un exemple éclatant des suites d'une intervention étrangère dans les affaires intérieures d'une nation, et l'on en connaît trop le déplorable dénouement.

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Les feintes inquiétudes des alliés sur les suites du retour de Votre Majesté, leur zèle apparent pour la défense des nations, dont ils sont les seuls oppresseurs, ne sauraient tromper la véritable opinion publique. Il n'est que trop évidemment démontré que leur union contre nous a un tout autre principe; qu'elle a un principe non de résistance, mais d'invasion, et que l'affectation à prévenir des dangers qui n'existent pas n'est qu'un voile pour couvrir des projets réels d'envahissement.

» Il existe, on n'en peut douter, des vues secrètes,' des vues hostiles contre l'intégrité de notre territoire; vues habilement déguisées sans doute, mais qui n'ont pu cependant échapper à une juste prévoyance. On sait maintenant, et la correspondance des plénipotentiaires du gouvernement royal au Congrès en renferme la preuve, on sait que les cabinets des puissances alliées, au milieu de leurs démêlés pour la démarcation de leurs territoires respectifs, se sont reproché d'avoir signé la paix de Paris. Il semblait qu'ils regrettassent de n'avoir pas pris dans l'Alsace et la Lorraine les bases du réglement de leurs limites en Gallicie. Ce regret des cabinets se transformait pour eux en espoir, et c'est cet espoir qui les a portés à suspendre tout arrangement définitif. La désorganisation intérieure de la France, la dissolution de son armée, son état, de dépérissement, qu'agravaient chaque jour les mesures destructives du ministère royal, présentaient le territoire français comme une proie qui devait, dans un temps plus ou moins prochain, fournir à toutes les prétentions de riches moyens d'accommodement. Le retour de Votre Majesté vient tromper ce calcul le projet est déjoué pour jamais s'il n'est consommé à l'instant même. C'est là le vrai motif qui porte à en précipiter l'exécution. Il serait dérisoire de vouloir persuader que les alliés n'ont d'autre intention que de combattre un principe, un système, un homme, lorsque cet homme, ce principe, ce système sont circonscrits dans un espace

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limité, au delà duquel ils ne songent point à s'étendre: on ne fait point marcher d'innombrables armées contre péril idéal, contre une chance à venir, mais pour porter des coups actuels, pour créer des chances prochaines dans lesquelles une ambition illimitée puisse trouver à se satisfaire.

» L'une des publications les plus extraordinaires que les circonstances ont fait naître est la proclamation du roi de Prusse. Cette pièce a blessé les cœurs français par le côté le plus sensible on croirait entendre encore les outrageantes menaces du duc de Brunswick. Vingt années de triomphes n'avaient pas produit en France le degré d'ivresse auquel une année de succès a porté l'orgueil de quelques gouvernemens. Pourquoi rappeler que les drapeaux prussiens, mêlés aux étendards de l'Europe entière, ont flotté à Paris quand Votre Majesté ne veut plus se souvenir qu'une injuste agression l'a forcée de planter les drapeaux' français à Berlin? La question est bien établie entre les étrangers et nous c'est pour marcher au cœur de l'Empire français que le roi de Prusse appelle ses peuples aux armes, tandis que Votre Majesté borne tous ses vœux et attache toute sa gloire` à la défense de nos frontières.

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Un manifeste de la cour de Madrid, en date du 2 du mois de mai, présente aussi un trait remarquable. L'état présent des choses n'offrant point à cette cour de juste sujet de plaintes, elle va chercher des griefs contre nous jusque dans les premières années de notre révolution. La véritable politique des deux pays ne pouvant que chercher à unir de nouveau leurs intérêts, la France ne doit voir qu'avec peine cette puissance se ranger du côté de nos ennemis.

L'animosité de plusieurs puissances, la rivalité des mesures violentes qu'elles s'empressent d'adopter ne sont pas cependant sans exception.

» Au premier rang de ses amis la France peut compter une nation appelée à un grand rôle dans la politique générale, surtout dans la politique maritime; les Américains, qui, après une honorable guerre, sont sortis de la lutte par une honorable paix. Le peu de rapports qu'ils ont eus avec le gouvernement royal pendant sa courte existence a suffi pour les convaincre qu'ils n'avaient rien à en attendre. Dans leurs discussions avec l'Angleterre ils l'ont vu favoriser à leur détriment les prétentions britanniques. L'intérêt des Américains est simple; c'est qu'il y ait en France un gouvernement fort par ce fait seul leur position actuelle envers la France se trouve décidée d'elle-même.

» Un prince qui avait eu précédemment des torts envers la France, mais que l'intérêt de sa sûreté devait ramener à de meilleurs sentimens, le roi de Naples aurait pu offrir en Italie un point d'appui utile à la cause des nations. Ce prince, dont la perte avait été résolue au Congrès, a cru pouvoir la prévenir en allant au devant du danger. Votre Majesté, à peine arrivée à Paris lorsque le roi de Naples engageait avec l'Autriche un combat qu'il n'était pas en état de soutenir, n'a pu apprendre qu'avec chagrin la nouvelle d'un éclat imprudent dont l'issue ne devait guère être douteuse, et elle a dû regretter surtout de voir sacrifier ainsi la liberté des peuples d'Italie, qui, dans les jours de son adversité, lui ont témoigné un intérêt dont elle aime à se souvenir.

» Une déclaration que les alliés ont publiée le 20 mars, et par laquelle ils modifient l'existence antérieure de la Suisse, porte qu'ils reconnaissent sa neutralité. Cependant, presque dans le même moment, ils cherchent à la faire entrer dans le système des opérations aggressives. Pour résister à de telles propositions, la Suisse n'a besoin que de consulter ses propres intérêts; ce n'est qu'à son détriment qu'elle peut s'écarter d'un système dont le maintien est nécessaire à son indépendance et à sa prospérité. Les dispositions de la majorité des habitans ne sont pas douteuse; celles mêmes de la diète ne devraient pas l'être. Votre Majesté, dont les sentimens pour la Confédération helvétique n'ont jamais varié, n'a pas balancé à lui en faire donner de nouvelles assurances ; mais la Confédération se composant de petites républiques dont les intérêts et les vues ne peuvent pas être toujours d'accord, comme il est à craindre que la couvention conclue le 20 mai entre la diète et les ministres des puissances ne soit adoptée par les cantons, et qu'une influence ennemie ne parvienne, même contre le gré de la diete, à rendre inutiles tous les moyens de défense, Votre Majesté jugera sans doute qu'elle ne doit pas négliger les mesures de précaution que peut exiger sur cette frontière la sûreté du territoire de l'Empire.

>> Si le plus grand nombre des gouvernemens européens entre dans la masse qui se réunit contre nous, il y a, malgré l'apparente uniformité de leurs état extérieur, des dissemblances infinies dans leurs dispositions effectives. Cette différence dans leurs dispositions résulte de la différence des intérêts respectifs, de la différence des passions individuelles des princes, de la différence des vues des cabinets, enfin de la différence des avantages qu'ils peuvent trouver dans un nouveau choc,

comme des risques qu'ils peuvent y courir. Elle résulte encore de la situation dans laquelle des états de premier et de second ordre se trouvent réciproquement placés par suite de la dernière guerre et des opérations du Congrès.

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Quatre puissances ont incontestablement un même but, quoique toutes quatre n'aient pas un même intérêt. Les cours de Londres, de Pétersbourg, de Vienne et de Berlin conspirent toutes, par des motifs différens, l'affaiblissement et le démembrement de la France.

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L'Angleterre veut détruire à la fois le principe de notre force continentale et celui de notre force maritime: même dans la dernière époque, où notre marine existait à peine, la force continentale de la France a porté des coups sensibles à la prospérité du commerce anglais.

» La Russie, qui joue aujourd'hui sur le continent le rôle que la France a joué pendant quinze ans, craint de perdre la domination territoriale ou même de la partager; elle ne veut point qu'il existe à l'occident de l'Europe un gouvernement assez fort pour balancer ou limiter son ascendant sur les états intermédiaires.

» La monarchie militaire fondée par Frédéric II, destinée par l'esprit de ses institutions à être un état conquérant et uniquement occupé à étendre ses limites, afin d'englober ensuite tous les territoires situés dans ses immenses embranchemens, la Prusse ne voit d'avenir pour elle que dans la ruine de la nation énergique dont l'existence seule oppose une invincible barrière à ses usurpations.

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L'Autriche, et c'est là une de ces erreurs que la raison cherche en vain à s'expliquer, l'Autriche, dont la Russie presse les flancs sur une ligne immense, et que la Prusse seule ose déjà braver, cédant à l'empire de circonstances sous lesquelles un état du second ordre est seul excusable de fléchir ; l'Autriche marche aussi contre la France, comme pour augmenter le triomphe du cabinet de Pétersbourg, et s'attacher ellemême à son char. La fatale passion de se reporter vers le Rhin, l'espoir d'obtenir sur la rive gauche de ce fleuve des pays qui ont jadis fait partie de l'empire d'Allemagne, lui fait oublier tous les dangers qu'elle se prépare, et ne lui laisse pas voir que c'est du nord vers le midi que marche dans tous les temps le génie de l'invasion; que c'est du nord et de l'est que l'oppression pèse déjà sur elle, et qu'elle ne fait que forger ses propres chaines en prêtant la main à la perte des états d'occident, qui seuls peuvent la protéger contre l'asservissement plus ou moins prochain dont elle est menacée.

» Ces quatre grandes puissances entraînent naturellement,

avec elles tous les états qui touchent leur territoire ou qui se trouvent sur leur passage; mais cet entraînement matériel n'aura de durée qu'aussi longtemps que subsistera la force étrangère qui le produit. Les chances variées que fait naître la diversité des intérêts prendront une direction contraire ou favorable, selon le résultat des premiers événemens militaires.

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Sire, la question de la guerre ne peut plus être mise en doute. Le ministère britannique, après avoir reçu les réponses de Vienne, a déclaré qu'il regarde le traité du 25 mars comme ayant constitué l'état d'hostilité entre la France et l'Angleterre ; il a déclaré que le dernier message du princerégent devait être considéré comme un message de guerre; en sorte que si un mouvement général d'aggression n'a pas eu lieu encore, c'est qu'il a convenu aux puissances d'en différer le moment pour laisser arriver toutes leurs forces. Cependant, si jusqu'à ce jour elles n'ont fait que préluder à la guerre, ces préludes ont été sanglans : le 30 avril, en pleine paix, la frégate la Melpomene a été attaquée et prise, près l'île d'Ischia, par le vaisseau anglais le Rivoli; la Dryade a été attaquée le 10 mai; des bâtimens anglais jettent sur nos côtes des hommes, des armes et des munitions de guerre. J'ai l'honneur de soumettre ci-joint à Votre Majesté une indication de diverses autres voies de fait et de mesures hostiles qui se multiplient depuis quelques mois, et que ne peut pas tolérer plus longtemps une nation qui a le sentiment de sa dignité et de ses droits.

» Croire à la possibilité du maintien de la paix, serait aujourd'hui un dangereux aveuglement. Si cette espérance, à laquelle il faut entièrement renoncer; si l'Assemblée du Champ de Mai et l'ouverture des Chambres ont dû retenir Votre Majesté dans la capitale, ces motifs de délai n'existent plus. La guerre nous entoure de toutes parts. Ce n'est plus que sur le champ de bataille que la France peut reconquérir la paix. Lorsque l'étranger n'a suspendu ses coups que pour nous frapper plus sûrement, l'intérêt national ordonne de les prévenir au lieu de les attendre. Les Anglais, les Prussiens, les Autrichiens sont en ligne; les Russes sont en pleine marche : la tête de leur première colonne a passé Nuremberg le 19 mai, et se trouve sur les bords du Rhin. L'empereur de Russie, le roi de Prusse ont quitté Vienne le 26 mai, et l'empereur d'Autriche le 27: ces souverains sont maintenant à la tête de leurs armées, et Votre Majesté est encore à Paris. Sire, toute hésitation peut désormais compromettre les intérêts de la patrie.

» La lutte qui va s'engager ne sera pas une lutte d'un jour; peut-être voudra-t-elle de longs efforts, une longue patience.

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