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Les avis sont partagés. Des groupes se reforment. Après quelques momens d'interruption l'orateur ajoute :

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SOLIGNAC. Messieurs, nous voulons tous sauver la patrie; mais ne pouvons-nous concilier ce sentiment unanime avec le désir, honorable pour la Chambre, de conserver l'honneur du chef de l'Etat ? (Oui, oui! s'écrie-t-on de toutes parts.) Si je demandais d'attendre à ce soir ou demain, on pourrait m'opposer quelques considérations, mais une heure!...>> (Quelques voix: Non! De toutes parts : Qui, oui!)

La dernière proposition de Solignac est ainsi adoptée à une grande majorité.

Le général LAFayette.

• Si alors le message n'est pas

arrivé, je demanderai la déchéance de l'empereur.

La séance est suspendue. Elle est reprise après quelques instans entendre le ministre de la guerre.

pour

Le maréchal prince d'ECKMULH (Davoust). « Messieurs, hier nous avons reçu des nouvelles de l'armée. Les renseignemens qui nous étaient donnés, sans être officiels, nous portaient à croire nos désastres ne sont que aussi considérables qu'on a pu le craindre. Aujourd'hui ces renseignemens ont acquis le caractère officiel le plus certain, et je les garantis à la Chambre sur mon honneur.

pas

» Un officier d'ordonnance du prince Jérôme, parti d'Avesnes le 21 juin, a trouvé la route couverte de soldats. Il doit y avoir au moins vingt mille hommes ralliés. Quelques officiers de la garde ont trouvé sur la route des voitures de fusils, et ont armé de suite au moins cinq mille soldats. On a rassemblé de tous côtés des canons, caissons et fourgons.

» Des émissaires jetaient partout l'alarme en annonçant l'ennemi. Le commandant de La Fère a donné ordre d'arrêter tous ceux qui répandraient des bruits fâcheux.

» La garde s'est ralliée à Avesnes.

» Voici l'extrait d'une dépêche du duc de Dalmatie :

« M. le maréchal écrit le 20, de Rocroy, qu'avec les batail»lons de Philippeville il avait rallié deux mille hommes » de la vieille garde, et beaucoup d'autres détachemens. >>

» Le maréchal Grouchy annonce qu'il a battu, le 18, les restes de l'armée prussienne. Les communications étaient libres avec le maréchal Soult.

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Un autre officier n'a vu aucun ennemi entre le maréchal

1

Grouchy et la frontière. Nul doute que M. le maréchal n'y soit avec son corps de cavalerie.

>> Ainsi nous avons encore une armée de soixante mille hommes à la frontière du nord. On peut y envoyer en outre dix mille hommes avec de la cavalerie, et deux cents pièces de canon. J'ajoute que si la Chambre prend de fortes mesures, et qu'elle déclare traître à la patrie tout garde national ou tout militaire qui abandonnera ses drapeaux, une barrière assez forte peut être opposée à l'invasion étrangère, et vous aurez une armée assez respectable pour appuyer vos négociations avec un ennemi qui à prouvé qu'il ne tenait pas toujours fidèlement ses promesses.

Un membre. « Je désirerais que le ministre voulût bien dire à la Chambre s'il est vrai que l'ennemi ait des troupes légères aux environs de la ville de Laon. »

Le ministre. Ces rapports sont faux, comme ceux que l'on avait répandus hier, que je faisais marcher des troupes contre cette Assemblée; assertion odieuse que l'on affecte encore de répéter aujourd'hui.

» Messieurs, je le déclare ici sur mon honneur, tous ces bruits-là sont faux. »

Un membre. -S'ils étaient vrais vous seriez arrêté! »

Un autre membre. - Les communications tardives qui sont faites à la Chambre... » (Violente interruption. De toutes parts: A l'ordre! A l'ordre avec censure ! )

Le ministre. -α «Les communications que je viens de donner à la Chambre ne sont point tardives, ni faites par ruse; j'en suis incapable; il y a peu de momens que je les ai reçues, et M. Regnault (de Saint-Jean-d'Angely) était présent à l'arrivée des dépêches. »

Les communications du ministre de la guerre sont accueillies par la Chambre, et mention honorable en sera faite au procès-verbal.

La séance est suspendue.

A une heure elle est reprise. Le président ordonne aux huissiers de faire sortir les étrangers introduits dans l'enceinte des délibérations: le général Solignac demande une exception pour Jes officiers de la garde nationale ; Pour tous les gardes nationaux de service, ajoute Arnault. ( Adopté.)

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Dans plusieurs parties de la salle on entend répéter ces

mots: L'empereur a abdiqué!-Que ce soit au profit de la nation! — Point de Bourbons!-Oui, plus de Bourbons!

Les ministres de la police, de l'intérieur, des relations extérieures, de la marine et de la guerre sont introduits.

LE PRÉSIDENT. Je vais donner lecture d'un acte important qui m'est communiqué par les ministres de S. M. Je rappelle les termes du réglement, qui défend aucun signe d'improbation ni d'approbation.

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Déclaration au peuple français.

Français, en commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les » autorités nationales: j'étais fondé à en espérer le succès, » et j'avais bravé toutes les déclarations des puissances con

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>> tre moi.

>> Les circonstances me paraissent changées. Je m'offre en » sacrifice à la haine des ennemis de la France. Puissent-ils » être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir réelle»ment voulu qu'à ma personne! Ma vie politique est terminée, » et je proclame mon fils, sous le titre de Napoléon Il, empe>> reur des Français.

» Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à mon fils m'engage » à inviter les Chambres à organiser sans délai la régence par » une loi.

>> Unissez-vous tous pour le salut public, et pour rester une » nation indépendante!

» Au palais de l'Elysée, ce 22 juin 1815. Signé NAPOLÉON.»

Le duc d'OTRANTE.— « Messieurs, c'est ici le moment où la Chambre des Représentans doit se prononcer, en face de la nation et de l'Europe, pour sa liberté, son indépendance, et pour le succès des principes pour lesquels la nation verse son sang et s'épuise en sacrifices depuis vingt-cinq ans! Ce n'est pas devant une Assemblée composée de Français que je croirai convenable de recommander les égards dus à l'empereur Napoléon, et de rappeler les sentimens qu'il doit inspirer dans son malheur : les représentans de la nation n'oublieront point, dans les négociations qui devront s'ouvrir, de stipuler les intérêts de celui qui pendant de longues années a présidé aux destinées de la patrie. Je propose à la Chambre de délibérer qu'une commission de cinq membres sera nommée séance tenante; qu'elle sera chargée de se rendre auprès des puissances alliées pour

y traiter des intérêts de la France dans les circonstances et la position nouvelle où elle se trouve, et soutenir ses droits et l'indépendance du peuple français. Je demande que cette commission, nommée aujourd'hui, puisse partir demain. » ( De toutes parts: Appuyé! Appuyé!)

DUPIN ( de la Nièvre).« Messieurs, l'abdication de l'empereur Napoléon était nécessaire; mais elle est grande, généreuse; elle mérite l'expression de la reconnaissance nationale. Le sacrifice que fait en ce moment l'empereur Napoléon prouve qu'en effet il voulait la gloire et le bonheur du peuple français, et c'est aujourd'hui, pour que cette gloire et ce honheur ne soient pas compromis, pour que l'indépendance nationale ne soit pas attaquée, qu'il vient de se dévouer ! Il remet au peuple français les pouvoirs qui lui avaient été confiés. Votre premier devoir est donc d'accepter cette abdication au nom de la nation que vous représentez.

» Je propose la délibération suivante :

"La Chambre des Représentans, considérant que le salut » du peuple est la suprême loi, déclare :

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» Art. 1er. Au nom du peuple français, la Chambre des Représentans accepte l'abdication de Napoléon.

» 2. La Chambre des Représentans se déclare Assemblée » nationale... (Vifs murmures.) Des députés partiront de » suite pour le quartier général des alliés pour y stipuler les » droits de l'indépendance nationale, et particulièrement l'in» violabilité de la personne de Napoléon.

» 3. Il sera nommé une commission exécutive de cinq membres, dont trois seront nommés par la Chambre des » Représentans, et deux par la Chambre des Pairs.

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» 4. Cette commission nommera de suite un généralis» sime. Les ministres continueront leurs fonctions.

» 5. Une commission spéciale sera chargée de préparer le » travail de la nouvelle Constitution, qui devra garantir nos >> institutions nationales. Elle formera les bases du pacte et des >> conditions auxquelles le trône pourra être occupé par le prince que le peuple aura choisi... » (Vive et longue agitation.)

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» Je demande à développer ces propositions. Il faut d'abord que l'abdication soit acceptée : c'est la seule manière légale de rompre le contrat qui nous unissait à l'empereur Napoléon. Les circonstances remettent entre les mains de la nation le pouvoir qu'elle avait délégué il faut prendre avec sagesse, avec calme les mesures nécessaires pour replacer ce

pouvoir, et rendre à la nation un gouvernement qu'ellè n'a plus.

>> Votre premier besoin est ensuite de vous adresser aux puissances alliées, et de leur demander si leur intention sera conforme aux promesses qu'elles ont faites. Elles ont déclaré solennellement qu'elles n'entendaient point attenter à l'indépendance de la nation, ni la forcer à recevoir un gouvernement. La seule objection qu'elles faisaient vient de disparaître; le motif d'inimitié qu'elles ont proclamé n'existe plus. Nous allons donc voir si leur bonne foi sera justifiée ou démentie... (Mouvement d'approbation. )

» De plus, les rênes du gouvernement ne peuvent rester ni flottantes ni incertaines vous ne voulez pas les garder entre vos mains; vous voulez que le char de la patrie ne s'égare pas dans de fausses routes, et que sa conduite soit remise à des mains fermes et prudentes à la fois. Il faut donc nommer un conseil exécutif, et le choix appartient sans nul doute aux deux Chambres.

» La paix doit être le but de votre résolution, et l'objet des démarches les plus pressantes de ce gouvernement provisoire ; mais une paix qui garantisse les droits et les institutions nationales, mais une paix qui nous assure la jouissance de cette liberté civile et politique, objet si constant de nos travaux et de nos sacrifices.

» Il faut que le conseil exécutif nomme un généralissime, car il n'y aurait aucun ensemble dans l'emploi des moyens de défense nationale.

Enfin, les ministres de l'empereur n'ont nullement perdu de votre confiance; ils l'ont méritée : ils continueront à en jouir sous le pouvoir exécutif.

» Nos Constitutions doivent être refondues et réunies dans un seul cadre ce travail doit vous occuper sans relâche; ce n'est qu'en le terminant que nous pourrons être certains de ne pas recevoir la loi, et de faire nos conditions quand il s'agira d'appeler au trône celui qui doit y monter. En effet, s'il y avait unanimité telle que les deux Chambres, les villes, les campagnes, toute la nation enfin appelât le même homme, certes la volonté publique serait la vôtre; mais cette volonté il faut la consulter pour la connaître. En vous occupant de la défense commune vous saurez prévenir les déchiremens et les prétentions contraires à la volonté nationale. La voix publique se manifestera, et vous en porterez l'expression dans les négociations.

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On a proposé de réunir la Chambre des Pairs à cette Assemblée... (Murmures. Qui l'a proposé? - Personne!)

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