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»tionnelle et de la liberté publique est confié à la fidélité et » au courage de l'armée, des gardes nationales et de tous » les citoyens. » Cet amendement, favorablement accueilli de la Chambre, est adopté au nom du roi par les ministres, et renvoyé dans les bureaux pour être délibéré avec le projet de loi.

PROPOSITION de M. Lajard (de la Seine). Séance du 13 mars 1815.

«Messieurs, je monte à cette tribune pour donner suite à une proposition que j'ai déjà eu l'honneur de vous sou

mettre.

»Vous vous rappelez sans doute que notre collègue Dumolart vous a fait une proposition relative à la Légion-d'Honneur; que, renvoyée dans vos bureaux, elle a été examinée par une commission centrale, et que, choisi par elle pour vous faire connaître son opinion, j'ai eu l'honneur de vous soumettre mon rapport le 29 décembre dernier.

» Votre prorogation, survenue le lendemain, ne vous ayant pas permis de délibérer sur les conclusions de ce rapport, je ne doute pas que vous ne vous en occupiez très inces

samment.

» En attendant, permettez-moi, messieurs, de détacher de la totalité des propositions contenues dans mon rapport celle qui a pour objet le paiement des arrérages dus aux légionnaires de l'armée pour 1814. Cette mesure, sanctionnée par votre vou, suffira pour apprendre à l'armée que les représentans de la nation ne perdent pas un moment pour effectuer une résolution méditée et proposée dans un temps plus calme.

>> Convaincus que nos soldats se rappelleront toujours qu'ils sont Français; qu'à ce titre ils ne quitteront jamais les sentiers de l'honneur, et qu'ils seront fidèles au serment qu'ils ont fait de défendre, avec leur courage accoutumé, le roi, la Charte, leurs familles, en un mot la patrie, ces mêmes représentans ne cesseront d'attirer sur eux la reconnaissance nationale, et de se réunir à Sa Majesté pour leur en faire éprouver les effets. Qu'ils en voient la preuve dans ce premier acte de votre réunion, et qu'ils sachent que votre premier soin a été de porter au roi le veu que tous les arrérages dus aux militaires de la légion leur soient payés incessamment; et de plus, que tous les militaires promus par Sa Majesté reçoivent le traitement de leurs grades à compter du jour de leur nomination.

>>

» Si la réduction faite l'année dernière dans les traitemens de la Légion a été commandée par la diminution de ses revenus et l'impossibilité d'y pourvoir à raison de l'état fâcheux de nos

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finances, on peut croire aujourd'hui que leur amélioration permettra de fournir à une dépense qui devient encore moins embarrassante lorsqu'elle se divise par douzième.

» C'est d'après cette confiance que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation la mesure suivante :

» Le roi est supplié d'ordonner:

» 1°. Que les arrérages soient payés en entier sur le pied de 1813 à tous les militaires membres de la Légion, quels que soient leurs grades ;

» 2°. Que tous les brevets de nominations faites jusqu'au premier avril 1814 soient expédiés sur le champ, et à la date des lettres d'avis déjà reçues ;

» 3°. Que tous les militaires promus par Sa Majesté soient également admis au traitement affecté à leurs grades respectifs et à la date de leur nomination. »

La proposition de M. Lajard est prise en considération, et renvoyée dans les bureaux pour y être délibérée sur le champ.

Le 14, sur un rapport fait par M. Faget de Baure au nom des bureaux, le projet de loi présenté par M. de Montesquiou, et amende par M. Delhorme, est adopté en ces

termes :

« LOUIS, etc. A tous ceux qui ces présentes verront, salut. » Voulant éviter à nos peuples le fléau d'une guerre étran» gère, qui peut éclater à la nouvelle, au Congrès, de l'appa»rition de Napoléon Bonaparte sur le territoire français;

>> Voulant donner à l'armée française une marque de notre » satisfaction et de notre confiance, et à nos fidèles sujets une » nouvelle garantie de tous leurs droits politiques et civils, » fondés sur la Charte constitutionnelle;

>> Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi » dont la teneur suit sera porté à la Chambre des Députés des départemens par notre ministre de l'intérieur.

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Art. 1°. Les garnisons de La Fère, de Lille et de Cam» brai ont bien mérité du roi et de la patrie: il leur sera dé» cerné une récompense nationale.

» 2. La garnison d'Antibes a également mérité de la patrie, » et il lui sera décerné une récompense nationale.

» Les maréchaux Mortier, duc de Trévise, et Macdonald > duc de Tarente, ont bien mérité de la patrie : il sera voté » en leur faveur une récompense nationale.

» 3. Il sera donné une pension aux militaires qui seront bles»sés, et aux familles de ceux qui seront tués en combattant » Napoléon Bonaparte.

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4. Le dépôt de la Charte constitutionnelle et de la liberté publique est confié à la fidélité et au courage de l'armée, des gardes nationales, et de tous les citoyens. »

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Dans la même séance du 14, M. de Montesquiou annonce que le ministère a « cru devoir accélérer l'effet des propositions qui ont été discutées dans cette Chambre » au sujet de la Légion d'Honneur. » En conséquence il présente, au nom du roi, un projet de loi entièrement conforme aux propositions faites la veille, et renvoyées dans les bureaux. Ce projet est immédiatement mis aux voix, et adopté à l'unanimité. (Voyez ci-dessus M. Lajard.)

Le 15, M. Sartelon fait une proposition tendante : « 1° à ce que le tiers des sous-lieutenances vacantes soit accordé aux sous-officiers de l'armée; 2° à ce qu'il ne soit prononcé ni maintenu aucune réforme sans traitement, autrement que dans les cas prévus par une loi qui remplacera les lois, décrets et ordonnances actuellement existantes. Cette proposition, que son auteur a développée le 18, a été prise en considération par la Chambre, et renvoyée dans les bureaux.

Le 16, SÉANCE ROYALE. La Chambre des Pairs est réunie à la Chambre des Députés. Les grands dignitaires de la couronne, des maréchaux de France, les inspecteurs généraux de l'armée, les grands cordons des ordres, des officiers supérieurs de terre et de mer, de nombreux détachemens de la maison militaire du roi et de la garde nationale parisienne, composaient le cortège du trône, que grossissait encore une affluence considérable de citoyens. Monsieur, frère du roi, le duc de Berry, le duc d'Orléans, le prince de Condé, accompagnaient le monarque. S.M. est accueillic, sur son passage comme au sein de la représentation nationale, par de vives acclamations, et surtout par les témoignages du tendre intérêt qu'inspirait sa situation personnelle.

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Messieurs, dans ce moment de crise, où l'ennemi public a pénétré dans une portion de mon royaume, et qu'il menace la liberté de tout le reste, je viens au milieu de vous resserrer encore les liens qui, vous unissant avec moi, font la force de l'Etat; je viens, en m'adressant à vous, exposer à toute la France mes sentimens et mes vœux.

» J'ai revu ma patrie ; je l'ai réconciliée avec toutes les

puissances étrangères, qui seront, n'en doutez pas, fidèles au traité qui nous ont rendus à la paix. J'ai travaillé au bonheur de mon peuple ; j'ai recueilli, je recueille tous les jours les marques les plus touchantes de son amour : pourrais-je, à soixante ans, mieux terminer ma carrière qu'en mourant pour sa défense!

» Je ne crains donc rien pour moi; mais je crains pour la France! Celui qui vient allumer parmi nous les torches de la guerre civile y apporte aussi le fléau de la guerre étrangère ; il vient remettre notre patrie sous son joug de fer; il vient enfin détruire cette Charte constitutionnelle que je vous ai donnée, cette Charte mon plus beau titre aux yeux de la postérité, cette Charte que tous les Français chérissent, et que je jure ici de maintenir!

» Rallions-nous donc autour d'elle! Qu'elle soit notre étendard sacré! Les descendans de Henri IV s'y rangeront les premiers; ils seront suivis de tous les bons Français. Enfin, messieurs, que le concours des deux Chambres donne à l'autorité toute la force qui lui est nécessaire, et cette guerre, vraiment nationale, prouvera par son heureuse issue ce que peut un grand peuple uni par l'amour de son roi et de la loi fondamentale de l'Etat. »

Ce discours fait sur l'Assemblée une profonde impres sion. Le cri de vive le roi est devenu trop froid pour des âmes électrisées; ce sont les cris de mourir pour le roi, le roi à la vie et à la mort, qui font retentir la salle. Un mouvement de Monsieur, qui indique que le prince se dispose à parler, a commandé le silence. S. A. R., après s'être inclinée respectueusement devant S. M., prononce ces paroles :

« Sire, je sais que je m'écarte ici des règles ordinaires en parlant devant Votre Majesté; mais je la supplie de m'excuser, et de permettre que j'exprime ici, en mon nom et au nom de ma famille, combien nous partageons du fond du cœur les sentimens et les principes qui animent Votre Majesté.

>>

Alors Monsieur, comte d'Artois, se tourne vers l'Assemblée, et ajoute en élevant la main :

« Nous jurons sur l'honneur de vivre et de mourir fidèles à notre roi et à la Charte constitutionnelle, qui assure le bonheur des Français. »

L'Assemblée éprouve ici une émotion nouvelle, et d'autant plus forte que la Charte constitutionnelle venait de recevoir un hommage inespéré. Dans l'explosion des sentimens qu'il a fait naître, S. M. a présenté sa main à Monsieur, qui l'a baisée avec amour; mais tout à coup, cédant comme homme au mouvement de son cœur, le roi reçoit le prince dans ses bras, et le presse sur son sein avec la tendresse d'un frère. A ce touchant spectacle des larmes coulent de tous les yeux, et les acclamations, que l'attendrissement a d'abord rendu plus douces, reprennent bientôt avec plus de force, et se prolongent encore après le départ du roi et des princes.

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La séance royale terminée, les députés rentrent en séance.

DISCOURS de M. Lainé, président.

Séance du 16 mars 1815.

Messieurs, si la majesté royale n'a pas permis de faire entendre devant elle les accens que les touchantes paroles du roi enlèvent à tous les cœurs, au moins ne devons-nous pas tarder à les faire retentir, et à porter au pied du trône l'hommage de notre reconnaissance. Avant de vous proposer de voter une adresse à Sa Majesté, permettez au président de la Chambre quelques rapides réflexions sur notre état présent.

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» De même que le roi attendait que les représentans et les pairs fussent réunis autour de lui pour faire connaître la déclaration qui vient de rassurer le peuple français, nous attendions que la plupart des députés de la France fussent arrivés pour faire entendre le cri de la nation sur les étranges événemens qui la troublent. Dès les premiers instans, les plus rapprochés d'entre nous n'ont rien négligé dans les comités pour préparer les moyens de mettre la représentation nationale à portée de se prononcer. Ce n'est pas le moment de rechercher les fautes, de découvrir toutes les causes de cette agitation inattendue; la France obtiendra bientôt, par ses représentans, justice et réparation.

» Il faut à présent tourner tous nos efforts contre celui qui vient tenter de renverser jusqu'à l'espoir de l'homme civilisé. Non, messieurs, ce n'est plus de la cour que peuvent venir les inquiétudes sur la liberté et les droits reconnus. Il s'est avancé sur quelques villes françaises celui qui veut nous ravir non seulement la liberté, mais qui nous apporte tous les maux qui dégradent l'homme, et désoleraient à jamais notre patrie! » Les calamités qu'il appela sur nous sont trop récentes pour que le souvenir en soit altéré. La plupart des familles pleurent encore, et le murmure des malédictions qu'il avait provoquées

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