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en France et dans l'Europe, n'a pas encore achevé de retentir. Mais ce n'est pas la douleur des maux passés qui nous anime; c'est la perspective des désastres qu'il traîne à sa suite qui doit nous exciter.

» Sous lui plus d'espoir de liberté, et le joug qu'il lève sur nos têtes, déjà affaiblies par sa trop longue tyrannie, apparaît si pesant que chacun aperçoit bien qu'il serait insupportable. Le despotisme est l'impérieux besoin de son caractère; et quand il aurait appris que le despote lui-même y trouve sa ruine, il serait encore maîtrisé par sa position. Sans vous épouvanter de tous les degrés qui conduisent à ce misérable état, notre patrie ressemblerait dans peu à ces gouvernemens qui, sur les côtes d'Afrique, excitaient naguère le courroux des peuples civilisés. Plus de justice, plus de propriété : l'industrie deviendra une cause d'avanies, et les confiscations, trop tard abolies par la Charte, apporteront, sans distinguer les natures de propriétés, les dépouilles qui ne seront pas distribuées dans les mains d'un fisc dévorateur.

» Au contraire, dès que la France en sera délivrée, nous aurons toutes les garanties qui assurent à jamais la sage liberté des peuples. Non-seulement le roi, mais les princes qui sont assis sur les marches du trône, viennent de faire des promesses solennelles. Ils n'auront jamais ni la volonté ni le pouvoir de les violer de longs revers leur apprennent que plus les sujets sont grands, plus le trône est élevé. C'est ainsi que les crises politiques fondent sur des bases stables des gouvernemens protecteurs, et conformes aux droits et à la dignité de l'espèce humaine.

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» Mais il ne s'agit pas seulement de ces libertés dont les peuples sont si jaloux; il s'agit de toute l'existence morale; il s'agit d'écarter de notre nation et de nos têtes un opprobre que les siècles n'effaceraient jamais. La plus grande amertume de cet opprobre serait sans doute d'être courbés sous la servitude la plus humiliante; mais de quels traits nous peindrait l'histoire si nous laissions enlever du milieu de nous, ou périr sur cette terre, un roi que le ciel semblait nous avoir envoyé pour nous reposer de nos sanglantes fatigues, et nous relever à la suite d'une longue oppression!

» Il y a plus de vingt ans qu'après la catastrophe de sa famille il a passé dans les terres étrangères des années moins pénibles que celles qui sont réservées aux rois sur le trône. Il a su notre gloire avec orgueil : elle adoucissait son exil, lorsque les revers qui nous ont plongés dans des désastres inconnus avant ces temps ont abattu son âme. Quand des phalanges ennemies se sont à leur tour montrées en cette capitale, peut-être que

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le nom de sa race a paralysé les mains de la vengeance, et éteint la torche des représailles. Nous l'avons appelé, comme parlent les uns; nous l'avons rappelé, comme attestent les autres. Arrivé au milieu de nous il a éprouvé des consolations qui le dédommageraient de ses malheurs si les Français n'en devaient souffrir de plus cruels que leur roi. Les corps de l'Etat et tous les Français lui ont demandé une Charte qui assurât la liberté publique; il l'a donnée : elle a reçu l'assentiment général; et vous savez si le roi a voulu qu'elle fût partout et toujours fidèlement observée. Il s'est étudié à étouffer les passions et les vengeances, toujours prêtes à se rallumer. Il n'a soulevé le poids des affaires publiques que pour pleurer son frère, héritier de son cœur plus encore que de sa couronne. Le monde s'étonne de la profonde paix qui a suivi la restauration. Il serait impossible d'indiquer aucune époque de la monarchie où la liberté du sujet ait été plus respectée, où les tribunaux aient joui de plus d'indépendance. La bonté du monarque méditait, comme vous, le perfectionnement de vos institutions; elle nous préparait de longs jours de bonheur, lorsque tout à coup une incroyable apparition a étonné les esprits. Attristé de la défection de quelques régimens, et des maux que traîne à sa suite celui qu'ils entourent, le roi a déclaré aux représentans de la nation qu'il mourrait plutôt au milieu de son peuple que de l'abandonner; et parmi les calamités qui menacent le royaume, celle dont son cœur tout français est le plus vivement ému, c'est la crainte que des armées étrangères ne se préparent à venger des infractions inattendues, et à porter le fer et la flamme au milieu de nous pour en préserver leurs peuples, encore mal rassurés.

» Il y a, messieurs, dans les cœurs français et dans toutes les consciences, une voix plus puissante que la mienne, qui répond que nous ne subirons, ni devant la postérité, ni devant le dieu des nations, une accusation si terrible. Non, la France ne laissera périr ni son roi ni sa liberté! Dépositaire en cet instant de ce que les destinées humaines ont de plus noble, elle saura conserver aux générations les bienfaits qui lui furent transmis.

>> La France sera touchée du sentiment qui domine dans le cœur du monarque. Comme lui, en combattant le destructeur de la race humaine, elle veut conjurer surtout le fléau d'une guerre étrangère, et se sauver du nouveau malheur de voir des phalanges ennemies sur le territoire sacré de la patrie. Si la troupe de notre ennemi se grossissait, ce malheur deviendrait inévitable. Déjà, sous le nom de gloire, il parle comme autrefois de conquêtes et de vengeance : le sang de la guerre est

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son élément; il ne tarderait pas à fondre sur les états voisins, et traîner nos enfans.

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»Ne l'a-t-il pas refusée aux vœux du Corps législatif, et même à ceux des étrangers, cette paix qui, en offrant de s'asseoir sur les bords du Rhin, eût conservé à la France des conquêtes faites avant lui? Les rois assemblés, qui sont encore en armes, n'ont oublié ni ses entreprises ni ses succès, et la politique les portera peut-être à prévenir ses attaques...... Dieu! à quelles calamités notre pays ne serait-il pas en proie! L'âme la plus stoïque s'en effraie, car les imaginations sont encore éclairées par l'incendie de Moskou, et j'en vois la fatale lumière se réfléchir sur les colonnes du Louvre.

» Mais écartons, messieurs, des augures aussi sinistres; la petite armée dont il est environné cause plus de douleur que 'd'effroi : maintenant que les premiers momens de surprise sont passés, tout s'agite. Nous nous sommes levés avec respect devant l'armée française, et ses nobles chefs nous assurent la délivrance. Tandis que vous vous promettez, immobiles sur vos siéges, ce calme, courage que l'histoire fit admirer chez les anciens, la jeunesse des écoles, comme en Prusse, comme en Allemagne, se précipite contre le même homine. La valeur des volontaires de toutes les classes est secondée par les gardes nationales, et les bataillons civils seront dirigés par les nobles soldats qui les soutiennent.

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Que les hommes de tous les partis oublient donc leurs ressentimens pour ne se ressouvenir que de leur qualité de Français ! Nous réglerons nos différens après; mais aujourd'hui réunissons nos efforts contre l'ennemi commun. Que de petits peuples, que de simples villes, surmontant la première impression, irrités des menaces de la servitude, se sont subitement levés, et ont anéanti, aux pieds de leurs murailles, armées bien autrement formidables qui leur apportaient un joug moins humiliant! Je n'ai pas le temps de vous en citer les exemples; la mémoire émue les rappelle aisément quand on se trouve dans les mêmes occurences. Nous n'avons à craindre ni les mêmes forces auxquelles ces villes étaient exposées, ni des dangers aussi imminens.

» La nation est pour ainsi dire en armes dans ses gardes nationales. La population de Paris suffirait pour sauver la France, quand bien même l'armée fidèle n'aspirerait pas à cueillir des lauriers encore plus beaux que ceux dont elle est couverte, des lauriers civiques!

» Nous sommes placés, messieurs, entre un opprobre éternel et un honneur immense vous avez déjà frémi de la pensée du premier, tandis que, si la terre française engloutit son oppres

seur, des jours brillans se leveront sur un peuple réconcilié avec son gouvernement, sous un roi protecteur de la liberté commune et défendu par armée rapatriée.

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propose, messieurs, Majesté pour lui exprimer les les vœux de la France. »

qu'il soit voté une adresse à Sa sentimens de ses fidèles sujets et

La Chambre adopte avec empressement la proposition de M. Lainé. De son côté la Chambre des Pairs s'occupait d'une semblable démarche auprès du trône. Voici les deux adresses.

ADRESSE de la Chambre des Pairs au roi, présentée par M. Dambray. ·Du 17 mars 1815.

« Sire, les pairs de France ont été vivement émus du discours que Votre Majesté a prononcé du haut du trône. Elles ont retenti jusqu'au fond de tous les cœurs ces paroles si énergiques et si touchantes, qui expriment à la fois votre amour pour vos peuples et votre attachement à la Constitution que vous leur avez donnée ! Les sentimens qui animent la grande âme de Votre Majesté se sont déployés dans cette séance solennelle avec un noble élan, qui ajoutait encore une plus vive empreinte au caractère auguste et sacré de votre promesse royale. Monsieur, votre digne frère, et tous les princes de votre sang ont voulu déposer aux pieds de Votre Majesté, en présence des deux Chambres, sous la simple garantíe de l'honneur, leur serment de fidélité à la Constitution.

» Cette Constitution, Sire, est le gage d'une nouvelle alliance entre le peuple français et l'antique race de ses rois, Les plus sages institutions se sont associées aux plus illustres souvenirs; ils se prêtent un mutuel appui, et composent une puissance inébranlable. Quel insensé a pu croire qu'une nation généreuse, unie à son roi par des nœuds aussi forts, recevrait la loi de la violence et de la trahison ! qu'elle reconnaîtrait pour maître celui qui n'a usé du pouvoir que pour fouler aux pieds toute liberté, tout honneur, toute justice! celui contre lequel l'Europe indignée s'est levée tout en armes pour le rejeter de son sein!

>> Ce que nous avons à défendre ce n'est pas seulement la sûreté de l'Etat, ce n'est pas la France contre l'invasion d'un ennemi; c'est toute l'existence de la patrie, c'est l'honneur national, c'est la gloire même de nos armées, cette gloire qui nous rendait si fiers, et que nous montrions encore avec orgueil aux autres nations au milieu de nos calamités intérieures et de l'op

pression tyrannique sous laquelle nous gémissions! Quel peuple eut jamais à combattre pour de si chers intérêts!

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Sire, c'est par une confiance sans bornes que nous devons répondre à la sagesse et à la fermeté dont vous donnez un si noble exemple. La Constitution met entre les mains de Votre Majesté toutes les forces et les ressources de l'Etat quand il s'agit de la défendre; et quels pouvoirs d'ailleurs ne trouvez-vous pas dans cet accord unanime de sentimens et de volontés qui rassemble autour du trône les représentans de la nation dans les deux Chambres, et dont nous venons ici vous apporter l'hommage! »

RÉPONSE du roi.

« Je reçois avec la plus vive satisfaction l'adresse de la Chambre des Pairs. Je n'ai pas moins de plaisir à voir la confiance qu'elle met en moi. Je la mériterai en employant toujours les moyens qui sont en mon pouvoir pour la sûreté de Í'État.

>>

ADRESSE de la Chambre des Députés au roi, présentée par M. Lainé. Du 17 mars 1815.

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Sire nos larmes ont coulé lorsque Votre Majesté, s'exprimant en père et en roi, a parlé de couronner sa carrière en mourant pour son peuple. Dans ce moment, à la fois terrible et doux, il n'est aucun de ceux qui vous ont entendu qui n'ait désiré vous consacrer sa vie pour répondre à vos généreux sentimens. Bientôt tous les Français vont éprouver le même enthousiasme, et la France sera sauvée!

» La Chambre des Députés des départemens, Sire, vient porter au pied du trône l'hommage de sa reconnaissance. Elle a entendu avec confiance le serment solennel de votre auguste famille pour le maintien de la Charte constitutionuelle. Organe de la nation, la Chambre répond au noble appel sorti de la bouche de son roi : plus les peuples ont la garantie de leurs droits, plus ils sont pénétrés de la sainteté de leurs devoirs. C'est pour maintenir les uns et remplir les autres que les soldats et les citoyens courent aux armes. Il ne s'agit pas seulement, comme autrefois, de n'être pas la proie d'un ennemi étranger; il s'agit de ne pas subir le joug le plus dur et le plus humiliant!

>> Pour sauver la France des maux qui la menacent, Votre Majesté demande que le concours des deux Chambres donne à l'autorité toute la force qui lui est nécessaire. Déjà Votre Majesté a pris contre notre oppresseur des mesures de sûreté publique ;

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