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posa lui-même, pour servir la cause royale, le plan de persécution dont il parut devenir aussitôt l'objet : la dernière version a trouvé peu de contradicteurs Le lendemain des gendarmes et des hommes de police se présentent pour l'arrêter; il échappe à leurs poursuites. Cette mesure eut de l'éclat, et jeta sur Fouché de l'importance et de l'intérêt si elle ne fut pas combinée, les agens de la couronne firent une heureuse imprudence. Elle plaça Fouché dans une telle situation, que, donnant un libre cours aux éclairs de sa perspicacité, il put à la fois se dévouer aux Bourbons et se déclarer contre eux, ruiner la cause impériale ou s'attacher à son triomphe. Napoléon était à peine arrivé aux Tuileries, et déjà le duc d'Otrante, de vive voix et par écrit, lui prodiguait les promesses d'un dévouement sans bornes, les sermens d'une fidélité garantie, disait-il dans une lettre, par le mandat sous lequel il gémissait au moment où le retour de l'empereur vint lui rendre la liberté, et peut-être la vie. Napoléon laissa taire en lui de justes préventions, et l'accepta pour ministre. Le nom de Fouché fit une impression assez favorable sur les esprits; les hommes de la révolution croyaient y trouver une garantie.

Le duc d'Otrante s'entoure de patriotes, d'agens royaux et d'agens de l'étranger: on ne voit que les premiers. Le 28 mars, sur sa proposition, Napoléon rend un décret qui supprime les directeurs généraux, les commissaires généraux et spéciaux de police; divise le territoire français en sept arrondissemens de police, et nomme à cet effet sept lieutenans de police attachés au ministre, et à sa disposition. Des hommes jouissant de l'estime publique sont appelés à ces emplois ; mais Fouché sait paralyser leur zèle sans effrayer leur civisme. Le 31 il publie sa circulaire sur les principes de la nouvelle police, mise en harmonie avec les principes de tolérance et de liberté que le gouvernement s'honore de professer Fouché surprend ici l'opinion en protégeant les individus qu'elle accuse; néanmoins cette pièce, séparée du nom de son auteur et des motifs qui l'ont dictée, devrait toujours former la règle de conduite des magistrats chargés de la surveillance publique. (D.)

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Fouché provoque le décret du 9 mai, qui ajoute à celui du 25 mars, punit les cris séditieux, les outrages au drapeau tricolor, etc. Mais ces différentes mesures, qui doivent surtout être appliquées par lui et ses agens, ne reçoivent aucune exécution; il laisse impunis les délits et les personnes qu'il dénonce; il exagère les uns pour encourager les autres; enfin ses rapports à Napoléon sont des comptes rendus au roi de la situation intérieure de la France: seulement il saisissait l'occasion de censurer l'ancienne aristocratie, de dévoiler ses prétentions; et en cela Fouché servait encore les Bourbons. (E et F.)

J'avais prévu, dit-il depuis, que Bonaparte ne pourrait

point se soutenir. C'était un grand homme, mais il était devenu fou. J'ai dû faire ce que j'ai fait, et préférer le bien de la France à toute autre considération. Cependant le duc d'Otrante faillit à échouer dans son double ministère; Napoléon acquit bientôt les preuves matérielles de ses trahisons: il pouvait le perdre; mais, en même temps qu'il accusait son propre choix, peut-être n'eût-il point convaincu l'opinion: les manœuvres de Fouché, dit-il, 'ne décideront pas seules du sort de la France; pour m'occuper de lui attendons, une victoire.

L'influence du due d'Otrante ne sera pas restreinte dans le département de la police; elle s'étendra aux délibérations de la Chambre des Représentans, de la commission de gouvernement, et même aux décisions des rois coalisés.

PIÈCES CITÉES dans ce sommaire historique.

(A.)- QUATORZIÈME DIVISION MILITAIRE. - Proclamation du maréchal Augereau, duc de Castiglione. Caen, le 22 mars 1815.

"

Soldats, vous l'avez entendu ! Le cri de vos frères d'armes a retenti jusqu'à nous; il a fait tressaillir nos cœurs!

» L'empereur est dans sa capitale!

> Ce nom, si longtemps le gage de la victoire, a suffi dissiper devant lui tous ses ennemis..

pour

» Un moment la fortune lui fut infidèle ; séduit par la plus noble illusion, le bonheur de la patrie, il crut devoir faire à la France le sacrifice de sa gloire et de sa couronne.

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Egarés nous-mêmes par tant de magnanimité, nous fîmes alors serment de défendre d'autres droits que les siens.

» Ses droits sont imprescriptibles : il les réclame aujourd'hui; jamais ils ne furent plus sacrés pour nous.

» Soldats, dans son absence vos regards cherchaient en vain sur vos drapeaux blancs quelques souvenirs honorables; jetez les yeux sur l'empereur; à ses côtés brillent d'un nouvel éclat ses aigles immortelles!

» Rallions-nous sous leurs ailes!

» Oui, elles seules conduisent à l'honneur et à la victoire !

» Arborons donc les couleurs de la nation! »

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(B.) HUITIÈME DIVISION MILITAIRE.

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Proclamation du maréchal Massena, duc de Rivoli, prince d'Essling. - Toulon, 10 avril 1815.

"Habitans de la huitième division militaire, un événement aussi heureux qu'extraordinaire nous a rendu le souverain que nous avions choisi, le grand Napoléon!

» Ce doit être un jour de fête pour tous les Français.

» Il est remonté sur son trône sans qu'il y ait une goutte de sang répandu. Il est revenu au sein d'une famille qui le

chérit.

>>

Français, il n'y a pas une ville dans l'Empire où il n'y ait un monument qui atteste ses bienfaits!

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Bénissons le ciel, qui nous l'a redonné!

» Le militaire revoit en lui le héros qui l'a constamment conduit à la victoire.

>> Les sciences et les arts retrouvent leur protecteur.

>> Faisons des vœux pour la conservation de ses jours et de sa dynastie! Vive l'empereur! »

(C.) — DÉCRET impérial concernant les Bourbons, leurs ministres, les personnes de leurs maisons, etc. Du 25 mars 1815.

« NAPOLÉON, etc.—Art. 1er. Les lois des Assemblées nationales applicables à la famille des Bourbons seront exécutées suivant leur forme et teneur. Ceux des membres de cette famille qui seraient trouvés sur le territoire de l'Empire seront traduits devant les tribunaux pour y être jugés conformément auxdites lois.-2. Ceux qui auraient accepté des fonctions ministérielles sous le gouvernement de Louis-Stanislas-Xavier, comte de Lille; ceux qui auraient fait partie de sa maison militaire et civile, ou de celle des princes de sa famille, seront tenus de s'éloigner de notre bonne ville de Paris, à trente lieues de poste. Il en sera de même des chefs, commandans et officiers des rassemblemens formés et armés pour le renversement du gouvernement impérial, et de tous ceux qui ont fait partie des bandes de chouans. 3. Les individus compris dans l'article précédent seront tenus sur la réquisition qui leur en sera faite, de prêter le serment voulu par les lois. En cas de refus ils seront soumis à la surveillance de la haute police, et, sur le rapport qui nous en sera fait, il pourra être pris à leur égard telle autre mesure que l'intérêt de l'Etat exigera.

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(D.) MINISTÈRE DE LA POLICE GÉNÉRALE. Circulaire aux préfets. Du 31 mars 1815.

"Monsieur le préfet, il m'a paru nécessaire de déterminer le but et la nature des relations qui vont s'établir entre vous et moi.

» Les principes de la police ont été subvertis; ceux de la morale et de la justice n'ont pas toujours résisté à l'influence des passions: tous les actes d'un gouvernement né de la trahison ont dû porter l'empreinte de cette origine. Ce n'était pas seulement par des mesures publiques qu'il pouvait flétrir les souvenirs les plus chers à la nation, préparer des vengeances, exciter des haines, briser les résistances de l'opinion, rétablir la domination des priviléges, et anéantir la puissance tutélaire des lois : ce gouvernement, pour accomplir ses intentions, a mis en jeu les ressorts secrets d'une tyrannie subalterne, de toutes les tyrannies la plus insupportable. On l'a vu s'entourer de délateurs, étendre ses recherches sur le passé, pousser ses mystérieuses inquisitions jusqu'au sein des familles, effrayer par des persécutions clandestines, semer les inquiétudes sur toutes les existences, détruire enfin, par ses instructions confidentielles, l'appareil imposteur de ses promesses et de ses proclamations. »De pareils moyens blessaient les lois et les mœurs de la France; ils sont incompatibles avec un gouvernement dont les intérêts se confondent avec ceux des citoyens.

» Chargée de maintenir l'ordre public, de veiller à la sûreté de l'Etat et à celle des individus, la police, avec des formes différentes, ne peut avoir d'autre règle que celle de la justice elle en est le flambeau; mais elle n'en est pas le glaive. L'une prévient ou réprime les délits que l'autre ne peut punir ou ne peut atteindre; toutes deux sont instituées assurer l'exécution des lois, et non pour les enfreindre; pour garantir la liberté des citoyens, et non pour y porter atteinte ; pour assurer la sécurité des hommes honnêtes, et non pour empoisonner la source des jouissances sociales.

pour

» Ainsi, monsieur, votre surveillance ne doit s'étendre au delà de ce qu'exige la sûreté publique ou particulière; ni s'embarrasser dans les détails minutieux d'une curiosité sans objet utile; ni gêner le libre exercice des facultés humaines et des droits civils par un système violent de précautions que les lois n'autorisent pas; ni ne se laisser entraîner, par des présomptions vagues et des conjectures hasardées, à la poursuite de chimères qui s'évanouissent au milieu de l'effroi qu'elles occasionent. Votre correspondance, réglée sur les mêmes prin

cipes, doit sortir de la routine de ces rapports périodiques, de ces aperçus superficiels et purement moraux, qui, loin d'instruire et d'éclairer l'autorité, répandent autour d'elle les erreurs, les préventions, une sécurité fausse ou de fausses alarmes. »Je ne demande et ne veux connaître que des faits; des faits recueillis avec soin, présentés avec exactitude et simplicité, développés avec tous les détails qui peuvent en faire sentir les conséquences, en indiquer les rapports, en faciliter le rapprochement.

» Vous remarquerez toutefois que, resserrée dans d'étroites limites, votre surveillance ne peut juger l'importance des faits qu'elle observe. Tel événement, peu remarquable en apparence dans la sphère d'un département, peut avoir un grand intérêt dans l'ordre général par ses liaisons avec des analogues que vous n'avez pu connaître c'est pourquoi je ne dois rien ignorer de ce qui se passe d'extraordinaire, ou selon le cours habituel des choses.

» Telle est, monsieur, la tâche simple et facile qui vous est imposée.

» La France, réintégrée dans la jouissance de ses droits politiques, replacée dans toute sa gloire, sous la protection de son empereur, la France n'a plus de vœux à former, et plus d'ennemis à craindre. Le gouvernement trouve dans la réunion de tous les intérêts, dans l'assentiment de toutes les classes, une force réelle à laquelle les ressources artificielles de l'autorité ne peuvent rien ajouter. Il faut abandonner les erremens de cette police d'attaque qui, sans cesse agitée par le soupçon, sans cesse inquiète et turbulente menace sans garantir, et tourmente sans protéger. Il faut se renfermer dans les limites d'une police libérale et positive, de cette police d'observation qui, calme dans sa marche mesurée dans ses recherches, active dans ses poursuites, partout présente et toujours protectrice, veille pour le bonheur du peuple, pour les travaux de l'industrie, pour le repos de tous.

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» Ne cherchez dans le passé que ce qui est honorable et glorieux à la nation, ce qui peut rapprocher les hommes, affaiblir les préventions, et réunir tous les Français dans les mêmes idées et les mêmes sentimens.

» J'aime à croire, monsieur, que je serai puissamment secondé de vos lumières, de votre zèle, de votre patriotisme, et de votre dévouement à l'empereur.

» Agréez, monsieur le préfet, l'assurance de ma considération distinguée. Le ministre de la police générale, signé le duc d'OTRANTE. »

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