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de Bruxelles, suivie d'un Te Deum chanté à Sainte-Gudule « en l'honneur de la prise de la moderne Babylone (1).

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L'un des premiers soins du gouvernement provisoire avait été de réconcilier le pouvoir avec le clergé. Dès le 8 mars, une circulaire apprit aux évêques que les alliés « maintien<<< draient inviolablement la puissance spiri<«<tuelle et la puissance civile dans leurs bases

respectives, ainsi qu'elles avaient été fixées «< par les lois canoniques de l'Église et les << anciennes lois constitutionnelles du pays. >>

Les vicaires généraux du diocèse de Malines, MM. Forgeur et Hulen, s'empressèrent de témoigner au gouvernement leur reconnaissance pour cet inappréciable bienfait. Les évêques de Namur et de Tournay prirent une attitude non moins bienveillante. Les vicaires généraux du diocèse de Gand, aussitôt après le départ de M. de la Brue, firent de leur côté les démarches nécessaires pour amener le rétablissement de la paix et de la concorde.

Cependant, si la chute de l'empire excitait en Belgique un enthousiasme à peu près général, les esprits étaient fort divisés sur le régime

(1) Éphémérides belges, p. 163.

auquel il convenait de se rallier ('). L'Angleterre, pour des motifs que l'on connaît, désirait la réunion de la Belgique à la Hollande (2). Lord Castlereagh s'en était exprimé ouvertement aux plénipotentiaires du congrès de Châtillon. Cette combinaison ne déplaisait pas aux esprits éclairés. M. Raepsaet, ancien greffier des états de Flandre et grand admirateur des anciennes institutions, peu suspect de complaisance pour les libéraux, qu'il traitait de jacobins, considérait la réunion comme indispensable. Il combattait les tendances du clergé qui désirait le retour à l'Autriche. « Je m'expliquais à ce sujet entre amis, dit-il. Dès le moment où la France avait vu anéantir sa puissance à Moscou, la réunion était devenue indispensable, puisque le traité des barrières avait prouvé que sans cette réunion il était impossible d'empêcher la France de conquérir les Pays-Bas autri

(') Cinq hypothèses possibles divisaient les esprits. Nous pouvions être indépendants, ou Autrichiens, ou Hollandais, ou Anglais, ou Français. (Réflexions sur l'intérêt des Belges, p. 11.)

(2) Ce qu'elle créa en 1814, l'Angleterre le défit en 1830. Soit que la réunion de la Hollande et de la Belgique n'eût pas répondu à ses vues politiques, soit mécontentement personnel contre Guillaume Ier, elle jugea que la conservation de ce royaume ne valait pas la peine de se brouiller avec la France. » (Grovestins, p. 114.)

chiens et la Hollande et de pousser ses conquêtes jusqu'à la mer Baltique ('). »

Les catholiques, dont on connaît le rôle dans la révolution brabançonne, aspiraient au rétablissement des anciennes constitutions nationales sous la souveraineté de l'Autriche. Il y avait un troisième parti, malheureusement plus faible, qui rêvait, en 1814, l'indépendance que la Belgique ne devait conquérir qu'en 1830. On comptait enfin quelques rares partisans de la France, qui regardaient Napoléon comme un demi-dieu et ne pouvaient se résoudre à croire sa chute définitive. Ces derniers essayèrent en vain de fomenter quelques émeutes bientôt réprimées; les indépendants se bornèrent à rédiger des proclamations qui demeuraient sans écho.

Le gouvernement hollandais enfin fit publier dans les premiers jours d'avril une brochure qui eut beaucoup de retentissement. Elle avait pour titre La réunion de la Belgique à la Hollande serait-elle avantageuse ou désavantageuse à la Belgique (2)?

L'auteur de cet essai anonyme soutenait que

(1) RAEPSAET, OEuvres complètes, t. VI, p. 26.

(2) Par A. B. C. Imprimée à Bruxelles, chez Weissenbruch.

sans la réunion à la Hollande, la Belgique n'aurait jamais ni commerce étranger ni marine. La domination autrichienne, disait-il, «< a toujours été pour les Pays-Bas une pompe aspirante qui ne refoulait jamais. Autrefois, l'agriculteur ne prenait les armes que pour défendre son bien; aujourd'hui, les Belges doivent assister aux siéges d'Ismaïl et de Belgrade, payer quarante mille hommes pour n'avoir que quinze mille soldats et se trouver constamment exposés à l'invasion. » L'écrivain anonyme reconnaissait que la grande majorité du pays était favorable à l'Autriche. Mais cette majorité se divisait en deux partis bien distincts, le parti des états, plus attaché à la constitution de pays qu'à la maison de Hapsbourg, et le clergé, qui espérait le rétablissement des monastères, des couvents et des abbayes, la restitution des biens aliénés par Joseph II et les Français. Or, l'ancienne constitution devait être mise en harmonie avec les idées modernes, et il n'y avait plus lieu de compter sur le rétablissement des priviléges ecclésiastiques. L'Autriche d'ailleurs attachait peu de prix à la Belgique. Elle tenait davantage à des compensations en Italie. D'après l'auteur, nous n'avions d'espoir que du côté de la Hollande indépendante, industrieuse et riche. La religion n'avait

rien à craindre à une époque de tolérance. La dette de la Hollande n'était pas un obstacle, car il suffisait de quelques années de paix pour lui permettre de la payer seule; tandis que, sous la domination autrichienne, la Belgique avait à combler le déficit d'une puissance épuisée. Écrite dans un style entraînant et vigoureux, la brochure signée A. B. C. se terminait par un éloquent appel au patriotisme des Belges pour lutter contre l'usurpateur et affranchir les anciens Pays-Bas (').

L'apôtre de la réunion trouva un contradicteur plus prompt que sagace dans M. Charles Van Beughem, ancien secrétaire de feu le cardinal de Franckenberg, et bachelier en théologie de l'ancienne université de Louvain (3).

(') D'après une note manuscrite que j'ai trouvée dans le Recueil des opuscules (bibl. de la Chambre des représentants), vol. VII, la brochure signée A. B. C. avait pour auteur le comte de Bylandt, ainsi que l'affirme d'ailleurs le catalogue de Van den Zande. (Anvers, 1834, no 5453.)

D'après une notice de M. Aug. Van der Mersch publiée dans la Biographie nationale (Bruxelles, 1868), la brochure la Réunion de la Belgique à la Hollande serait-elle avantageuse à la Belgique? le Réveil d'Épiménide et la Lettre de Van Eupen à Van der Noot seraient dus à la plume de J.-J. Van Boeckhout, chef de division au département de la Dyle, plus tard inspecteur de l'enregistrement et des domaines. (2) Bouclier opposé aux traits anti-religieux d'un agresseur inconnu qui se tient caché sous le voile de A. B. C. Bruxelles, de Haes,

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