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effets, quand même le parjure serait prouvé par un jugement criminel. Telle est la conséquence logique de la transaction, telle que nous venons de la définir. C'est un principe fondamental : toutes les règles qui régissent la matière en découlent.

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No 2 QUI PEUT DÉFÉRER LE SERMENT!

234. L'article 1357 dit que le serment décisoire est déféré par l'une des parties à l'autre pour en faire dépendre le jugement de la cause. Est-ce à dire que toute partie plaidante puisse déférer le serment? Pothier répond : Comme on fait dépendre du serment la décision de la contestation et du droit des parties, il s'ensuit qu'il n'y a que ceux qui ont la disposition de leurs droits qui puissent déférer ce serment. » Il serait plus exact de dire que pour déférer le serment il faut avoir la capacité de transiger. Il est vrai que l'article 2045 dit que pour transiger il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction; de sorte que la capacité de transiger et la capacité de disposer sont synonymes. Mais elles ne le sont pas toujours, la loi est parfois plus sévère pour les transactions que pour les aliénations; il vaut mieux formuler la règle conformément au principe qui domine cette matière la délation du serment est une transaction, par conséquent il faut être capable de transiger pour déférer le serment décisoire. Toullier s'exprime donc inexactement en disant qu'il y a des cas où la délation de serment peut ne pas excéder les bornes de l'administration; le pouvoir d'administrer ne donne pas, en principe, le droit de disposer; donc l'administrateur n'a jamais, en cette qualité, le pouvoir de transiger (1).

235. Le mineur et l'interdit ne peuvent pas déférer le serment, parce qu'ils n'ont pas la libre disposition de leurs biens. Que faut-il dire du mineur émancipé? Toullier répond que le mineur émancipé peut déférer le ser

(1) Pothier, Des obligations, n° 914. Aubry et Rau, t. VI, p. 348, § 753. Comparez Toullier, t. V, 2, p 297, n° 376.

ment sur les droits dont il a la libre disposition. Mais de quoi le mineur a-t-il la libre disposition? La loi établit un principe très-restrictif concernant sa capacité : « Il ne peut faire aucun acte autre que ceux de pure administration, sans observer les formes prescrites au mineur non émancipé » (art. 484). Est-ce que transiger est un acte de pure administration? La loi ne le permet pas même au tuteur en vertu de l'autorisation du conseil de famille homologuée par le tribunal, elle exige de plus un avis de trois jurisconsultes (art. 467). Il faut donc décider que le mineur émancipé ne peut transiger et, par suite, déférer le serment que sous les conditions prescrites pour le mineur non émancipé.

Il faut en dire autant des personnes placées sous conseil judiciaire. Duranton dit qu'il n'est pas douteux qu'elles ne puissent déférer le serment sur des objets qui rentrent dans la simple administration de leurs biens (1). C'est confondre le pouvoir d'administration avec le pouvoir de disposition. Les prodigues et les simples d'esprit ne peuvent pas aliéner (art. 499 et 513); donc elles sont incapables de transiger (art. 2045) et, par suite, de déférer le serment décisoire.

Les auteurs que nous combattons mettent sur la même ligne les mineurs émancipés, les personnes placées sous conseil et les femmes mariées séparées de biens. Cela n'est pas exact. La loi dit formellement de la femme séparée de biens qu'elle peut disposer de son mobilier et l'aliéner (art. 1449); ayant un droit de disposition, elle a par cela même le pouvoir de transiger (art. 2045); donc elle est capable de déférer le serment décisoire.

236. La distinction que nous venons d'établir entre le pouvoir d'administrer et le pouvoir de disposer ou de transiger est consacrée par le code en ce qui concerne les mandataires. D'après l'article 1988, le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration; s'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès. Donc

(1) Toullier, t. V, 2, p. 296, no 375. Duranton, t. XIII, p. 617, no 584.

le mandataire ayant pouvoir d'administrer ne peut pas transiger ni déférer le serment. Sur ce point, la doctrine et la jurisprudence sont d'accord (1).

Ce principe s'applique aux avoués. Quoiqu'ils représentent la partie en justice, ils n'ont pas le droit de disposer des prétentions qu'ils sont chargés de défendre; l'article 352 du code de procédure porte: « Aucunes offres, aucun aveu ou consentement ne pourront être faits, donnés et acceptés sans un pouvoir spécial, à peine de désaveu. » L'avoué ne peut donc déférer le serment qu'en vertu d'un mandat spécial. Sur ce point aussi tout le monde est d'accord (2).

237. Il résulte du même principe que le tuteur ne peut déférer le serment au nom du mineur et de l'interdit qu'en observant les formes prescrites par l'article 467 pour les transactions. C'est l'opinion de tous les auteurs, sauf le dissentiment de Duranton; il ne vaut pas la peine de s'y arrêter, puisque les principes sont certains (3). Duranton donne du moins des raisons à l'appui de son opinion. La cour de Paris a jugé tout simplement que la délation du serment décisoire est un moyen de défense autorisé par la loi, qui peut être employé, comme tout autre, par une tutrice au nom de ses enfants mineurs (4). De pareilles décisions sont faites pour discréditer la jurisprudence.

Ce que nous disons du tuteur est vrai de tous ceux qui sont appelés par la loi à administrer les biens d'autrui. Ils n'ont qu'un pouvoir d'administration, ce qui exclut le droit de disposer, de transiger et partant de déférer le serment décisoire. Il ne faut donc pas dire, comme le fait Larombière, que les administrateurs légaux ont la faculté de déférer le serment dans les mêmes cas et sous les mêmes conditions qu'ils ont le droit de transiger sur les

(1) Rejet, 27 avril 1831 (Dalloz, no 5214, 2o) et tous les auteurs.

(2) Voyez la jurisprudence dans le Répertoire de Dalloz, no 5228. Il faut ajouter Rennes, 6 août 1849 (Dalloz, 1851, 2, 136). Aubry et Rau, t VI, p. 348, note 5, § 753, et tous les auteurs.

(3) Toullier, t. V, 2 p. 296, no 375. Aubry et Rau, t. VI, p. 348, note 4, réfutent l'opinion contraire de Duranton, t. XIII, p. 615, no 582). (4) Paris, 27 août 1847 (Dalloz, 1847, 4, 443).

choses qui font l'objet de la contestation est-ce qu'un administrateur a jamais le pouvoir de transiger? Duranton se trompe aussi, à notre avis, en disant que le mari, administrateur des biens de sa femme, peut déférer le serment sur les actions mobilières qu'il a le droit d'intenter (1). Autre est le droit d'agir en justice, autre est le droit de transiger. Le tuteur peut intenter les actions. mobilières; cependant il ne peut jamais transiger, par la raison péremptoire qu'il n'a pas le pouvoir de disposition, et le mari ne l'a pas davantage. Cela décide la question du serment.

No 3. A QUI LE SERMENT PEUT-IL ÊTRE DÉFÉRÉ?

238. Aux termes de l'article 1357, le serment est déféré par l'une des parties à l'autre. Il suit de là que le serment ne peut pas être déféré à celui qui n'est pas partie; ainsi on ne peut pas le déférer au mari qui autorise sa femme à plaider, car celui qui autorise ne s'oblige pas et ne plaide pas, il n'est donc pas partie; dès lors on ne conçoit pas que le serment lui soit déféré (2). A plus forte raison le serment ne peut être déféré à des personnes étrangères au procès. Un notaire, actionné pour rendre compte, prétend qu'il a rendu compte, il produit un acte revêtu d'une croix et de deux signatures; la croix, disaitil, était la marque du demandeur et les signatures étaient celles de sa fille et de son gendre. Le notaire déféra le serment au demandeur, à charge de faire citer les deux signataires qui auraient à prêter le serment simultanément avec leur mère et en sa présence. Il a été jugé que la délation de serment était conditionnelle et que le demandeur ne pouvait être tenu de mettre en cause ses enfants. C'était, en effet, déférer le serment à des personnes étrangères au procès (3).

239. Il ne suffit pas de figurer au procès pour y être

(1) Larombière, t. V, p. 460, no2(Ed. B., t. III, p. 332). Duranton,t. XIII, p. 618, no 586.

(2) Angers, 28 janvier 1825 (Dailoz, au mot Obligations, no 5230). (3) Bruxelles, 15 décembre 1815 (Pasicrisie, 1815, p. 550).

réellement partie. Les représentants légaux d'un incapable figurent au procès; ils intentent l'action, ou l'action est intentée contre eux, mais ils ne sont pas parties, c'est l'incapable qui est partie. Donc le serment ne peut être déféré aux administrateurs, tels que le tuteur d'un mineur ou d'un interdit, et le mari administrateur des biens de sa femme. Ils ne sont pas parties, et ils ne peuvent prêter serment au nom de ceux dont ils gèrent les intérêts; car ils n'ont qu'un pouvoir d'administration, lequel ne suffit point pour consentir à une transaction (1).

Les auteurs admettent une restriction à cette décision, dans le cas où il s'agit d'un fait personnel au représentant. Par exemple, le débiteur prétend avoir payé au tuteur sans retirer quittance; il met le tuteur en cause, nonseulement comme représentant du mineur, mais en son nom personnel peut-il lui déférer le serment? Oui, car il est partie, puisqu'il figure en son nom au procès. Mais la délation du serment n'a l'effet d'une transaction qu'à l'égard du tuteur considéré personnellement; la transaction est étrangère au mineur, celui-ci n'a pas le droit de transiger, ni le tuteur en son nom (2). Nous verrons plus loin que le serment dit de crédulité peut aussi être déféré

au tuteur.

240. Le serment ne peut pas être déféré à tous ceux qui sont parties en cause. Il n'y a que ceux qui ont pouvoir de transiger à qui l'on puisse déférer le serment. Pothier le dit, et cela est d'évidence (3); le serment implique une transaction et la transaction est un contrat qui exige le consentement et la capacité des parties contractantes; il est vrai que le consentement est forcé, mais toujours est-il que pour consentir il faut être capable. Ainsi on ne peut déférer le serment à un mineur, à un interdit, à une femme mariée non autorisée. L'autorisation de plaider suffit-elle pour autoriser la femme à prêter le serment? Non, car le pouvoir de plaider ne donne pas le pouvoir

(1) Larombière, t. V, p. 462, no 6 (Ed. B., t. III, p. 333).

(2) Aubry et Rau, t V1, p. 439 et suiv., § 753. Larombière, t. V, p. 463, nos 8 et 9 (Ed. B., t. III, p. 433).

(3) Pothier, Des obligations, no 914.

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