L'opinion contraire a trouvé des partisans. Merlin a soutient (1). Toutefois, on pouvait la considérer comme abandonnée quand M. Larombière en prit la défense (2). L'action que l'ancienne jurisprudence donnait aux voisins ne peut être admise que si elle résulte des principes généraux de droit; or, elle est contraire à ces principes. Pour agir en justice, il faut un droit; en l'absence d'une convention et dans le silence de la loi, d'où pourrait naître ce droit? D'un délit ou d'un quasi-délit; or, pour qu'il y ait une action en dommages-intérêts à raison d'un délit ou d'un quasi-délit, il faut un fait dommageable: je n'ai pas le droit d'agir pour un dommage que je n'ai pas éprouvé; la crainte d'un mal futur ne donne pas le droit d'agir à celui qui redoute ce mal. Que répond M. Larombière? Que les tribunaux devront se préoccuper de l'imminence et de la gravité du péril, des atteintes portées à la sécurité du voisin. Il suffit de transcrire ces arguments pour en faire justice, car ce ne sont pas des motifs juridiques. Ce sont tout au plus des considérations à l'adresse du législateur.
Il vaut mieux prévenir le mal, dit-on, que d'avoir à le réparer. Sans doute. Mais les mesures préventives ne sont pas du domaine des tribunaux, c'est une affaire de police. Si le voisin craint qu'un bâtiment ne s'écroule, il doit s'adresser à l'administration locale: celle-ci peut ordonner la réparation ou la démolition des édifices menaçant ruine. Il est vrai que les particuliers n'ont aucun moyen de forcer l'administration à agir. Mais, dans le silence de la loi, ils n'ont pas non plus le droit de demander au juge des mesures préventives (3).
(1) Merlin, Répertoire, au mot Bâtiment, no 3. C'est aussi l'opinion de Maleville et d'autres auteurs. Voyez les sources dans Aubry et Rau, t. IV, p. 773, note 18.
(2) Larombière, t. V, p. 796, no 8 (Ed. B., t. III, p. 468).
(3) La jurisprudence est en ce sens. Bruxelles, 17 mars 1825 (Pasicrisie, 1825, p. 345 et la note).