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l'étranger doivent être déclarés exécutoires, et cela se fait en vertu d'un nouveau jugement. Donc le jugement porté à l'étranger est considéré comme non avenu (1).

On fonde ce principe sur la division de l'humanité en nations ou Etats dont chacun n'est souverain que dans les limites de son territoire. Les jugements sont des actes de souveraineté; donc ils ne peuvent avoir de force et d'autorité que dans le territoire sur lequel l'Etat exerce sa puissance souveraine; hors de ce territoire, ils sont considérés comme non avenus (2). La conséquence est juridique, mais elle accuse une organisation bien imparfaite de l'humanité. Qui ne se rappelle l'amère ironie de Pascal vérité de ce côté-ci de la rivière, erreur au delà! La vérité change-t-elle d'un Etat à l'autre? On conçoit cette défiance contre les jugements étrangers quand la berbarie règne au delà des frontières, mais dans le monde civilisé les garanties d'une bonne justice sont les mêmes. partout. Voilà certes un point sur lequel toutes les nations civilisées pourraient s'entendre; pourquoi tardent-elles tant à faire un code de droit civil international qui serait un premier pas vers la confédération des peuples?

Cette défiance contre ce qui se fait à l'étranger éclate d'une manière blessante dans un arrêté du 9 septembre 1814 ainsi conçu : « Les arrêts et jugements rendus en France n'auront aucune exécution en Belgique. Nonobstant ces jugements, les habitants de la Belgique pourront de nouveau débattre leurs droits devant les tribunaux qui y sont établis, soit en demandant, soit en défendant. » Ces dispositions étaient inutiles pour l'avenir, à partir de la séparation de la Belgique et de la France, puisqu'elles ne font que consacrer la règle établie par le code de procédure. Quant aux jugements rendus avant la séparation, ils n'étaient pas émanés d'une juridiction étrangère, puisque les Belges ont été Français jusqu'à la chute de l'empire.

4. Ces principes ne reçoivent pas leur application aux

(1) Liége, 15 juillet 1831 (Pasicrisie, 1831, p. 207). Bruxelles, 13 mars 1841 (Dalloz, au mot Chose jugée, no 26).

(2) Toullier, t. V, 2, p. 69, nos 76 et 77 et p. 77, no 85.

jugements rendus par des arbitres. Les arbitres ne sont pas de véritables juges; ils n'exercent pas une fonction. qui leur est déléguée par la puissance souveraine; ce sont des personnes particulières et privées qui tiennent leur mission de la volonté des parties. Dès lors les motifs pour lesquels les jugements rendus à l'étranger n'ont pas l'au torité de chose jugée en Belgique ne sont pas applicables aux sentences arbitrales. L'article 2123 consacre cette distinction; après avoir dit que l'hypothèque judiciaire. résulte des jugements, il ajoute «Les décisions arbitrales n'emportent hypothèque qu'autant qu'elles sont revêtues de l'ordonnance judiciaire d'exécution. » Il suffit donc d'une ordonnance du président pour rendre les sentences arbitrales exécutoires, tandis que pour les jugements rendus à l'étranger, il faut une nouvelle décision. rendue par les tribunaux belges. Cela est aussi fondé en raison: ceux qui nomment des arbitres pour décider leurs différends se soumettent à leur décision d'une manière absolue, en ce sens qu'ils n'entendent pas limiter leur confiance au territoire de l'Etat où les arbitres sont constitués; cela n'aurait pas de sens. La jurisprudence et la doctrine sont d'accord (1).

II. Il faut que le jugement soit rendu en matière contentieuse.

5. On distingue la juridiction en contentieuse et en gracieuse ou volontaire. La juridiction contentieuse décide les contestations qui s'élèvent entre les particuliers. Dans la juridiction volontaire, il n'y a pas de procès, elle a pour objet de conserver les droits. Jadis les deux juridictions étaient confondues, les tribunaux exerçaient l'une et l'autre. La révolution les sépara, en attribuant les fonctions de la juridiction volontaire à des officiers de l'ordre administratif, notamment aux notaires et aux conservateurs des hypothèques. Toutefois la séparation ne

(1) Toullier, t. V, 2, p. 82, no 87. Paris, 16 décembre 1809 (Dalloz, au mot Arbitrage, no 1196 Merlin, Questions de droit, au mot Jugement, § XIV. n° 3.

l'étranger doivent être déclarés exécutoires, et cela se fait en vertu d'un nouveau jugement. Donc le jugement porté à l'étranger est considéré comme non avenu (1).

On fonde ce principe sur la division de l'humanité en nations ou Etats dont chacun n'est souverain que dans les limites de son territoire. Les jugements sont des actes de souveraineté; donc ils ne peuvent avoir de force et d'autorité que dans le territoire sur lequel l'Etat exerce sa puissance souveraine; hors de ce territoire, ils sont considérés comme non avenus (2). La conséquence est juridique, mais elle accuse une organisation bien imparfaite de l'humanité. Qui ne se rappelle l'amère ironie de Pascal vérité de ce côté-ci de la rivière, erreur au delà! La vérité change-t-elle d'un Etat à l'autre? On conçoit cette défiance contre les jugements étrangers quand la berbarie règne au delà des frontières, mais dans le monde civilisé les garanties d'une bonne justice sont les mêmes partout. Voilà certes un point sur lequel toutes les nations civilisées pourraient s'entendre; pourquoi tardent-elles tant à faire un code de droit civil international qui serait un premier pas vers la confédération des peuples?

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Cette défiance contre ce qui se fait à l'étranger éclate d'une manière blessante dans un arrêté du 9 septembre 1814 ainsi conçu : « Les arrêts et jugements rendus en France n'auront aucune exécution en Belgique. Nonobstant ces jugements, les habitants de la Belgique pourront de nouveau débattre leurs droits devant les tribunaux qui y sont établis, soit en demandant, soit en défendant. Ces dispositions étaient inutiles pour l'avenir, à partir de la séparation de la Belgique et de la France, puisqu'elles ne font que consacrer la règle établie par le code de procédure. Quant aux jugements rendus avant la séparation, ils n'étaient pas émanés d'une juridiction étrangère, puisque les Belges ont été Français jusqu'à la chute de l'empire.

4. Ces principes ne reçoivent pas leur application aux

(1) Liége, 15 juillet 1831 (Pasicrisie, 1831, p. 207). Bruxelles, 13 mars 1841 (Dalloz, au mot Chose jugée, no 26).

(2) Toullier, t. V, 2, p. 69, nos 76 et 77 et p. 77, no 85.

jugements rendus par des arbitres. Les arbitres ne sont pas de véritables juges; ils n'exercent pas une fonction qui leur est déléguée par la puissance souveraine; ce sont des personnes particulières et privées qui tiennent leur mission de la volonté des parties. Dès lors les motifs pour lesquels les jugements rendus à l'étranger n'ont pas l'autorité de chose jugée en Belgique ne sont pas applicables aux sentences arbitrales. L'article 2123 consacre cette distinction; après avoir dit que l'hypothèque judiciaire résulte des jugements, il ajoute : Les décisions arbitrales n'emportent hypothèque qu'autant qu'elles sont revêtues de l'ordonnance judiciaire d'exécution. » Il suffit donc d'une ordonnance du président pour rendre les sentences arbitrales exécutoires, tandis que pour les jugements rendus à l'étranger, il faut une nouvelle décision. rendue par les tribunaux belges. Cela est aussi fondé en raison: ceux qui nomment des arbitres pour décider leurs différends se soumettent à leur décision d'une manière absolue, en ce sens qu'ils n'entendent pas limiter leur confiance au territoire de l'Etat où les arbitres sont constitués; cela n'aurait pas de sens. La jurisprudence et la doctrine sont d'accord (1).

II. Il faut que le jugement soit rendu en matière contentieuse.

5. On distingue la juridiction en contentieuse et en gracieuse ou volontaire. La juridiction contentieuse décide. les contestations qui s'élèvent entre les particuliers. Dans la juridiction volontaire, il n'y a pas de procès, elle a pour objet de conserver les droits. Jadis les deux juridictions étaient confondues, les tribunaux exerçaient l'une et l'autre. La révolution les sépara, en attribuant les fonctions de la juridiction volontaire à des officiers de l'ordre administratif, notamment aux notaires et aux conservateurs des hypothèques. Toutefois la séparation ne

(1) Toullier, t. V, 2. p. 82, no 87. Paris, 16 décembre 1809 (Dalloz, au mot Arbitrage, no 1196 Merlin, Questions de droit, au mot Jugement, § XIV. n° 3.

fut pas complète : les tribunaux conservent une partie de la juridiction volontaire. Ainsi ils interviennent en matière d'adoption pour constater le contrat qui se fait entre l'adoptant et l'adopté. Quand le juge de paix reçoit le contrat d'adoption, il ne juge pas, il n'y a rien à juger, puisqu'il n'y a pas de procès, il fait fonction de notaire. Le tribunal de première instance et la cour d'appel homologuent cet acte, cela se fait sous forme de jugement; en réalité, il n'y a pas de jugement, puisque aucune contestation n'est soumise aux juges (art. 353-357).

Les tribunaux exercent encore la juridiction volontaire en matière de tutelle. Il y a des actes que le tuteur ne peut faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille et après avoir obtenu l'homologation du tribunal. Cela se fait sous forme de jugement, mais l'homologation n'est pas un jugement, car il n'y a pas de contestation; si le juge intervient, c'est uniquement pour sauvegarder les intérêts des mineurs; il fait l'office d'un collége pupillaire, c'est-à-dire d'une autorité administrative (art. 458).

Les immeubles dotaux de la femme mariée sous le régime dotal ne peuvent être aliénés et échangés que dans les cas et sous les conditions déterminés par la loi; pour garantir que l'aliénation ne se fasse que dans les cas où la loi la permet, les tribunaux interviennent; l'autorisation ou la permission qu'ils donnent n'est pas un jugement proprement dit, car aucune contestation ne leur est soumise; le but de leur intervention est de sauvegarder les intérêts de la femme dotale (art. 1558 et 1559).

La distinction des deux juridictions a une conséquence très-importante, en ce qui concerne l'autorité de la chose jugée. Pour qu'un acte ait l'autorité de la chose jugée, il faut que ce soit un jugement; or, il n'y a de jugement que lorsque les tribunaux décident une contestation; ils ne jugent pas quand ils exercent la juridiction volontaire.

Donc les jugements rendus en matière contentieuse ont seuls l'autorité de chose jugée; quant aux actes de juridiction volontaire, ils n'ont que l'apparence de jugements, ils ne décident aucun procès; dès lors il n'y a pas de raison pour leur attribuer l'autorité de chose jugée, pas plus

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