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d'action directe, soit devant la juridiction civile, soit devant la juridiction correctionnelle.-Ils peuvent, dans tous les cas, mais à leurs risques et périls, faire procéder à des saisies effectives ou simplement descriptives. Les commissaires de police et les juges de paix, dans les lieux où il n'y a pas de commissaires de police, ont qualité, aux termes des lois des 19 juillet 1793 et 25 prairial an III, pour procéder à ces saisies, et sont tenus d'obtempérer à leur réquisition. On peut également, au besoin, faire opérer la saisie par le ministère d'un huissier, mais il faut, dans ce cas, obtenir sur requête une ordonnance du président. du tribunal civil de l'arrondissement où elle doit être faite. Enfin, lorsqu'il y a eu plainte, la saisie, si elle n'a pas été faite à la requête de la partie civile, peut, sur la réquisition du ministère public ou sur ordonnance du juge d'instruction, être opérée par tous officiers de police judiciaire.

La saisie, du reste, n'est pas nécessaire pour établir les délits de contrefaçon ou de débit et d'introduction en Francé d'objets contrefaits; ils peuvent être prouvés par tous les moyens que la loi met à la disposition de ceux qui se plaignent d'un délit, et notamment par les correspondances, registres et factures, ainsi que par témoins.

La saisie, par elle-même, n'est pas attributive de juridiction; c'est le domicile des prévenus ou le lieu de perpétration du délit qui déterminent la compétence. Ainsi, l'action correctionnelle intentée à raison d'un délit de contrefaçon, de débit ou d'introduction d'objets contrefaits peut être portée indistinctement devant le tribunal du domicile des prévenus ou du lieu où le délit a été commis. Lorsque l'auteur d'une contrefaçon n'est pas poursuivi personnellement pour débit ou introduction, il ne peut être cité devant le tribunal du lieu où le débit a eu lieu, qu'à raison de la connexité, et lorsque le débitant est lui-même poursuivi. Quant à l'action civile, elle ne peut être portée qué devant le tribunal du domicile de l'un des défendeurs.

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§ 10. Pénalités. — Réparations. — Les peines édictées par les articles 426 et 427 du Code pénal sont contre le contrefacteur ou l'introducteur, une amende de 100 à 2,000 fr.; contre le débitant, une amende de 25 à 500 fr., et, enfin, contre ceux qui ont fait représenter des ouvrages dramatiques au mépris des droits des auteurs, une amende de 50 à 500 fr. Il est à regretter que les tribunaux ne puissent pas, dans certains cas, et, notamment, lorsqu'il y a récidive, prononcer des amendes plus fortes, et même la peine de l'emprisonnement. Quant aux réparations civiles, elles consistent dans des dommages-intérêts, l'affiche ou l'insertion dans les journaux du jugement de condamnation, qui sont laissés à la libre appréciation des tribunaux, et, enfin, dans la confiscation des planches, moules, modèles et objets contrefaits. Cette confiscation est de droit, et, comme elle est avant tout une réparation accordée au plaignant et une mesure commandée d'ailleurs par la nécessité de ne pas laisser entre les mains des prévenus des objets contrefaits, dont ils ne pourraient disposer qu'en continuant le délit, et en causant un nouveau préjudice, elle doit être prononcée même vis-à-vis du débitant qui serait déclaré de bonne foi et renvoyé des fins de la plainte. Dans ce cas, il conserve, s'il y a lieu, un recours contre la personne qui l'a induit en erreur sur la nature des objets, et lui a laissé ignorer qu'ils étaient les produits d'une contrefaçon, mais, ce recours ne peut être exercé que devant la juridiction civile. - En général, la confiscation ne peut pas même être suppléée par des dommagesintérêts. Cependant, il a été jugé que dans le cas où la contrefaçon n'est que partielle et où l'objet contrefait ne peut sans un grave préjudice être détaché d'un tout, dont il ne forme qu'un accessoire restreint, les tribunaux peuvent remplacer la confiscation par une condamnation à des dommages-intérêts spéciaux. Mais c'est là une décision tout exceptionnelle, car, en principe, le plaignant a droit à la confiscation, alors même

qu'elle pourrait lui profiter au delà du dommage réellement éprouvé. C'est au contrefacteur à supporter les conséquences de sa faute.

§ 11. Algérie et colonies. En principe, celles de nos lois générales qui ne sont pas contraires à la législation spéciale de l'Algérie, y sont considérées comme obligatoires par le fait même de la conquête, et, encore bien qu'elles n'aient pas été l'objet d'une promulgation particulière. Il en est notamment ainsi du Code pénal, qui y est appliqué dans la plupart de ses dispositions. Il n'est pas douteux, dès lors, que la propriété littéraire et artistique ne doive y recevoir la même protection qu'en France. Le doute, s'il pouvait exister, se trouverait levé par un arrêté du 11 août 1845, dont nous donnons le texte ci-après, et qui a soumis les imprimeurs-libraires, marchands de gravures et autres de l'Algérie qui se trouvaient possesseurs ou propriétaires d'ouvrages contrefaits en pays étrangers, à l'obligation de produire à l'administration locale un état détaillé des écrits, compositions musicales et dessins, ou de toute autre production de ce genre, et, en outre, de les faire estampiller, faute de quoi, tous les exemplaires qui seraient ultérieurement trouvés dépourvus de l'estampille seraient considérés comme contrefaçons, et ceux qui les mettraient dans le commerce seraient passibles des peines édictées par le Code pénal et par les lois de douanes. Cet arrêté, à la vérité, n'a eu pour but que de faire cesser, pour l'avenir, l'introduction frauduleuse, en Algérie, des contrefaçons étrangères, et il est spécial aux œuvres de littérature et beaux-arts reproduites par l'impression, la gravure ou tout autre procédé analogue, mais il vise tout à la fois la loi du 19 juillet 1793, et les art. 425, 426, 427, 428 et 429 du Code pénal, et il en ressort que ces mêmes articles seraient, à fortiori, applicables à toute contrefaçon artistique ou littéraire qui se consommerait directement en Algérie.

Pour les autres colonies françaises, il est de principe, au

contraire, que les lois de la métropole n'y sont applicables qu'autant qu'elles y ont été régulièrement promulguées, et il n'est pas à notre connaissance qu'aucune disposition législative ni un arrêté local y ait prescrit la promulgation de nos lois sur la propriété littéraire et artistique. Mais, en fait, cette lacune ne présente pas un grave inconvénient, puisque, d'après la législation en vigueur dans les colonies, aucune publication ne peut avoir lieu sans une autorisation spéciale, et que, nécessairement, l'autorité refuserait cette autorisation pour toute publication qui constituerait une contrefaçon.

§ 12. Droits des étrangers en France et des Français en pays étrangers. L'art. 40 du décret du 5 février 1810 porte que les auteurs, soit nationaux, soit étrangers, de tout ouvrage imprimé ou gravé, peuvent céder leur droit à un imprimeur ou libraire, ou à toute autre personne, qui est alors substituée en leur lieu et place pour eux et leurs ayants cause. C'est la reconnaissance formelle du droit des étrangers, soit de publier eux-mêmes leurs œuvres en France, soit de les céder à des tiers. En cela, le décret n'a fait que confirmer un droit qui était déjà consacré par l'usage et par la jurisprudence. Il était généralement admis, en effet, que l'étranger qui publiait ou faisait publier, pour la première fois en France, une œuvre de littérature ou d'art, y jouissait, lui et son cessionnaire, des mêmes droits et de la même protection que les Français, à la seule condition de se conformer aux prescriptions de la loi, notamment en ce qui concerne le dépôt.

Mais les droits cessaient d'être les mêmes, lorsque la publication avait eu lieu, pour la première fois, en pays étranger. La contrefaçon des ouvrages français était tellement enracinée, tellement active en pays étranger, que, par droit de représailles, on considérait le fait même de la publication d'une œuvre quelconque en pays étranger, comme la faisant immédiatement tomber dans le domaine public en

France. On alla même jusqu'à vouloir en faire résulter une fin de non-recevoir contre l'auteur français, qui, après avoir publié son œuvre en pays étranger, voulait, soit la publier, soit céder le droit de reproduction en France. Mais les tribunaux refusèrent d'appliquer une déchéance qui n'était écrite dans aucune loi, et nous avons vu au § 8 que, plus tard, la loi de 1814 avait formellement consacré le droit de auteurs français, nonseulement de publier ou faire publier d'abord leurs œuvres en pays étranger, mais encore d'en importer les exemplaires en France, et que c'était même là un des moyens mis à leur disposition pour déjouer en partie la contrefaçon étrangère.

Quant aux ouvrages publiés par des auteurs étrangers, hors de France, ils étaient également reçus à l'importation; mais les droits de douane étaient fort élevés pour ceux écrits en langue française, et d'ailleurs, par cela même qu'ils étaient considérés comme tombés dans le domaine public, la reproduction en était licite et permise à tous.

Telle était, au reste, la règle admise dans les pays où les auteurs et artistes étrangers étaient le mieux traités. Dans quelques-uns, il leur restait la ressource de céder leurs droits à des éditeurs régnicoles, qui encore étaient eux-mêmes obligés le plus souvent d'obtenir une autorisation spéciale de leur gouvernement. Dans le plus grand nombre, le livre publié à l'étranger était une sorte d'épave appartenant à tous. Une cession, quelque sérieuse qu'elle fût, ne pouvait pas mettre obstacle à la reproduction. Ce ne fut que vers 1836 que la réaction, qui depuis longtemps s'était produite dans les esprits, commença à se manifester utilement dans les législations de différents États.

Constatons toutefois, en l'honneur du Danemark, que, dès 1828, le roi Frédéric VI avait rappelé, par une déclaration solennelle, que l'ordonnance de 1741, qui réglait les droits d'auteur, s'appliquait à tous les écrits sans distinction, et offrait la

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