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core tous ceux que le propriétaire eût pu percevoir honestè, si la chose lui eût été rendue; car cela fait partie des dommages-intérêts dont il est tenu. Non quæritur an fruitus sit, sed an petitor frui potuerit. (L. 62, § 1, ff. de Rei Vindicat.)]

CHAPITRE II.

Du Droit d'Accession, relativement à ce qui est uni ou incorporé à la chose.

Les règles relatives à cette espèce d'accession, étant différentes, suivant que la chose est mobilière ou immobilière, nous allons traiter séparément ce qui concerne chacune des deux espèces.

SECTION PREMIÈRE.

De l'Accession par union ou incorporation, relativement aux choses mobilières.

Il est difficile de poser des règles générales et précises relativement au droit d'accession, quant aux choses mobilières. Aussi, en établissant d'abord généralement que ce droit, quand il a pour objet deux choses appartenant à deux maîtres différens, est entièrement subordonné aux principes de l'équité naturelle, il suffira ensuite de donner quelques règles particulières, propres à déterminer le juge dans les cas analogues et non prévus.

Ces règles sont relatives à trois cas :

Union de deux choses appartenant à divers propriétaires; Formation d'une nouvelle espèce, avec une matière appartenant à autrui;

Mélange de plusieurs matières appartenant à divers propriétaires.

565.

S Ier.

Union de deux choses appartenant à divers propriétaires.

Lorsque deux choses appartenant à différens propriétaires, ont été unies de manière à former un seul tout [par exemple un diamant enchassé dans une bague, une doublure mise à un habit], ce tout appartient au propriétaire de la chose principale, quand même les deux choses seraient séparables et pourraient subsister l'une sans l'autre, à la charge toutefois par lui de rembourser la valeur de 566. l'autre objet.

[Il y a, dans l'article 566, une obscurité de rédaction que j'ai dû faire disparaître. En effet, il est ainsi conçu:

<< Lorsque deux choses appartenant à différens maîtres, » qui ont été unies de manière à former un tout, sont néan» moins séparables, en sorte que l'une puisse subsister sans >> l'autre, le tout appartient au maître de la chose qui forme » la partie principale, etc. »

Il semblerait résulter de cette rédaction, que le principe qui adjuge le tout formé de deux choses, au maître de la chose principale, ne doit avoir lieu que lorsque les deux choses sont séparables; tandis que c'est un principe général qui s'applique à tous les cas où l'une des deux choses peut être regardée comme la chose principale, soit que la séparation puisse avoir lieu ou non. (Argument tiré de l'article 575.) On a voulu, je pense, consacrer dans cet article l'opinion émise par POTHIER, dans son Traité de la Propriété, no 170 à 174; et voici, d'après cela, comme je pense qu'il doit être entendu, ainsi que le suivant:

En général, la chose accessoire appartient au propriétaire de la chose principale, quand même les deux choses seraient séparables; il reste donc à déterminer ce qu'on doit entendre par la chose principale; et à cet égard il faut distinguer :

Si des deux choses qui composent un tout, l'une ne peut subsister sans l'autre, et que l'autre puisse subsister séparé

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ment, c'est cette dernière qui doit être réputée la chose principale. Il y a cependant une exception pour la peinture et l'écriture. Le tableau et l'écrit sont regardés comme choses principales, propter excellentiam.

Si chacune des deux choses unies peut subsister sans l'autre, alors est réputée partie principale, celle pour l'usage, l'ornement, ou le complément de laquelle, l'autre a été ajoutée.

L'on voit, par cette explication, qui est fondée sur les vrais principes, que la question de la séparabilité des choses unies ne fait rien, quant au principe, que, le tout formé de deux choses, appartenant à différens maîtres, doit appartenir au maître de la chose principale; mais qu'il faut entendre l'article 566, comme s'il y avait quoique deux choses appartenant, etc., soient séparables, néanmoins le tout, etc.]

Est réputée partie principale, la chose, pour l'usage, l'ornement, ou le complément de laquelle l'autre a été ajoutée. [Ainsi, dans les exemples cités dans l'avant der- 567. nière note, le diamant et le dessus de l'habit sont les choses principales. ] Si néanmoins il était difficile de discerner laquelle est l'accessoire de l'autre, [ainsi, dans un meuble, quelle est la chose principale, de l'étoffe ou du bois?] alors il faudrait réputer chose principale, celle qui serait la plus considérable en valeur, ou en volume si les valeurs étaient à-peu-près égales.

[Quid, si tout était égal, ou à-peu-près? comme alors il n'y aurait pas de raison d'adjuger la chose à l'un des propriétaires plutôt qu'à l'autre, je pense qu'elle serait commune et devrait-être licitée. ]

569.

Le principe posé dans l'article 567, souffre cependant une exception, quand la valeur de la chose accessoire est beaucoup plus considérable que celle de la chose principale, et qu'elle a été employée à l'insu de celui qui en est propriétaire. Celui-ci peut alors demander qu'elle soit séparée pour lui être rendue, quand même il devrait résulter de l'opération, quelque dégradation de la chose principale. 568. [Un exemple de l'exception au principe établi par l'ar

ticle 567, se trouve dans un diamant à la poignée d'une épée. Ici, rigoureusement parlant, l'épée est la chose principale; mais cependant, s'il y a une disproportion considérable dans le prix, le propriétaire du diamant pourra le revendiquer.].

[Si le propriétaire a connu l'emploi, et que pouvant s'y opposer, il ne l'ait pas fait, il est censé y avoir consenti, et il ne peut alors réclamer` que le prix de la chose. Qui prohibere potest, et non prohibet, consentire videtur.

[Pour obtenir la séparation, il faut agir par l'action ad exhibendum, des Romains. (Voyez au Digeste, le Titre de ce nom. )]

[En cas que la séparation entraînât quelque dégradation, il ne serait pas dû de dommages-intérêts. Il est évident, au reste, que le Législateur suppose ici que la chose accessoire a été unie à la chose principale par le propriétaire de cette dernière chose. Mais quid, si les deux choses ont été unies par un tiers, à l'insu des deux propriétaires? Je pense que chacun d'eux a droit de demander la séparation, sauf leur recours, pour les dommages respectifs, contre celui qui a fait l'union, s'il était de mauvaise foi. ]

§ II.

Formation d'une nouvelle espèce avec une matière appartenant à autrui.

Ce cas est celui qui est appelé, en droit romain, spécifi

cation.

Le principe général, à cet égard, est que, dans tous les cas, et soit que la matière puisse, ou non, reprendre sa première forme, celui qui en est propriétaire en totalité, a le droit de réclamer la nouvelle espèce, en remboursant le 570. prix de la main-d'oeuvre. Mais si l'ouvrier est en même temps propriétaire d'une partie de la matière, et que la séparation ne puisse se faire sans inconvénient, alors la nou

velle espèce lui est commune avec le propriétaire de l'autre partie, en raison, quant à ce dernier, de la partie de matière qui lui appartient; et, quant à l'ouvrier, en raison tout à la fois, et du prix de sa matière, et de celui de sa main-d'oeuvre. 572.

[Un gobelet d'argent peut être remis au creuset, et redevenir lingot; mais le bois avec lequel on a fait un meuble, ne peut redevenir ce qu'il était. Le Code rejette ici l'opinion consacrée par JUSTINIEN, dans ses Institutes, et adopte celle des Sabiniens, avec l'adoucissement dont il va être question tout-à-l'heure. ]

[Exemple du cas dont il s'agit dans l'art. 570: un objet de fonte fabriqué avec des métaux appartenant en partie au fondeur. Quid, si aucune des deux matières n'appartient à celui qui a fait la nouvelle espèce? Alors, suivant les circonstances, ou elle appartient en commun aux propriétaires des deux matières, à la charge de rembourser à l'ouvrier le prix de sa main-d'oeuvre ( Argument tiré de l'article 572), ou elle appartient au propriétaire de la chose principale, conformément aux articles 571 et 574, à la charge de rembourser le prix de la main-d'œuvre, et la valeur de l'autre partie de matière.]

[Exemple du cas dont il est question dans l'art. 572: la pièce fabriquée est estimée en entier 3,000 fr. La portion de matière appartenant à l'ouvrier est estimée 800 fr.; celle qui appartient à autrui, 1,000 fr. : la main-d'oeuvre, 1,200 fr. L'ouvrier ayant fourni, d'abord en matière 800 fr., plus 1,200 fr. de main-d'œuvre, en tout 2,000 fr., sera propriétaire des deux tiers de la chose totale. ]

Cependant, comme ces principes, tout équitables qu'ils paraissent, deviendraient rigoureux et même injustes, dans le cas où le prix de la main-d'œuvre surpasserait de beaucoup celui de la matière, [cela peut arriver souvent pour des pièces d'orfèvrerie, de la tapisserie, etc.,] l'on doit regarder alors l'industrie comme chose principale, et décider que l'ouvrier a le droit de retenir la chose travaillée, en indemnisant le propriétaire de la matière, [c'est-à-dire, 571. en lui remboursant le prix de la matière, avec dommages

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