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Je pense, au surplus, que la créance de la valeur des matériaux doit être privilégiée sur le bâtiment, d'après les §§ 5 et 4 de l'article 2182; et même d'après le § 4 de l'art. 2105.]

Dans le second cas, le propriétaire du fonds a le choix, ou de retenir les ouvrages, en remboursant la valeur des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre, sans égard au plus ou au moins d'augmentation de valeur que le fonds a pu éprouver à raison des ouvrages faits; ou d'obliger celui qui a fait les ouvrages, de les enlever à ses frais, et même de lui payer, s'il y a lieu, des dommages et intérêts.

[Le choix susmentionné du propriétaire a seulement lieu lorsqu'il reprend la jouissance du fonds; car je pense bien que, si des ouvrages ont été faits sur un fonds par un usufruitier ou par un locataire, le propriétaire n'a pas le droit, pendant la durée du bail ou de l'usufruit, d'empêcher la destruction ou le changement des ouvrages, sous prétexte qu'il a la faculté de les retenir en les payant.]

[Si les ouvrages ont coûté 10,000 fr., et qu'ils aient augmenté la valeur du fonds de 20,000 francs, le propriétaire pourra les retenir pour 10,000 fr. Mais aussi, dans le cas contraire, qui est le plus fréquent, si les ouvrages ont coûté 20,000 fr., et n'ont augmenté la valeur du fonds que de 10,000 francs, le propriétaire ne pourra les retenir qu'en payant 20,000 fr. Il est vrai que, comme il a le droit, ainsi que nous allons le voir tout-à-l'heure, de forcer celui qui les a faits, de les enlever, il pourra l'obliger par là de consentir à une diminution.]

[Les dommages-intérêts dont nous venons de parler, peuvent être dûs pour raison du retard qu'il aura pu éprouver dans la jouissance du fonds, des dégradations que les ouvrages et leur destruction auront pu occasioner, etc.: c'est au possesseur à s'imputer d'avoir bâti sciemment sur le fonds d'autrui.]

Si cependant les ouvrages ont été faits par un possesseur de bonne foi, le propriétaire ne peut en demander la suppression; mais il a le choix, ou de rembourser ce que les ouvrages ont coûté, ou de payer une somme égale à l'augmentation de valeur du fonds.

555.

[Il faut entendre ici par possesseur de bonne foi, celui qui possède, comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété, dont il ignore les vices. Cette explication est nécessaire, parce que le locataire, l'usufruitier, pourraient, sous quelques rapports, être regardés comme possesseurs de bonne foi, dans le sens qu'ils ne sont pas ce que les Romains appellent prædones, puisqu'ils possèdent, ou plutôt qu'ils détiennent la chose, en vertu d'un titre approuvé par les lois. Mais néanmoins, comme ils ne possèdent pas à titre de propriétaires, c'est la première partie de l'article qui doit leur être appliquée.]

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[Il peut paraître extraordinaire que, dans l'hypothèse où le propriétaire du fonds veut garder les ouvrages, le possesseur de mauvaise foi soit mieux traité que le possesseur de bonne foi; car le premier peut réclamer la valeur entière des constructions, sans égard à la plus value du fonds, tandis que le second ne peut jamais réclamer que la plus value. Mais aussi, il y a compensation d'un autre côté, parce que, comme nous l'avons fait observer, le propriétaire du fonds pouvant, dans le premier cas, obliger celui qui a fait les travaux, de les enlever à ses frais, profitera de cette faculté pour le forcer de les laisser à un prix moindre que celui pour lequel ils ont été faits: or, il n'a pas le même droit à l'égard du possesseur de bonne foi.

Remarquez, au surplus, que, dans tous les cas où le propriétaire du fonds rembourse la valeur des ouvrages, ou la plus value qui en résulte, le possesseur peut retenir le fonds jusqu'à ce que le remboursement soit effectué. (Argument tiré de l'article 867.)]

S. II.

De l'Alluvion.

L'alluvion est un accroissement qui se forme, successivement et imperceptiblement, aux fonds qui bordent un 556. fleuve ou une rivière.

Un accroissement: Il peut avoir lieu de deux manières; ou par la jonction successive de terres charriées par le fleuve, et alors l'alluvion se nomme aussi attérissement ;

ou par des relais que forme quelquefois l'eau courante, en se retirant insensiblement de l'une de ses rives, pour se reporter sur l'autre. L'alluvion appartient, dans les deux cas, au propriétaire riverain, sans aucune indemnité pour 557. celui de la rive opposée; mais à la charge, s'il s'agit d'une rivière navigable ou flottable, de laisser le marche-pied ou chemin de halage, conformément aux réglemens. 556.

[Observez que le chemin de halage n'est pas propriété publique : car autrement, l'alluvion, dans les rivières navigables ou flottables, devrait appartenir à l'État. Mais ce chemin est censé, jusqu'à preuve contraire, appartenir aux propriétaires riverains. L'État n'en jouit qu'à titre de servitude légale. De là il résulte : 1o que, si la rivière vient à se retirer, le droit de servitude sur l'ancien chemin s'évanouit, et les propriétaires riverains en recouvrent la jouissance, en laissant toujours un chemin semblable, qui est pris alors sur le terrain abandonné par la rivière. Voir un arrêt de Toulouse, du 26 Novembre 1812, rapporté dans SIREY, 1822, 1re partie, page 32;

2o. Qu'il ne peut être établi de port d'abordage par l'autorité publique, le long du chemin de halage, à moins que la propriété n'en ait été préalablement acquise, dans les formes prescrites pour cause d'utilité publique. (Ordonnance du Roi, du 26 août 1818, rapporté dans SIREY 1818, 2o ↑ partie, pag. 322.)

Doit-on entendre par rivières flottables, dans le sens du Code, non-seulement celles où la flottaison se fait à train ou à radeau, mais encore celles où elle se fait à bûches perdues? Jugé la négative à Troyes, le 14 avril 1823; et le pourvoi contre ce jugement a été rejeté le 22 août suivant. (SIREY, 1824, 1re partie, pag. 1.)

Nota. Un décret du 18 août 1807, rapporté dans SIREY, 1816, 2o partie, pag. 283, a décidé qu'un banc de sable formé par accident, même dans une rivière non navigable, pouvait, lorsqu'il obstruait le cours de l'eau, être enlevé par ordre de l'autorité administrative.

Un autre décret, du 22 octobre 1808 (SIREY, 1817 2o partie, pag. 34), a décidé que les contestations sur la

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propriété des alluvions, même entre le domaine et des particuliers devaient être portées devant les tribunaux.]

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Successivement et imperceptiblement : En conséquence, si une partie considérable et reconnaissable d'un champ riverain est enlevée par la force subite d'une rivière, navigable ou non, et portée vers un champ inférieur ou vers la rive opposée, le propriétaire de cette partie peut la réclamer, mais dans l'année seulement; à moins cependant que le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, n'en ait pas encore pris possession: auquel cas, la réclamation pourra être faite, tant que la prise de possession n'aura . 559. pas été effectuée.

[ Quid, si le propriétaire du fonds, d'où la partie est détachée, est mineur? On tient en général que toutes les prescriptions courtes, c'est-à-dire au dessous de 10 ans, courent contre les mineurs, sauf leur recours contre leurs tuteurs. D'ailleurs, ici, cette espèce de prescription tient en quelque sorte à l'ordre public.]

Par une conséquence du même principe, si une rivière navigable, flottable, ou non, abandonne son lit pour s'en former un nouveau, il n'y a pas lieu au droit d'alluvion; mais le lit abandonné appartient, à titre d'indemnité, aux propriétaires des fonds nouvellement occupés par le fleuve, 563. chacun en proportion du terrain qui lui a été enlevé.

[Il faut que l'abandon du lit se fasse d'une manière sensible et prompte; car s'il était lent et successif, on pourrait le regarder comme une alluvion. ]

[Suivant les principes rigoureux du droit, rapportés dans les Institutes de JUSTINIEN, § 23, de Rerum Divis., le lit abandonné devrait appartenir aux propriétaires riverains. Mais il résulte de là que ceux-ci cessent d'être riverains, et ne peuvent plus en réclamer les droits, tels que celui d'alluvion, de prise d'eau, etc. Jugé dans ce sens, et avec raison, en cassation, le 11 février 1813. ( SIREY, 1815, 1re partie, pag. 100.)]

Qui bordent un fleuve ou une rivière : Parce que l'allu538. vion n'a pas lieu, 1° à l'égard des relais de la mer; ils ap537. partiennent à l'État.

2o. A l'égard des lacs et étangs. Le propriétaire de l'étang conserve toujours le terrain que l'eau couvre, quand elle est à la hauteur de la décharge, et ce, quand même le volume d'eau viendrait à diminuer; comme aussi, il n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines que l'eau de son étang viendrait à couvrir dans des crues extraordinaires. 558. [C'est qu'ici il y a une limite de la propriété, qui est déterminée par la décharge de l'étang.

S'il y a contestation sur la hauteur de la décharge, doiton s'adresser à l'autorité administrative, ou à l'autorité judiciaire? Je pense que, comme il s'agit alors d'une question de propriété, elle doit être portée devant les tribunaux; en observant toutefois que la possession trentenaire peut être invoquée dans ce cas, soit qu'on regarde le droit prétendu par le propriétaire de l'étang, comme une servitude, qui étant alors continue et apparente, est de nature à s'ac quérir par la prescription; soit qu'on le regarde comme un droit de propriété, susceptible également de s'acquérir par la possession de trente ans. ]

§. III.

Des Iles formées dans les Rivières.

Nous avons vu, Livre précédent, que les îles formées dans les rivières navigables ou flottables appartiennent à l'État, s'il n'y a titre ou prescription contraire.

Il en est de même des attérissemens qui se forment dans le lit des mêmes rivières.

[Je crois que l'île diffère de l'attérissement, en ce que l'île est une portion du lit même du fleuve, qu'il laisse à découvert, en s'élargissant d'un côté et de l'autre; au lieu que l'attérissement est un amas de sable que le fleuve amoncelle sur un seul point, et qui finit par s'élever au dessus de la surface de l'eau.

Remarquez la différence qui existe entre ces sortes d'attérissemens, et ceux dont il est question dans l'article 556. Ceux-ci se font par jonction aux fonds riverains, et appar

560.

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