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Succession des Ascendans aux choses par eux données.

Il est un droit particulier aux ascendans, quels qu'ils soient, père, mère, ou autres; c'est celui de succéder, à l'exclusion de tous autres, aux choses par eux données à 747. leurs enfans ou descendans décédés sans postérité.

Nous disons le droit de succéder : parce que ce n'est pas un droit de retour, mais une véritable succession ab intestat. Les ascendans sont donc, sous ce rapport, vraiment héritiers légitimes, et, comme tels, tenus des faits du défunt.

[Si c'était un droit de retour, le donataire ne pourrait point disposer, même à titre onéreux, au préjudice du donateur; les aliénations qu'il aurait pu faire, seraient résolues par son prédécès; et les biens rentreraient dans la main du donateur, libres de toutes charges et hypothèques. (Art. 952). C'est par suite de ce principe qu'il a été jugé en Cassation, que, dans le cas de l'article 747, il est dû un droit proportionnel de mutation, tandis qu'il ne serait dû qu'un droit fixe, s'il s'agissait d'un simple droit de retour, (SIREY, 1814; Ire partie, pag. 169).

Dans le principe, le droit de retour n'avait été établi que pour la dot. (Z. 6, ff. de jure dotium). Les motifs de cette disposition étaient :

1o. D'épargner à l'ascendant, qui avait eu le malheur de perdre sa fille, le nouveau chagrin de voir passer dans des mains étrangères les objets qu'il lui avait donnés. C'était, disent les lois Romaines, solatii loco, ne et filiæ amisso, et pecuniæ damnum sentiret;

2o. D'encourager et d'exciter la libéralité des ascendans, par espérance de recouvrer les objets donnés, en cas de prédécès du donataire sans postérité: ne hac injustá formidine (de perdre les choses qu'ils auraient données à leurs enfans) parentum circà liberos munificentia retardetur.

Ces motifs avaient paru si favorables, que l'on crut devoir, dans notre droit, appliquer la même disposition à toutes les donations faites par des ascendans à leurs descendans. Cependant l'effet n'était pas le même en pays de droit

écrit et en pays coutumier. Dans les premiers, c'était un véritable droit de retour, qui annulait toutes les aliénations et hypothèques consenties par le donataire. Dans les pays coutumiers, au contraire, c'était une simple succession aux cbjets donnés. L'ascendant était un véritable héritier; et comme l'héritier est tenu de garantir tous les faits du défunt, il en résultait qu'il ne pouvait attaquer, comme donateur, aucun des actes de disposition faits par le défunt, à titre gratuit ou onéreux, entre-vifs ou par testament. C'était ainsi que l'on entendait, et que l'on appliquait généralement l'article 313 de la coutume de Paris, qui a été à peu près copié dans l'article 747, et dont le sens bien entendu, nous servira à résoudre plusieurs des difficultés qui se présenteront sur ledit article. ]

De là il résulte :

1o. Qu'ils contribuent aux dettes de la succession, en proportion de la valeur des objets auxquels ils succèdent.

[Et même ultrà vires emolumenti, à moins qu'ils n'acceptent sous bénéfice d'inventaire. C'est une véritable succession. Ils sont donc héritiers, et, comme tels, tenus des dettes indéfiniment, au prorata de leur émolument. RousSEAUD DE LA COMBE, Verbo, REVERSION, no 1. Par la même raison, s'ils étaient d'ailleurs en ordre de succéder, et qu'ils eussent renoncé à la succession, ils ne pourraient exercer le droit qui leur est attribué par l'article 747. Car on ne peut, tout à la fois, être, et ne pas être héritier de la même personne. Cependant, comme cette succession n'est pas de la même nature que les successions ordinaires; principalement en ce qu'elle ne donne de droit qu'à des choses particulières, et qu'elle n'est qu'improprement un titre universel, je pense que l'ascendant qui n'aurait d'autre droit de succession que celui qui résulte de l'art. 747, ne pourrait prétendre au droit d'accroissement établi par l'article 785. Je pense également que la contribution aux dettes dont il est tenu, n'a lieu qu'à l'égard des autres héritiers, et non à l'égard des créanciers; c'est-à-dire qu'elle ne préjudicierait en rien à l'action de ceux-ci contre les autres héritiers, en raison de leur part héréditaire. Si donc le défunt

avait laissé deux héritiers, outre l'ascendant, chacun d'eux serait tenu, à l'égard des créanciers, de la moitié des dettes, sauf son recours contre l'ascendant. Il est même d'autant plus convenable de décider ainsi, que l'ascendant ne prenant pas une quote de la succession, les créanciers ne pourraient savoir quelle part ils devraient lui demander. Mais si cette part était fixée par un acte précédent, les créanciers pourraient, s'ils le jugeaient convenable, s'adresser directement à lui pour la lui faire payer. Car cette mesure ne pourrait que prévenir un circuit d'actions qu'il est toujours bon d'éviter.]

2°. Que ce droit ne peut être exercé, qu'autant que le donataire n'a disposé des objets entre-vifs ni par testament; et qu'il ne peut être également exercé au préjudice des aliénations faites par le défunt.

[C'est une succession ab intestat; et comme, chez nous, la disposition de l'homme fait cesser la disposition de la loi, sauf le cas de réserve quand elle a lieu, il suit que, si le donataire a disposé des objets donnés, l'ascendant donateur ne peut plus exercer le droit résultant de l'art. 747. Voir un Arrêt de Cassation du 17 décembre 1812. (SIREY, 1813, Ire partie, page 409). C'était aussi de cette manière que l'on entendait anciennement l'article 313 de la coutume de Paris (Voyez BOUCHEUL, des Conventions de succéder, Chap. XII, no 75 et suivans, et les auteurs cités par lui; voir également RICARD, des Donations, part. 3, no 768 et suivans). Si l'ascendant a droit à une réserve, il pourra, à la vérité, l'exercer sur les biens donnés comme sur les autres biens de la succession; mais alors ce n'est pas comme donateur qu'il agira, mais comme ascendant, puisqu'il aurait le même droit, quand il n'aurait rien donné. ]

[Quid, si le donateur a concédé un droit réel sur l'objet donné? il faut distinguer : Si le droit concédé est un démembrement de propriété, comme un usufruit, ou une servitude, comme il y a alors vraiment aliénation partielle, et que toutes les aliénations partielles sont maintenues au préjudice du donateur, l'ascendant ne peut reprendre que ce qui reste en nature, c'est-à-dire le fonds, moins l'usu

fruit ou la servitude concédée; et il n'a aucun recours à exercer, à raison de ce, contre la succession. Mais si le droit est simplement réel, sans être un démembrement de propriété, comme un droit d'hypothèque, le donateur qui reprend le bien donné, le reprend, à la vérité, grevé de l'hypothèque, dans le sens que le droit de reprise ne peut préjudicier à l'action hypothécaire du créancier. Mais comme l'hypothèque ne diminue point la propriété dans la main du propriétaire, qu'elle n'est qu'un contrat accessoire, ayant pour motif d'assurer le paiement d'une dette dont l'ascendant ne doit que sa part, il s'ensuit que, s'il est obligé de la payer en totalité par suite de l'action hypothécaire, il aura un recours contre ses cohéritiers, pour tout ce qui excède la part pour laquelle il est tenu d'y contribuer.]

3°. Que les objets donnés reviennent à l'ascendant donateur, avec les charges et hypothèques dont ils sont grevés, sauf son recours contre la succession, si, par l'effet de l'action hypothécaire, il est obligé de payer au delà de sa portion contributoire dans les dettes.

[L'action hypothécaire est celle par laquelle le créancier, auquel un immeuble a été hypothéqué, a le droit de le suivre, dans quelque main qu'il passe, et peut, en conséquence, exiger son paiement total du détenteur, quel qu'il soit. ]

A L'exclusion de tous autres; parce que ce droit appartient à l'ascendant, en sa seule qualité de donateur, et indépendamment de tout autre droit qu'il peut avoir d'ailleurs sur la succession. De là il suit :

1o. Qu'il peut l'exercer, quand même il ne serait pas héritier du défunt d'après les règles établies ci-dessus.

[ S'il n'y a pas dans la succession de quoi fournir la légi– time du père, ou des autres ascendans, survivans, l'ascendant donateur sera-t-il obligé de la fournir, ou de la compléter, sur les biens donnés? Je ne le pense pas. L'article 915 dit que les ascendans n'ont droit à une légitime ou réserve, que dans l'ordre où la loi les appelle à succéder. Or, ici, l'ascendant donateur est seul et exclusivement ap

III.

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pelé par la loi à succéder aux choses données par lui: donc les autres ascendans n'y ont aucun droit; donc ils ne peuvent réclamer de légitime sur ces biens. ]

Et 2°. que lorsqu'il est d'ailleurs héritier, il succède aux choses données par lui, par préciput et hors part, c'està-dire sans être tenu d'imputer ce qu'il en tire, sur la part héréditaire qu'il a droit de prétendre dans le surplus de la

succession.

[L'ascendant donateur qui aurait droit à une réserve serait-il tenu d'imputer sur sa réserve les biens auxquels il succéderait en vertu de l'article 747 ? La question n'est pas sans difficulté. L'on peut dire, pour la négative, que l'ascendant ayant droit à ces biens par un droit singulier et exclusif de tout autre, c'est une espèce de préciput que la loi lui accorde. Or, nous verrons plus bas que les biens reçus à titre de préciput, ne s'imputent point sur la légitime. Nonobstant cette raison, je pencherais volontiers pour l'affirmative, fondé sur ce que le légitimaire est tenu, en général, d'imputer sur sa légitime tout ce qu'il prend à titre héréditaire. Or, ici, l'ascendant succède jure hereditario; et il paraît même y avoir d'autant plus de raison d'admettre l'imputation, que l'on peut dire, en quelque sorte, que l'ascendant tient les biens donnés, de la libéralité du donataire, puisque celui-ci pouvait l'en priver en en disposant, et que c'est le cas d'appliquer cet adage du droit Romain: dat qui non adimit.]

Aux choses par eux données; Comme l'ascendant donateur ne peut succéder qu'aux choses mêmes qu'il a données, il en résulte que son droit s'évanouit, du moment que ces choses ne se trouvent plus en nature dans la succession du donataire.

[L'article ne distingue pas ici entre les choses mobilières ou immobilières. A la vérité, l'on tenait, dans l'ancien droit, que la disposition de l'article 313 de la Coutume ne devait ́s'appliquer qu'aux immeubles. Mais la raison en était, qu'il s'agissait, dans cet article, des biens connus sous le nom de propres, ainsi qu'il résultait de la combinaison dudit article avec le précédent. Or, il n'y avait que les immeubles qui

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