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à tel fonds, ou au propriétaire de tel fonds, alors elle est due au fonds entier, et par conséquent aux terres comme à la maison. Mais s'il était dit dans le titre que le droit de vue est concédé pour la maison, alors il est évident qu'il ne peut être invoqué par le propriétaire des terres. S'il n'y a pas de titre, ou qu'il y ait doute sur la manière dont il doit être entendu, il me semble que, d'après les règles générales d'interprétation, l'on doit décider en faveur du fonds servant, et restreindre le droit de vue à la maison seulement.

Quid, si c'est le fonds servant qui est divisé; dans le cas, par exemple, où le propriétaire est mort, laissant plusieurs héritiers? Par la même raison, la servitude sera due en entier par chaque co-héritier, si toutefois elle est de nature à avoir son effet sur le fonds entier, telle que seraient les servitudes, altiùs non tollendi, luminum, pros— pectus, et autres semblables. Mais si elle était telle, qu'elle ne pût être exercée que sur une partie du fonds, comme un droit de passage, sans autre charge, il n'y aurait alors que la portion dans laquelle se trouverait le passage concédé, qui resterait grevée de la servitude à l'égard du propriétaire dominant, sauf les arrangemens respectifs des copropriétaires du fonds assujéti entre eux.]

4°. Que le propriétaire du fonds assujéti ne peut rien faire qui tende à changer, diminuer, ou rendre plus incommode l'usage de la servitude. Si cependant, par la suite des temps, ou par l'effet des circonstances, le mode primitif de la servitude lui était devenu plus onéreux, et qu'il fût constant que les changemens proposés ne préjudicient en rien au propriétaire du fonds dominant, celui701. ci ne pourrait s'y refuser.

[Cela est fondé sur le principe de droit naturel, que nous avons établi au commencement de cet ouvrage, et d'après lequel nous sommes obligés de faire le bien du prochain, toutes les fois qu'il n'en résulte pour nous aucun préjudice. Par conséquent, cette disposition s'appliquerait sans contredit à la servitude légale du passage, dans le cas d'enclave. Si le propriétaire du fonds assujéti, dési–

rant, par exemple, bâtir dans le lieu où le passage a été
accordé, en offrait un autre aussi commode pour le fonds
enclavé, l'autre propriétaire serait obligé de consentir à
l'échange; et il est même probable que, dans ce cas,
les ju-

ges ne se montreraient pas aussi rigoureux que s'il s'agis-
sait d'une servitude volontairement consentie, et qu'une lé-
gère différence dans la commodité des deux passages ne se-
rait pas prise en considération. ]

Tels sont, en général, les droits du propriétaire du fonds dominant. Quant à ses obligations, elles se réduisent à user de la servitude suivant son titre, sans pouvoir rien faire, dans aucun des deux fonds, qui aggrave la condition de celui qui doit la servitude.

[ Quid, s'il s'élève une contestation sur un point à l'égard duquel le titre ne s'est point expliqué? Le juge doit se décider par le principe d'équité, qui veut que l'on concilie toujours le plus grand avantage du fonds dominant, avec la moindre incommodité du fonds servant; et que, dans le doute, l'on se décide toujours en faveur de ce dernier. Il y a, d'ailleurs, des règles de convenance auxquelles le juge doit se conformer telle est celle qui veut qu'un droit de passage par une cour ou autre dépendance d'une maison habitée, ne s'exerce pas à une heure indue, etc.

Nota. Il a été décidé en Cassation que la servitude conventionnelle de vue, quand le titre n'en détermine pas l'étendue, n'emporte prohibition de bâtir que jusqu'à la distance de 6 pieds, par analogie de l'article 678. ( Arrêt du 24 juin 1823, rapporté dans SIREY, 1824, 1er partie, pag. 26.)]

702.

REMARQUES SUR LE CHAPITRE II,

Relatives à l'établissement des Servitudes.

Cette matière est traitée dans la deuxième section de la loi du 8 janvier 1824, ci-dessus citée, et dont voici le texte.

ART. 22. Les servitudes s'établissent par titre ou par prescription.

23. Le titre constitutif de la servitude devra être transcrit dans les registres publics à ce destinés.

24. Les servitudes continues et apparentes s'acquièrent tant par titre que par la prescription de trente ans.

25. Le propriétaire du fonds inférieur, qui a usé de la source du fonds supérieur, ne commencera sa prescription qu'à compter du moment où il aura fait et terminé des ouvrages apparens, destinés à faciliter la chute et le cours de l'eau dans sa propriété.

26. Les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres : la possession même immémoriale, ne suffira pas pour les établir.

27. Lorsqu'il est prouvé que des fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que celui-ci les a mis dans un état duquel serait résulté une servitude continue apparente, cette destination vaut titre de servitude.

28. Si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existait, avant son acquisition, un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages, sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement, en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

29. L'un des co-propriétaires d'un fonds peut, par son fait et à l'insçu des autres, acquérir une servitude en faveur de l'héritage commun.

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La servitude s'éteint de six manières :

1o. Par la résolution du droit de celui qui l'a constituée. [Sauf, toutefois, les cas où la loi décide que les aliénations ne sont pas résolues, nonobstant la résolution du droit de l'aliénateur.]

2o. Par l'événement du jour ou de la condition, si elle a été ainsi établie;

3o. Par la confusion, c'est-à-dire par la réunion parfaite et irrévocable des deux fonds dans la main du même propriétaire; [car si la réunion vient à cesser par suite d'une 705. cause antérieure à l'acquisition, la servitude renaît en faveur de l'ancien fonds dominant. (Argument tiré de l'art. 2177.) Il en est de même de l'usufruit. Mais, hors ce cas, toutes les fois que la réunion a été parfaite et irrévocable dans son principe, la servitude est entièrement éteinte et ne peut renaître. Si donc le propriétaire du fonds dominant a acquis le fonds servant, et qu'il vienne ensuite à le vendre, sans s'être réservé le droit de servitude, le fonds aliéné en est totalement et irrévocablement affranchi. Il faut cependant excepter le cas où il s'agirait d'une servitude apparente, dont il aurait laissé subsister le signe jusqu'au moment de la vente. Mais même, dans ce cas, ce ne serait pas l'ancienne servitude qui revivrait; ce serait une nouvelle, résultant de la destination du père de famille.

Par la même raison, si deux époux, communs en biens, acquièrent un héritage qui doit une servitude au fonds de l'un d'eux, il n'y aura confusion, qu'autant que, par l'effet de partage qui aura lieu après la dissolution de la communauté, les deux immeubles se trouveront appartenir au même propriétaire. ]

4°. Par la remise faite par le propriétaire du fonds dominant. [Pourvu qu'il soit majeur et usant de ses droits, et que, si la remise est gratuite, le propriétaire du fonds servant soit capable de recevoir de lui à titre de donation.

Quid, si la remise est faite par un des co-propriétaires du fonds dominant? il faut distinguer : Si la servitude est divisible effectu, les autres co-propriétaires ne pourront l'exercer, que déduction faite de la part de celui qui a fait la remise. Si elle est indivisible, ils continueront de l'exercer en totalité, mais en tenant compte de la valeur de la portion de celui qui a fait la remise, (Art. 1224.) lequel devra, de son côté, indemniser ses co-propriétaires de ce qu'il leur en aura coûté. Mais si le fonds dominant vient à être licité, et qu'il soit adjugé à celui qui a fait la remise. je pense qu'alors le fonds se trouvera entièrement libéré.

(Argument tiré de ce qui est dit ci-dessus, pour le cas où une servitude a été consentie par un propriétaire indivis).

Quid, si la remise est faite à l'un des co-propriétaires du fonds assujéti? il faut également distinguer, mais dans un autre sens. Si la propriété est encore indivise, la servitude ne pourra être exercée sur aucune partie. (Argument tiré des articles 709 et 710.) Mais si la propriété était divisée, la servitude continuerait d'être exercée sur les parts qui n'appartiennent pas à celui à qui la remise a été faite. ]

3o. Par le non usage pendant trente ans. Mais cependant, à cet égard, il faut distinguer : s'il s'agit de servitudes discontinues, la simple non-jouissance donne lieu à la prescription, qui court alors du jour où le droit a cessé d'être exercé. Mais s'il s'agit d'une servitude continue, il faut qu'il y ait eu, en outre, un acte contraire à la servitude; et ce n'est que du jour de cet acte que le délai de la 707. cription commence à courir.

pres

[L'extinction par le non-usage pendant trente ans, a lieu quand même il ne serait pas du fait du propriétaire; si, par exemple, un usufruitier a joui quarante ans d'une terré, et qu'il ait négligé, pendant trente ans seulement, d'user d'une servitude, elle est prescrite, sauf le recours du propriétaire contre lui, pour se faire indemniser. (Argument tiré des articles 614 et 1428.) De même, il importe peu quelle est la personne qui a usé : pourvu que le droit ait été exercé, cela suffit pour empêcher la prescription. Si cependant c'était par un co-propriétaire, il faudrait distinguer: S'il était co-propriétaire par indivís, en usant, il conserve les droits de tous les autres. Mais si le fonds avait été partagé, l'usage de l'un dés co-propriétaires ne conserverait la servitude que pour sa part. (Art. 709).

Mais remarquez que l'intervalle de trente ans pour acquérir la libération de la servitude par la prescription, n'est exigé que lorsque le fonds servant est resté entre les mains de celui qui a consenti la servitude, ou de ses héritiers: car, s'il a passé entre les mains d'un tiers, la servitude doit être préscrite par le même intervalle de temps qui serait suffisant pour acquérir la propriété, c'est-à-dire par trente

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