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meuble, à titre onéreux et de bonne foi, de la personne dont l'inscription est annulée.

Toutefois, la partie qui veut attaquer une inscription peut, pour éviter d'avoir à subir des droits qui seraient consentis à des tiers de bonne foi, se faire autoriser par la partie adverse ou par le juge à faire une prénotation, Vormerkung ; et si la prétention du demandeur est fondée, l'inscription rétroagit au jour de la prénotation.

82. Les droits réels sur les immeubles, dans le système de la loi du 5 mai 1872, ne résultant que de l'inscription faite au registre foncier sur telle ou telle parcelle et ne produisant effet qu'à dater de cette inscription, il ne peut y avoir ni privilège ni hypothèque générale: aussi cette loi ne reconnaît-elle ni les hypothèques légales, ni les privilèges. Le vendeur d'immeuble peut seulement, en consentant à l'inscription sur le registre au nom de l'acquéreur, se réserver sur l'immeuble par lui vendu et non payé une hypothèque ou un droit de créance foncière.

L'inscription de l'hypothèque doit contenir la désignation spéciale de l'immeuble et la fixation du chiffre de la créance.

Lorsque l'inscription a été prise, il est remis au créancier un extrait de l'inscription désigné sous le nom de lettre de gage, Pfandbrief: cette lettre est transmissible par endossement soit à titre de propriété, soit à titre de gage mobilier, et cette transmission s'effectue juridiquement par le seul fait de l'endossement, sans qu'il y ait besoin ni d'une inscription sur le registre foncier, ni du consentement du débiteur, auquel il importe peu de payer à l'un ou à l'autre.

Dans le système de la loi prussienne, la force obligatoire de l'hypothèque résulte non pas du contrat, mais de l'inscription au livre foncier : la conséquence qui en découle est que l'hypothèque continue de subsister, malgré l'extinction de la dette, tant que cette extinction n'a pas été constatée sur le livre foncier et sur le Pfandbrief, et le débiteur dont la dette est éteinte sera néanmoins tenu de la payer une

seconde fois aux mains du tiers porteur de bonne foi du Pfandbrief.

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82 1. Le propriétaire d'un immeuble peut lui-même, par un système analogue à celui de la loi française du 9 Messidor an III, se faire donner sur son propre immeuble un titre hypothécaire, titre qu'il transmettra quand il voudra à des tiers. Pour y arriver, il fait inscrire sur son immeuble une créance, et il lui est délivré un bon foncier, Grundschuldbrief, qui contient la désignation de l'immeuble, le prix auquel cet immeuble a été vendu depuis dix ans, et l'indication de la somme pour laquelle il est émis.

Ce titre est transmissible par endossement en blanc, et il est muni de coupons d'intérêts payables au porteur; et à l'échéance de la dette, le porteur non payé peut poursuivre l'expropriation de l'immeuble.

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83.-B. Autriche. Le régime hypothécaire de l'Autriche est organisé par la loi du 23 juin 1871.1

Comme en Prusse, il y a en Autriche un livre foncier, Grundbuch, sur lequel figurent tous les immeubles qui sont dans le commerce, et qui y sont immatriculés dans l'ordre du cadastre. Chaque domaine a un chapitre ou feuillet spécial divisé en trois sections, consacrées, la première, à la désignation du domaine, la seconde, à l'indication des propriétaires successifs, la troisième, à l'énumération des hypothèques et autres charges qui grèvent la propriété, et des restrictions au droit de disposer du propriétaire.

Il n'y a pas, comme en Prusse, tantôt des feuillets réels, tantôt des feuillets personnels, au cas de morcellement exceptionnel des propriétés dans une circonscription : les immeubles sont toujours inscrits par feuillets réels, mais, lorsqu'un propriétaire possède plusieurs immeubles dans la même circonscription, ils sont réunis sur le même feuillet.

1 Voir, sur cette organisation, Ortlieb, Etude sur les livres fonciers en Autriche, dans le Bulletin de la Société de législation comparée, 1876, p. 343 et suiv.; Besson, Les livres fonciers et la réforme hypothécaire, p. 293 et suiv.

Il y a autant de livres fonciers que de circonscriptions cadastrales, et les bureaux fonciers chargés de leur tenue sont annexés aux tribunaux de canton et aux cours de justice de première instance.

84.- Si la base de l'organisation foncière est la même en Autriche et en Prusse, il y a néanmoins entre les législations de ces deux pays des différences qu'il importe de signaler.

En premier lieu, dans le système prussien, c'est à un fonctionnaire ayant rang de juge qu'est donnée la mission de recevoir les demandes d'inscription et de les autoriser ou de les refuser, sauf appel de sa décision; en Autriche, c'est au tribunal lui-même qu'il appartient de statuer sur les demandes d'inscription.

En second lieu, tandis que, dans la loi prussienne, l'inscription produit des effets absolus au profit des tiers de bonne foi, qui n'ont rien à craindre des actions en nullité ou en revendication dirigées contre leur débiteur ou leur vendeur, la loi autrichienne de 1871 n'attribue ces effets à l'inscription qu'après l'expiration des délais impartis pour l'exercice des actions tendant à révoquer ou à annuler le titre du propriétaire inscrit, délais qui varient suivant les circonstances.

Enfin, tandis que la loi prussienne déclare les droits réels inscrits sur le registre foncier à l'abri de la prescription acquisitive, la loi autrichienne admet l'acquisition par prescription de la propriété et des autres droits réels, même au préjudice du propriétaire inscrit au livre foncier

85.-C. Suède. - Le régime foncier de Suède a toujours exigé, comme base des transmissions de propriété et de la création de droits réels, l'investiture légale ou par acte public. Aujourd'hui encore, l'investiture est un acte solennel, qui s'accomplit devant le thing, ou assemblée de la centaine toute transmission de la propriété, toute constitution de droit réel immobilier doit avoir lieu en présence de cette assemblée, composée de douze hommes libres et présidée par le centenier, laghman, qui prononce l'investiture. Les lois du 16 juin 1875 ont codifié les dispositions

du droit suédois sur cette matière, et réglé les formes de la publicité d'une manière plus sûre que ne le faisait le droit ancien, mais l'économie générale de ce droit a été conservée. Ces lois ont été complétées en 1881 et en 1883.'

La loi suédoise se rattache à la loi prussienne par le caractère essentiel du régime foncier et hypothécaire de ce pays, l'organisation des livres fonciers.

En Suède, ces livres sont au nombre de deux, consacrés l'un aux investitures, l'autre aux inscriptions. Ils sont tenus par feuillet réel : chaque domaine a son feuillet particulier, correspondant à chaque division du cadastre.

L'investiture, comme l'inscription hypothécaire, est demandée au tribunal, qui l'accorde ou la refuse, suivant la régularité ou l'irrégularité du titre et la capacité ou l'incapacité des parties. Si l'investiture est donnée, le tribunal fait inscrire sa décision et il est délivré au requérant des lettres d'investiture. S'il s'agit d'une hypothèque, lorsque le tribunal l'a autorisée et qu'elle est inscrite au registre, il est donné acte au créancier de son hypothèque au pied du titre. Il est procédé de même pour les droits réels autres que l'hypothèque, l'usufruit, l'usage, etc... Si le titre hypothécaire est à ordre ou au porteur, l'hypothèque se transmettra dans la même forme que l'obligation.

Observons toutefois que l'hypothèque est indépendante de la créance qu'elle garantit, et qu'elle peut être rattachée à une autre créance.

Le plus souvent, paraît-il, l'inscription d'hypothèque est demandée, non pas par le créancier, mais par le propriétaire lui-même, sur ses propres biens: il lui est délivré un billet en blanc, analogue au Grundschuldbrief de Prusse, et

'Voir, sur ces lois, leur traduction et les notices ou introductions qui les accompagnent dans Dareste, Annuaire de législation étrangère, 1876, p. 804 et suiv.; Besson, Les Liores fonciers et la réforme hypothécaire, p. 319-322; Dansaërt et Brunard, Rapport sur l'immatriculation des immeubles, p. 33; de la Grasserie, Les Codes suédois, p. XLVII à LI de l'Introduction, et p. 6869, et 219 à 248.

il le cédera quand il voudra à un créancier qui sera désormais investi de tous les droits d'un créancier hypothécaire.

En Suède comme en Prusse, toutes les hypothèques sont spéciales et publiques, et la loi ne reconnaît ni l'hypothèque tacite, ni l'hypothèque générale ; mais, en Suède, l'inscription hypothécaire doit être renouvelée tous les dix ans. 86. — Mais, si la loi suédoise se rapproche du système prussien pour l'organisation et la tenue des livres fonciers, elle en diffère sur un point essentiel, par lequel elle se rapproche du système français: l'investiture et l'inscription hypothécaire ne sont point nécessaires pour les parties, entre lesquelles la transmission de propriété et la constitution d'hypothèque se font par le seul effet de la convention, et, une fois l'investiture faite ou l'hypothèque inscrite, les tiers peuvent faire tomber par une action en nullité ou en revendication le droit régulièrement publié. L'article 15 de la loi sur l'investiture du 16 juin 1875 est en effet ainsi conçu : << Malgré l'investiture, le procès en revendication peut << être jugé. »>1

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Il suit de là que l'investiture et l'inscription n'ont pas d'autre effet que n'en ont en France la transcription ou l'inscription hypothécaire: elles ne sont qu'un moyen de publicité, destiné à faire connaître et à rendre opposables aux tiers les transmissions de propriété ou les constitutions de droits réels, mais dans la mesure où ces droits ont pu être valablement consentis par le cédant ou par le constituant. 87.-D. Espagne. - En Espagne, le régime actuel de la transmission de la propriété foncière et de la constitution des droits réels est établi par les lois des 8 février 1861, 21 décembre 1869 et 7 juillet 1877, auxquelles le Code civil de 1889 ne fait que se référer, dans son article 608.'

1 Traduction de la Grasserie, p. 224.

Voir, sur le régime des lois espagnoles en cette matière : Lehr, Droit civil Espagnol, I, n° 413 et suiv., et II, n° 408-409; Besson, Les Livres fonciers et la réforme hypothécaire, p. 322332, et 375-376; Dansaërt et Brunard, Rapport sur l'immatriculation des immeubles, p. 41-42.

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