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relatifs l'un à la parcelle détachée, l'autre au surplus de l'immeuble qui reste aux mains de l'ancien propriétaire ; le conservateur annule l'ancien titre et établit deux titres nouveaux, indiquant chacun les charges qui les grèvent. En cas de réunion de plusieurs parcelles dans la même main, il est procédé d'une manière inverse, et il est établi un titre unique pour les parcelles réunies.

L'inscription produit ses effets tant qu'elle n'est pas rayée matériellement, ou que le droit n'est pas prescrit ; il n'y a pas lieu, par suite, au renouvellement décennal de l'inscription des hypothèques.

CHAPITRE III

DE LA RÉFORME DU RÉGIME HYPOTHÉCAIRE EN FRANCE.

« Fas est et ab hoste doceri. » (OVIDE, Métamorphoses, liv. IV, v. 428.)

108. Que notre régime hypothécaire français doive être réformé, c'est ce qui ne paraît pas sérieusement contestable, et ce que l'étude des précédents historiques et des législations étrangères démontre jusqu'à l'évidence.

Le régime hypothécaire établi en France par le Code de 1804 est une œuvre très imparfaite, bien inférieure à la loi du 11 Brumaire de l'an VII, et ne satisfaisant point aux conditions de publicité et de spécialité qui sont la base d'un bon régime hypothécaire. Il suffit d'ailleurs pour juger ce régime de rappeler les critiques dont il été l'objet dans la première moitié de notre siècle, et que la remarquable enquête de 1841 sur la réforme hypothécaire a si bien mises en lumière.

Quant à la réforme tentée par la loi du 23 mars 1835, elle est tout à fait incomplète: il serait injuste de méconnaître qu'elle a amélioré le régime du Code en revenant aux principes de la loi du 11 Brumaire an VII sur la publicité des transmissions de propriété immobilière à titre onéreux, mais il est impossible de voir dans cette loi, qui a volontairement respecté l'ensemble du régime hypothécaire défectueux du Code, qui n'a pas voulu «< y porter une main sacri« lège », la réforme si désirée et à propos de laquelle l'enquête de 1841 fournissait des bases sérieuses.

D'ailleurs il suffit de comparer notre régime hypothécaire français avec celui des autres nations pour être convaincul de la nécessité de cette réforme: parmi elles, les unes ont, comme la Belgique, conservé les bases du régime hypothécaire de la loi du 11 Brumaire an VII; les autres, comme les peuples germaniques, sont revenus, par la création du livre foncier, à la tradition des coutumes de saisine et dessaisine; d'autres enfin, comme l'Australie, ont inauguré un système plus hardi, et qui paraît bien s'adapter au caractère entreprenant et à l'expansion de ces races dont la devise, à elles aussi, pourrait être « Go ahead ». Mais toutes, quelle que soit la forme de leur gouvernement ou leur degré de civilisation, marchent avant nous dans la voie du progrès en matière hypothécaire; et les peuples qui, comme la Russie ou l'Angleterre, ont conservé leur ancienne législation, sont à la veille d'y apporter d'importantes réformes.

Ces réformes s'imposent d'autant plus impérieusement en France que notre pays traverse une crise économique plus redoutable, dont nous avons déjà parlé. Tout le monde reconnaît qu'il faut venir en aide à la terre, dont la valeur vénale et locative est si amoindrie, et l'un des moyens de lui venir en aide est la création d'un bon régime foncier, permettant la circulation facile de la propriété immobilière, et surtout donnant la sécurité aux prêteurs dont la terre va former le gage.

<< Tout homme, disait sir Richard Torrens, peut vendre << un cheval sans l'intermédiaire d'un homme d'affaires et « même un navire valant 10 et même 30,000 livres sterling; << mais, dès qu'il a affaire à la terre, il ne peut se passer de « l'assistance d'un homme d'affaires, et souvent même la << propriété qu'il a payée est tellement incertaine ou grevée << de charges qu'il ne peut pas savoir au juste s'il a acheté << un acre de terre ou un procès. »

Ces critiques humoristiques peuvent s'appliquer à notre régime hypothécaire, dont la complication et l'incertitude sont l'effroi de tous les gens d'affaires.

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109. Notre régime hypothécaire doit donc être réGUIL. Privilèges, 1.

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formé: mais d'après quelles bases, et, en second lieu, comment doit-il être procédé à cette réforme ?

Pour nous en effet, la question de la réforme du régime hypothécaire en France n'est pas une question unique, à laquelle on puisse répondre en recherchant seulement quel est le meilleur régime hypothécaire applicable en France et quelles doivent être les bases de son organisation. Il faut sans doute faire cela, il faut même le faire d'abord, pour indiquer la voie dans laquelle on doit marcher; mais, après l'avoir fait, il faut se demander si ces réformes sont immédiatement applicables en France, ou au contraire s'il ne convient pas, avant de les appliquer, d'établir un régime transitoire, d'améliorer, sans en changer les bases, notre régime hypothécaire tel qu'il existe, en vue du changement proposé; puis, quand ce régime transitoire aura fait son œuvre, que les esprits seront préparés à un changement complet dans la législation et que les conditions dans lesquelles ce changement peut être fait seront réalisées, les législateurs d'alors promulgueront une loi hypothécaire définitive.

Des considérations de diverse nature nous conduisent à ce système. Nos préférences, nous l'indiquons immédiatement et nous allons bientôt en donner les raisons, sont pour l'établissement d'un livre foncier unique, obligatoire sur lequel devra être porté, en de brèves mentions analytiques, tout ce qui regarde la propriété foncière et les charges qui la grèvent. Mais ce livre foncier, remplaçant nos livres de transcription et d'inscription hypothécaire, inévitablement précédé, c'est notre pensée du moins, de la suppression des hypothèques générales et occultes et des privilèges sur les immeubles, ne doit pas être substitué tout d'un coup au régime actuel, auquel les Français sont habitués par des traditions séculaires: quel que fût le mérite de ce régime nouveau, il serait à craindre qu'au lieu de raffermir le crédit foncier il eût d'abord pour résultat de l'ébranler en jetant le désarroi dans les esprits, surtout à un moment de crise aiguë dans la propriété immobilière.

D'ailleurs, fût-on d'un avis contraire au nôtre sur l'oppor

tunité de ce brusque changement, on devrait encore arriver à la même conclusion par d'autres considérations. L'établissement d'un livre foncier, en corrélation avec le cadastre, suppose la révision du cadastre en France, et, ni au point de vue du temps nécessaire à cette opération, ni au point de vue des dépenses qu'elle entraîne, elle ne peut s'achever rapidement.

Dans son remarquable Rapport sur les opérations cadastrales, présenté à la commission permanente du Congrès de la propriété foncière, M. Piat, chef du service topographique en Tunisie, nous fournit les indications suivantes, quant à la durée et à la dépense probable qu'entraînerait cette révision. Il se place dans deux hypothèses, celle où l'on procéderait à la révision totale du cadastre en France, en vue de l'application obligatoire du livre foncier, et celle où l'on procéderait à des immatriculations isolées, en vue de l'application facultative du livre foncier, comme en Australie et en Tunisie. Voici ses conclusions dans le premier cas, celui d'une révision générale du cadastre:

... « Une dépense totale et maxima de 11 francs par hec<< tare permettrait la réfection intégrale des opérations ca<< dastrales nécessaires à l'établissement du livre foncier << avec rétablissement simultané du cadastre fiscal... Ce << chiffre correspond à une dépense totale de 550.000.000 sur << l'ensemble du territoire français. Bien qu'elle doive se ré<< partir sur une période de quinze années, il semble im« possible d'engager une dépense aussi considérable sans << compromettre l'équilibre du budget et sans imposer aux << contribuables une charge inacceptable... Mais on peut << créer une caisse spéciale, absolument indépendante du << budget de l'Etat, et qui supporterait intégralement les dé<penses de réfection du cadastre et d'établissement du livre << foncier. Cette caisse serait alimentée directement par une « contribution des propriétaires fonciers, établie et répartie << d'une manière indépendante de l'impôt foncier actuel. »1 Rapport sur les opérations cadastrales, p. 18.

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