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Les articles 3 et 5 du projet de loi adopté par le souscomité sont ainsi conçus :

Article 3.« Tout créancier hypothécaire ou privilégié << peut, avec le consentement du débiteur, soit au moment << de l'inscription de sa créance, soit ultérieurement, requé<<rir du conservateur foncier la délivrance d'une ou plu<< sieurs obligations hypothécaires, à concurrence du prin<<<cipal de la dite créance. Mention en est faite sur le livre << foncier, et sur l'obligation notariée qui reste immobilisée << aux mains du conservateur. »

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Article 5. << Elles sont négociables soit au porteur, soit << par endossement, sans qu'il soit nécessaire de mentionner << la cession au livre foncier. >>1

Le rapporteur, qui, par une coïncidence singulière, a été aussi M. Challamel, le rapporteur de la commission permanente du Congrès de la propriété foncière, choix qui s'explique par sa grande compétence en cette matière, a montré comment la commission était arrivée à rejeter l'obligation hypothécaire sur le débiteur lui-même, parce qu'elle ne voulait ni admettre l'expertise des biens de celui-ci, ni l'autoriser à créer des obligations hypothécaires à sa fantaisie :

<< L'expertise, en effet, est un procédé coûteux, compli« qué, et, malgré toutes les précautions qui pourront être prises, d'une efficacité problématique. Il est dangereux de << vouloir déterminer officiellement la valeur des choses; << survienne une dépréciation quelconque, le créancier non << remboursé n'aurait-il pas lieu de s'en prendre au conser<< vateur, aux experts, à l'Etat, ou plutôt à l'insuffisance et << à la présomption du législateur?

<< A l'inverse, il est difficile de laisser au propriétaire une << liberté absolue et sans contrôle. Quelle serait, en fait, la << limite de ce pouvoir d'émission qui lui serait reconnu par << la loi? Et, par suite, quelle serait la valeur des bons émis ? << Ne verrait-on pas des terrains de nulle valeur cotés à des << prix extravagants? Et ces titres, lancés à profusion sur le 1 Fascicule V, p. 531.

<< marché, ne jetteraient-ils pas le discrédit sur les titres << les plus sérieux et les plus sûrs?

<< Votre comité de rédaction et d'études a donc pensé qu'il << fallait renoncer à l'idée de la création unilatérale des bons hypothécaires, pour s'en tenir au principe ancien d'après << lequel l'hypothèque ne peut être que l'accessoire d'une << créance; des bons hypothécaires pourraient être délivrés, << mais seulement en représentation d'une obligation pré« existante. »"

125 m. Nous sommes, pour notre part, hostile à la création des bons hypothécaires sur soi-même, création inutile, comme l'a très bien constaté M. Bufnoir, et dangereuse, car elle conduit à la mobilisation du sol qui naissait du décret de Messidor.

Pour prouver son inutilité, il suffit de rappeler l'observation de M. Bufnoir; en vain le propriétaire du sol aura à l'avance empli son portefeuille de bons hypothécaires sur lui-même: le jour où il voudra les échanger contre de l'argent, il faudra bien que le créancier prenne le temps d'examiner la valeur du gage offert, et alors à quoi aura servi cette création à l'avance de bons provisoirement inutilisables?

Quant à ses dangers, ils sont multiples. Si, comme le proposait la commission du Congrès permanent de la propriété foncière, la loi laisse le propriétaire libre d'émettre autant de bons qu'il voudra et d'évaluer sa terre à sa fantaisie, elle déprécie d'une façon complète le marché des titres hypothécaires, qui ne présenteront aucune sécurité pour leur possesseur. D'un autre côté, si la loi exige une expertise préalable, par qui sera-t-elle faite, et comment constituer une caisse assez riche pour répondre de toutes les erreurs dans l'estimation, ou de toutes les déceptions dans la réalisation des immeubles même sagement estimés.

Puis, et par dessus tout, on arriverait dans ce système à une mobilisation extrêmement dangereuse du sol qui deviendrait une monnaie comme jadis les assignats.

1 Fascicule V, p. 521.

SECTION II

Des lois transitoires destinées à faciliter la réforme définitive du régime hypothécaire.

126. -- En attendant que le projet définitif de réforme hypothécaire dont nous venons d'esquisser les grandes lignes puisse être réalisé, ce qui, avons-nous dit, suppose tout d'abord la révision du cadastre, puis l'établissement du livre foncier, voici, à notre avis, comment les esprits devraient y être préparés par une loi transitoire, destinée à faire entrer dans nos mœurs les principes de publicité et de spécialité formant la base du régime définitifà intervenir. C'est, ainsi que nous l'avons vu,' ce qui a été fait en 1889 pour l'Alsace-Lorraine, et nous rappelons à ce propos l'idée exprimée par le rapporteur de la commission de la Délégation d'Alsace-Lorraine, idée qui, dans notre pensée, doit être celle de nos législateurs lorsqu'ils voudront réformer notre système foncier: « La loi projetée a pour but, dit-il, << d'éclairer, dans la mesure du possible, la situation ac<«<tuelle de la propriété foncière, et de faciliter plus tard << l'introduction des livres fonciers. >>

127. La première disposition législative devra concerner la révision du cadastre, limitée à un aussi petit nombre d'années que le permettront notre état financier et les difficultés matérielles de cette révision. D'après l'in1 Suprà, n° 71.

téressante Notice de M. Piat, que nous avons déjà citée,' il résulterait d'une enquête faite en 1889 par l'administration des contributions directes qu'il y aurait les 2/5 du territoire, ou 13,000 communes et 20,000,000 d'hectares à réarpenter intégralement; 22,000 communes d'une superficie de 29,000,000 d'hectares à réarpenter en partie; et enfin 11,000 communes à cadastre récent, dans lesquelles les plans cadastraux actuels seraient suffisants, sauf à refaire sur le terrain la délimitation et le bornage contradictoire.

Ce n'est qu'après la confection de ce travail que le livre foncier pourra être établi, et le régime hypothécaire définitif mis en vigueur.

I.

127 1.- Si l'on admet, comme disposition nécessaire de la législation définitive, la nécessité d'un titre authentique pour obtenir l'inscription au livre foncier, ainsi que nous l'avons proposé, la loi transitoire devra tout d'abord imposer la forme authentique pour tous les actes de transmission de propriété immobilière entre vifs à titre onéreux, et pour les partages, qui, dans l'organisation d'un bon livre foncier, doivent y figurer comme toute autre mutation de propriété.

Pour la donation entre vifs et pour la constitution d'hypothèque conventionnelle, il n'y aura rien à modifier à notre législation, qui exige l'authenticité pour ces deux classes d'actes; mais il devra être imposé aux notaires, toutes les fois qu'ils recevront un acte qui doit par sa nature être soumis à la transcription ou donner lieu à inscription, de requérir la transcription ou l'inscription, et ce à peine d'amende et de tous dommages et intérêts envers les parties.

Cette obligation de l'authenticité des actes devra être accompagnée d'une diminution des tarifs des honoraires à percevoir par les notaires : ceux-ci ne pourront s'en plaindre, puisqu'ils retrouveront dans le nombre plus grand des actes qu'ils recevront l'équivalent de l'abaissement de tarifs qui leur sera imposé. Il serait même très désirable qu'à ce

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Rapport sur les opérations cadastrales, p. 42-43.

* Suprà, n° 119.

moment les droits du fisc pussent être aussi abaissés, comme ils l'ont été en 1889 en Alsace-Lorraine, mais l'avenir seul dira si ce vœu est réalisable.

128. - Au point de vue hypothécaire proprement dit, la loi transitoire dont nous nous occupons devra préparer, dans la plus large mesure possible, l'avènement des deux principes connexes de la publicité et de la spécialité des hypothèques, principes appliqués d'une façon si incomplète et si défectueuse par notre Code civil.

Relativement à la publicité, elle devra décider que toutes les hypothèques, même les hypothèques légales créées au profit des incapables, ne seront opposables aux tiers qu'à la condition d'être inscrites et à dater de leur inscription.

Pour la femme mariée, l'inscription de l'hypothèque sera assurée par les dispositions suivantes. Non seulement, comme sous notre législation actuelle, l'inscription devra être prise par le mari et pourra l'être à la requête du procureur de la République, des parents de la femme et de la femme elle-même, mais l'obligation de requérir cette inscription sera imposée aux notaires à peine de dommages et intérêts, d'amende, et de plus grandes peines disciplinaires, au cas de connivence avec le mari, dans les hypothèses suivantes: d'abord, toutes les fois qu'ils recevront un contrat de mariage; puis, au cours du mariage, toutes les fois qu'ils recevront un acte, vente ou obligation, duquel résultera pour la femme une cause de créance contre le mari.

Si les époux se marient sans contrat, l'inscription sera prise de la manière suivante : les secrétaires des mairies devront envoyer aux greffes des tribunaux de première instance la copie de la déclaration faite par les époux, en vertu de la loi du 10 juillet 1850, qu'ils se sont mariés sans contrat, et l'inscription sera requise à la diligence du procureur de la République.

Pour les mineurs et les interdits, indépendamment de l'obligation imposée au tuteur et au subrogé tuteur de prendre inscription, et du droit donné aux parents et amis de

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