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l'incapable et à l'incapable lui-même de la requérir, il sera enjoint aux greffiers des justices de paix de transmettre aux greffes des tribunaux de première instance la copie de toute délibération organisant les tutelles et nommant les tuteurs, ou, dans le cas de tutelle légale, les subrogés tuteurs; et l'inscription sera prise à la requête du procureur de la République, comme pour les femmes mariées sans contrat de mariage.

129.- La spécialité de l'hypothèque légale des femmes mariées et des minenrs ou interdits, conséquence nécessaire du principe de la publicité de ces hypothèques, sera obtenue à l'aide des mesures suivantes :

Pour la femme mariée, toutes les fois qu'il sera fait un contrat de mariage, ce contrat devra indiquer quels sont les immeubles du futur époux qui seront grevés de l'hypothèque de la femme et pour quelle somme ces immeubles seront grevés; et, s'il n'a pas été fait de contrat de mariage, le chiffre de la somme à inscrire sera fixé et l'indication des immeubles sur lesquels portera l'inscription sera faite par ordonnance du président du tribunal civil, rendue à la requête du procureur de la République chargé de prendre l'inscription.

Au cours du mariage, la femme pourra prendre inscription sur d'autres immeubles, ou, sur les mêmes immeubles, pour des sommes plus fortes, en vertu d'une autorisation du président du tribunal de son domicile, pour les causes nouvelles de créance qui naîtraient au cours du mariage, obligations par elle souscrites, remploi de ses propres aliénés, successions ou donations par elle recueillies. A l'inverse, le mari pourra demander, pendant le mariage, la réduction des inscriptions prises au nom de la femme, soit en vertu du contrat de mariage, soit au cours du mariage: cette réduction ne pourra être prise qu'en vertu d'une décision du tribunal, rendue, comme le prescrit la loi belge, après avoir pris l'avis des plus proches parents de la femme.

130. — La spécialisation de l'hypothèque légale du mineur et des interdits résultera des délibérations du conseil

de famille, et, en cas de désaccord entre le tuteur et le conseil de famille, de la décision du tribunal.

La délibération du conseil de famille qui nommera le tuteur, ou, en cas de tutelle légale, le subrogé tuteur, fixera la somme pour laquelle l'inscription devra être prise, et elle indiquera les immeubles du tuteur qui devront être l'objet de l'inscription, et ce après avoir entendu ou appelé le tuteur. En cas de désaccord, le tuteur, s'il trouve que l'inscription est excessive, le subrogé tuteur ou les membres de la minorité du conseil, s'ils trouvent que l'inscription n'est pas assez étendue, pourront se pourvoir devant le tribunal.

Puis, au cours de la tutelle, le conseil de famille pourra exiger une extension de l'hypothèque soit quant aux immeubles grevés, s'ils deviennent d'une valeur insuffisante, soit quant à la somme garantie, si la responsabilité du tuteur s'accroît par la réception de nouveaux capitaux pour le compte de l'incapable. De son côté, le tuteur pourra demander la réduction de l'inscription primitive, au cas où la garantie dépasserait évidemment le montant de la responsabilité qu'il peut encourir.

131.- Pour l'hypothèque judiciaire, la règle de la spécialité devra être appliquée, et le créancier qui a obtenu un jugement de condamnation sera tenu de désigner nominativement dans son bordereau les immeubles sur lesquels portera l'inscription par lui prise.

En ce qui concerne l'action résolutoire, le législateur devra s'inspirer des dispositions très prévoyantes de la loi du 24 juillet 1889 pour l'Alsace-Lorraine. Cette loi maintient, comme notre loi de 1855, la solidarité de l'action résolutoire avec le privilège du vendeur, mais elle décide que ce privilège dégénérera en hypothèque, s'il n'est pas inscrit dans les quarante-cinq jours de la vente :

<< En assignant ce délai de rigueur à l'inscription conser<< vatoire du privilège et de l'action en résolution, dit avec << raison M. Besson, la loi du 24 juillet 1889 n'a pas peu at<< ténué les conséquences dangereuses qu'entraîne, pour le

crédit, la rétroactivité du droit de résolution. Tandis que << dans le système français, l'action résolutoire se conserve,

indépendamment de toute publicité, jusqu'à la transcrip<tion de la revente, menaçant ainsi, à l'état occulte, les << hypothèques acquises aux tiers dans l'intervalle souvent << très long qui sépare les deux aliénations, la loi du 24 juil«<let 1889 veut, dans sa prévoyance, que les tiers soient << avertis de l'existence du droit de résolution, sinon au mo<<ment où ce droit prend naissance, du moins dans un dé<< lai relativement court. »1

Un autre emprunt pourrait être utilement fait à la loi du 24 juillet 1889. Son article 8 est ainsi conçu :

<< L'action résolutoire fondée sur la non-exécution d'obli<<gations contractuelles autres que celles garanties par le

privilège du vendeur ne peut être exercée contre les tiers << que dans le cas où il a été expressément stipulé dans cet << acte que cette non-exécution entraînerait la résolution du << contrat et que si l'acte a été transcrit. »?

Cette disposition a le grand avantage, sans supprimer les actions résolutoires pour cause autre que le non paiement du prix, de faire disparaître les inconvénients qui en résultent pour les tiers en les prévenant, d'une facon précise, de l'existence de ces actions.

131. — Au moyen de ces dispositions transitoires, les esprits s'habitueront à la grande règle de la publicité en matière hypothécaire, règle bien incomplète et bien imparfaite dans l'état actuel de notre législation; et, après un certain nombre d'années écoulées, lorsque le livre foncier aura été préparé, on pourra appliquer dans toute la France et d'une manière obligatoire le principe de l'immatriculation de la propriété et des droits réels immobiliers, sans amener les graves inconvénients qui naîtraient nécessairement d'une transition brusque entre deux régimes aussi différents.

Les livres fonciers et la réforme hypothécaire, p. 227.
Cité par Besson, Op. citat., p. 228.

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES PRIVILÈGES ET HYPOTHÈQUES.

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132. Le chapitre premier du Titre Des Privilèges et Hypothèques a pour rubrique « Dispositions générales », et les trois articles qui le composent, les articles 2092, 2093 et 2094, sont consacrés à des notions générales relatives au droit de tous les créanciers sur les biens de leur débiteur, et aux droits particuliers créés par la loi au profit des créanciers privilégiés et hypothécaires.

Nous allons suivre le même plan que les rédacteurs du Code, et dans ce chapitre préliminaire nous allons, en élargissant le cadre un peu restreint des articles 2092 à 2094, indiquer d'abord les règles qui gouvernent les rapports des créanciers en général avec leurs débiteurs, puis montrer comment les deux causes de préférence introduites par la loi, les privilèges et hypothèques, dérogent à ces règles. Nous diviserons donc comme il suit ce chapitre :

I. - Droits des créanciers en général sur les biens de leur débiteur.

II. Droits des créanciers qui ont une cause légitime de préférence.

SECTION I

Droits des créanciers en général sur les biens de leur débiteur.

133. « Quiconque s'est obligé personnellement, dit << l'article 2092, est tenu de remplir son engagement sur << tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à « venir. »

Ce droit donné aux créanciers sur tous les biens qui appartiennent à leur débiteur est, comme nous l'avons dit, la forme définitive qui, dans les nations civilisées, assure l'accomplissement des obligations prises par le débiteur. L'intérêt social exige que la loi vienne en aide au créancier, et, pour favoriser le crédit sans lequel les sociétés ne peuvent prospérer, lui fournisse les moyens d'obtenir ce qui lui est dû, et de vaincre l'inertie et parfois la mauvaise foi du débiteur c'est ce qu'elle fait en lui donnant pour garantie, à l'origine, la personne même du débiteur, et plus tard, ses biens. C'est ce que font toutes les législations, c'est ce que fait notre article 2092.

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134. « Quiconque s'est obligé, dit l'article 2092, est << tenu de remplir son engagement » : ces expressions, s'est obligé, de notre article, manquent d'exactitude, et n'indiquent pas toute l'étendue de la règle que pose le législateur. A prendre en effet le texte à la lettre, il en résulterait que celui-là seulement qui s'est obligé, c'est-à-dire qui a contracté volontairement une obligation vis-à-vis d'un tiers, est obligé

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