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ble, serait fait à la demande du créancier de l'un des héritiers, dans le but de se faire payer ensuite sur la part attribuée à son débiteur. Dans cette hypothèse, le partage a été utile à ce créancier, qui aurait dû le faire faire en justice, s'il n'avait pas été fait à l'amiable, pour pouvoir exercer ses droits sur la part de son débiteur; et, comme l'expression << frais de justice » ne doit pas s'entendre seulement des frais faits dans une instance judiciaire, et que l'on s'accorde à y comprendre, par exemple, les frais de scellés et d'inventaire, on devra par la même raison y comprendre les frais de partage amiable, vis-à-vis du créancier ou des créanciers auxquels ils ont profité.

191.- Si le partage a été fait en justice, nous croyons que les frais qu'il a entraînés ne sont point privilégiés à l'encontre des créanciers qui n'ont pas provoqué l'instance et qui n'y sont pas intervenus pendant son cours.

La thèse contraire a été affirmée, d'une façon absolue, par un certain nombre de décisions judiciaires :

<«< Attendu, dit un jugement du tribunal de Die, que si l'ar«<ticle 2101, déclarant les frais de justice privilégiés, n'en << a pas défini plus étroitement le caractère, le législateur << a voulu en laisser l'appréciation aux tribunaux; qu'il faut << considérer comme jouissant de cette faveur ceux qui ont << pour effet d'assurer le gage des créanciers sur la tête de << leurs débiteurs, et qu'à ce titre les frais de partage doi<< vent passer en première ligne. >>1

Nous croyons qu'il faut écarter cette opinion par les motifs suivants.

Considéré en lui-même, le partage que les cohéritiers font entre eux n'a d'autre but et ne peut avoir pour résultat que de les faire sortir d'indivision, par conséquent de leur rendre service à eux, mais non aux créanciers. Il im

'Tribunal de Die, 29 mars 1865, Dalloz, SUPPLÉM., V° Privilèges et Hypothèques, n° 38. Sic Tribunal de Clamecy, 12 juin 1846, Dalloz, 47, III, 96; Tribunal de Condom, 24 novembre 1864, Dalloz, 67, V, 333. - Compar. Laurent, XXIX, no 340.

porte peu que le partage facilite les poursuites de ceux-ci, en précisant l'étendue de leur gage: si cela suffisait pour que la créance rentrât parmi les frais de justice, on devrait aussi y comprendre les frais des acquisitions faites par le débiteur, qui permettent aux créanciers de faire saisir et vendre les biens achetés. Il faut donc s'en tenir à cette idée que le partage, même judiciaire, fait arrière des créanciers, ne modifiant en rien leur situation, les frais de ce partage ne peuvent être privilégiés vis-à-vis d'eux.1

192. — Lors même que l'on admettrait, contrairement à notre opinion, que les frais de partage judiciaire sont privilégiés à l'égard des créanciers des héritiers, ou même des créanciers de la succession, cette solution ne devrait pas être admise lorsqu'il s'agit de créanciers du défunt ayant privilège sur tout ou partie des meubles de la succession, car ceuxlà n'ont en rien besoin du partage pour exercer leurs droits; et ce que nous disons ici à propos du conflit des créanciers privilégiés entre eux, il faudra le dire plus tard, par les mêmes raisons, dans le conflit du privilège des frais de justice avec les hypothèques.'

193. — Les solutions que nous venons de donner à propos des frais du partage proprement dit doivent être étendues, per analogie de motifs, aux frais des contestations qui naissent, au cours du partage, entre les cohéritiers ces contestations sont étrangères aux intérêts des créanciers, et les frais ne peuvent en être privilégiés contre eux.’

Il en serait de même des dépens des contestations soulevées par quelques-uns des créanciers des cohéritiers, qui

1 Motifs d'un jugement du Tribunal de Clamecy, 30 avril 1845, Dalloz, 47, III, 95; Bourges, 16 novembre 1853, Dalloz, 55, II, 118; Pau, 12 mai 1863, Sirey, 64, II, 197, et Dalloz, SUPPLÉM., V° Privilèges et Hypothèques, I, n° 38; Cassation, 19 mars 1895, Dalloz, 95, I, 427. Compar. Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Des Privilèges et Hypothèques, I, no 312.

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• Arrêt précité de Bourges, 16 novembre 1853.

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Martou, Des

Privilèges et Hypothèques, II, no 341; Laurent, XXIX, no 340.

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seraient intervenus sur l'action en partage; ceux-ci n'avaient pas mandat des autres créanciers pour plaider en leur nom, et les dépens des contestations qu'ils ont engagées ne peuvent être admis en privilège sur la part du débiteur, ce qui les ferait peser sur des créanciers étrangers à ces débats.1

194. — Les frais faits par un créancier qui a exercé l'action Paulienne sont-ils privilégiés par rapport aux autres créanciers? La solution de cette question dépend du parti que l'on prend sur les effets de l'action Paulienne: si l'on admet qu'elle profite non pas seulement au créancier qui l'a exercée, mais à tous les créanciers du débiteur qui a fait l'acte annulé comme frauduleux, les frais exposés l'ont été dans l'intérêt de tous, et le créancier qui a intenté l'action Paulienne doit avoir un privilège. Mais si l'on admet, comme nous l'avons fait,' que les effets de l'action Paulienne sont restreints au créancier qui l'exerce, et que l'acte frauduleux n'est annulé que dans la mesure de son intérêt et à son profit exclusif, l'action Paulienne est étrangère aux autres créanciers, et les frais ne peuvent en être privilégiés.

195. La seconde catégorie de frais de justice comprend, avons-nous dit, ceux qui, tout en étant utiles à certains créanciers, ont été inutiles aux autres : le créancier qui a fait l'avance de ces frais aura alors un privilège, conformément aux principes que nous exposons, à l'encontre des créanciers auxquels ces frais ont été utiles, mais il n'en aura pas vis-à-vis des autres.

Les exemples de frais de cette catégorie sont nombreux : nous citerons les suivants.

Les frais de justice qui ne concernent que certains meubles déterminés ne sont privilégiés que sur le prix de ces meubles, car ils sont inutiles aux créanciers qui prennent

'Orléans, 26 juillet 1849, Sirey, 50, II, 50, et Dalloz, 50, II, 29. 2 Sic Bordeaux, 28 mai 1832, Dalloz, V° Privilèges et Hypothèques, n° 144. Laurent, XXIX, no 325.

3 Suprà, n° 145.

ensuite part, ou qui ont pris part auparavant à la distribution du prix d'autres meubles appartenant au débiteur. Tels sont, par exemple, les frais faits pour parvenir à la saisie et à la vente de certains meubles.1

Il en est de même des frais d'administration d'une succession bénéficiaire ou d'une faillite, par rapport aux créanciers ayant un privilège à titre de nantissement sur certains meubles appartenant au débiteur. Ces créanciers n'ont nullement besoin de l'intervention de l'héritier bénéficiaire ou du syndic pour faire valoir leur gage et pour se faire payer par privilège sur le prix des objets sur lesquels ils ont un nantissement, et, par suite, les frais de cette administration qui leur est inutile, frais de scellés, frais d'inventaire, frais d'administration proprement dite, ne sont pas privilégiés par rapport à eux.

Mais ceux des frais faits par les administrateurs qui profiteraient aux créanciers nantis seraient privilégiés à l'égard de ceux-ci tels seraient, notamment, les frais d'assurance afférents aux meubles sur lesquels existe le nantissement.

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1 Troplong, Des Privilèges et Hypothèques, I, no 131; Valette, Des Privilèges et Hypothèques, n° 23; Aubry et Rau, III, § 260 1°, texte et note 6, p. 129; Pont, Des Privilèges et Hypothèques, I, n°68; Laurent, XXIX, no 328 ; Thézard, Du Nantissement, Des Privilèges et Hypothèques, no 373. Compar. Cassation, 28 juillet 1848, Dalloz, 49, I, 328; Cassation, 13 avril 1859, Sirey, 60, I, 170, et Dalloz, 59, I, 417.

Paris, 27 novembre 1814, Sirey, c. N., IV, II, 419; Lyon, 27 mars 1821, Sirey, c. N., VI, II, 392; Cassation, 20 août 1821, Sirey, c. N., VI, I, 490; Lyon, 14 décembre 1825, Sirey, c. N., VIII. II, 158; Lyon, 1" avril 1841, Sirey, 42, II, 345; Lyon, 17 mars 1846, Sirey, 46, II, 438; Paris, 11 juillet 1861, Dalloz, SUPPLÉM, V° Privilèges et Hypothèques, no 44. Grenier, Des Hypothèques, II, n° 300; Troplong, Des Privilèges et Hypothèques, I, no 130131; Valette, Des Privilèges et Hypothèques, n° 22; Aubry et Rau, III, § 260 1°, texte et note 7, p. 129; Pont, Des Privilèges et Hypothèques, I, n° 67; Martou, Des Privilèges et Hypothèques, II, n° 321-324; Laurent, XXIX, no 329.

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5 Valette, Des Privilèges et Hypothèques, n° 22; Pont, Des Privilèges et Hypothèques, I, n° 67; Laurent, XXIX, no 328.

La même solution de principe devra être donnée, quoique avec des conséquences un peu différentes, au cas de conflit du privilège du créancier pour frais de justice avec les créanciers hypothécaires. On devra décider que les frais d'administration de faillite proprement dite, frais de convocation des créanciers, droits de greffe, honoraires des syndics, etc..., ne sont pas privilégiés par rapport aux créanciers hypothé caires; mais les frais de scellés et d'inventaire, au cas de décès ou de faillite du débiteur, seront privilégiés même à leur égard, car l'apposition des scellés et l'inventaire assurent la conservation des titres de propriété, indispensables à l'exercice des droits des créanciers hypothécaires."

196. — La troisième catégorie de « frais de justice » se compose de ceux qui ont été faits par un créancier dans son intérêt exclusif, et qui ne peuvent être privilégiés, puisqu'ils n'ont été d'aucun secours aux autres créanciers: actions ayant pour but de faire reconnaître la dette par le débiteur, d'obtenir des sûretés, de pratiquer des poursuites individuelles inutiles aux autres créanciers, car les meubles du débiteur étaient déjà sous la main de justice, débat entre les créanciers qui discutent, dans une distribution par contribution, le chiffre ou le rang de leur créance, etc..., toutes ces procédures et autres analogues ne peuvent donner le privilège de l'article 2101, 1°. Elles donneront lieu

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'Riom, 24 août 1863, Sirey, 64, II, 65, et Dalloz, 63, II, 161. Compar. Cassation, 8 mars 1848, Dalloz, 48, V, 304. Contrà, Rouen, 6 novembre 1812, Sirey, G. N., IV, II, 193; Colmar, 4 juil. let 1831, Sirey, 33, II, 76.

Paris, 28 janvier 1812, Sirey, c. N., IV, II, 25; Cassation, 11 août 1824, Sirey, c. N., VII, I, 516; Rouen, 2 décembre 1841, Sirey, 42, II, 158; Riom, 24 août 1863, Sirey, 64, II, 65.- Duranton, XIX, no 44; Troplong, Des Privilèges et Hypothèques, 1, n° 131; Aubry et Rau, III, § 260, texte et note 8, p. 230.

Cassation, 25 juillet 1893, Dalloz, 93, I, 599. Valette, Des Privilèges et Hypothèques, n° 22; Aubry et Rau, III, § 260 1°, texte et note 5, p. 128; Pont, Des Privilèges et Hypothèques, 1, n° 67; Martou, Des Privilèges et Hypothèques, II, no 316; Col

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