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« etiam cæterorum sumptuum. Equum autem accipitur ex « dignitate ejus, qui funeratus est, ex causa, ex tempore, et « ex bona fide; ut neque plus imputetur sumptus nomine, « quam factum est; neque tantum quantum factum est, si << immodice factum est. Deberet enim haberi ratio faculta«tium ejus, in quem factum est; et ipsius rei, quæ ultra « modum sine causa consumitur. »1

« Quidquid, præter necessitatem et honestatem, honori, fastui et voluntati circa exsequias insumitur, prærogativá « non gaudet. »3

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« C'est dans les funérailles surtout, dit très bien M. Pont, << qu'on voit l'exagération se produire; la vanité y parle trop souvent plus haut que la douleur; l'éclat et l'osten<<tation y prennent souvent la place du recueillement, et << trop souvent on y donne outre mesure à la pompe exté<< rieure, sans trop se demander sur qui retomberont les << frais d'un luxe indécemment dispendieux. Evidemment << ce n'est pas en vue de ces prodigalités vaines et presque «<impies que le privilège est établi. »3

Nous devons d'autant plus insister sur cette idée, que les frais funéraires modérés sont seuls privilégiés, que ce luxe excessif des funérailles, si justement critiqué par M. Pont, ne fait qu'augmenter de nos jours. Déjà, en 1854, lors de la discussion de la loi belge sur les privilèges et hypothèques, un des membres de la Commission gouvernementale, M. de Brouckère, s'exprimait dans les termes suivants :

« Nous vivons dans un siècle de vanité et on renchérit << chaque jour sur les pompes extérieures. Des débiteurs qui, souvent, n'ont pas 5,000 francs vaillant, font des frais de << funérailles qui coûtent plus que leur avoir, et enlèvent << ainsi à la masse des créanciers la partie la plus liquide « d'une succession. >>

L. 14, § 6, D., De religios. et sumpt. funer. (XI, 7). Sic L. 12, § 5, Eod. Titul.

• Van den Hene, Cout. de Bruges, sur l'art. 141.

3 Des Privilèges et Hypothèques, 1, no 72.

Nous ne savons si en Belgique les mœurs se sont améliorées à ce point de vue depuis 1851, mais, en France, « on << renchérit chaque jour sur les pompes extérieures des funé«< railles », et le jurisconsulte ne saurait trop insister sur cette idée fondamentale, dont nous allons présenter le développement, que les frais funéraires ne sont privilégiés que s'ils sont modérés.

204. Au point de vue de la nature des dépenses qui doivent être privilégiées, divers systèmes ont été proposés.

Une première théorie, enseignée par M. Laurent,' et que paraissent adopter, au moins dans leurs motifs, deux jugements du tribunal de la Seine,' décide qu'il n'y a de privilégiés que les frais de transport et d'inhumation de corps, à l'exclusion des frais de service religieux :

<«< ... Le motif sur lequel de tout temps on l'a fondé (le << privilège), dit M. Laurent, implique qu'on doit le restrein<< dre aux dépenses de sépulture. Dans notre ancien droit, << on disait, comme les jurisconsultes romains, que le pri<< vilège avait sa raison d'être, dans les considérations d'or<«<dre public que nous venons d'exposer, ne hominum cor«pora maneant insepulta. »

Il faut, à notre avis, écarter cette théorie, et dire que les frais de culte sont privilégiés comme les frais d'inhumation, sauf la mesure qui, comme nous le dirons, doit être arbitrée par les tribunaux.

Cette solution est commandée par le motif essentiel du privilège des frais funéraires : en créant ce privilège, on n'a pas obéi à des préoccupations de salubrité, on n'a pas voulu débarrasser la cité de cadavres dont la présence constituerait un danger pour les vivants; la loi s'est inspirée, comme nous l'avons dit, d'un motif plus élevé, le respect dû aux morts, et, dans cet ordre d'idées, ce n'est pas seulement une place dans la terre qu'il faut leur assurer, ce sont aussi les prières suprêmes de la religion dans laquelle ils ont vécu :

1 XXIX, no 357.

* 6 mai 1873, Dalloz, 75, III, 8 et 16 janvier 1885, Dalloz, 87, II, 119.

<< Entendre ainsi la loi, dit très bien M. Colmet de Santerre, << ce serait réduire à bien peu de chose sa disposition, et << d'une règle qui s'inspire de considérations d'un ordre élevé « faire une simple règle de police sanitaire et municipale. << Heureusement les termes mêmes de la loi permettent et « commandent une autre interprétation. Le mot funéraires, << dérivé du mot funérailles et du latin funus, implique l'idée « non pas seulement d'une inhumation, d'un enfouissement, << mais d'une cérémonie, d'honneurs rendus à la dépouille << mortelle d'une personne décédée, au corps qui a été la << demeure d'une âme immortelle. Ces honneurs, ces témoi«gnages de respect (obsequia, les obsèques) sont accompa«gnés, chez presque tous les peuples, et chez les nations. << chrétiennes principalement, de cérémonies religieuses qui << associent aux deuils et aux regrets des prières pour le dé<< funt et des espérances pour la vie future. La cérémonie, « le service religieux entraînent des frais, et nous devons dire que ces frais sont privilégiés comme ceux de sépul<ture proprement dits. Une limitation toutefois doit être ad<< mise dans l'étendue du privilège : les différentes dépenses << dont nous parlons ne seront privilégiées qu'autant qu'el«<les auront été en rapport avec la situation du défunt et << sa fortune. >>1

Mais nous croyons, avec un arrêt d'Agen, qu'il ne faut pas aller jusqu'à déclarer privilégiés les frais de service religieux, commémoratif, neuvaine, trentaine, service du bout de l'an, qui sont en usage dans la religion catholique. en beaucoup d'endroits. Comme le dit la cour d'Agen, « ces << prières ne sont que d'usage ou même de dévotion de la << part des parents de la personne décédée », et le privilège des frais funéraires ne peut s'étendre jusque là.

1 IX, n° 16 bis II. Sic, Aubry et Rau, III, § 260, texte et note 11, p. 130; Thézard, Du Nantissement, Des Privilèges et Hypothèques, no 374. Adde, relativement au rejet fait à bon droit du privilège réclamé pour un cercueil de voyage, Cour de justice de Genève, 21 septembre 1885, Sirey, 86, IV, 7.

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* 28 août 1834, Sirey, 35, II, 426.

205. Doit-on déclarer privilégiés, sauf la quotité à déterminer par les tribunaux, les frais d'achat d'une concession et d'un monument funèbre, et les frais de deuil de la veuve, des enfants et des domestiques ?

En ce qui concerne, d'abord, la concession de terraiu et le monument funèbre, une opinion soutient qu'ils doivent rentrer dans les frais funéraires :

<< On doit aussi, dit M. Thézard, comprendre dans les frais <«< funéraires le prix de la concession de terrain et celui de << la tombe, qui sont le complément de l'inhumation. »1

Nous ne croyons pas qu'on puisse étendre jusqu'à cette limite le privilège des frais funéraires. La concession de terrain, temporaire ou perpétuelle, le monument funèbre, constituent des dépenses de luxe, apanage des riches, et nous sommes en présence du patrimoine d'un insolvable : il nous paraît impossible de faire payer ces signes posthumes de la richesse, dans lesquels la vanité des survivants a souvent plus de part que l'affection, par les créanciers. Puis, si les parents du de cujus ont le désir respectable de conserver le plus longtemps possible la mémoire d'une personne qu'ils ont aimée, qu'ils le fassent à leurs frais et non aux dépens des créanciers.

Cette solution nous paraît d'ailleurs imposée par le texte de l'article 2104, qui ne déclare privilégiés que « les frais « funéraires », et les funérailles sont terminées lorsque la terre a recouvert le corps du défunt.'

Nous ferions exception toutefois pour la croix modeste et peu coûteuse qui, dans la religion chrétienne, surmonte la tombe du pauvre comme celle du riche: la dépense qu'elle entraîne se rattache réellement aux frais de culte, puis

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Du Nantissement, Des Privilèges et Hypothèques, no 374. — Sic, Pont, Des Privilèges et Hypothèques, I.

* Merlin, RÉPERT., V° Deuil, § II, no 8; Grenier, Des Hypothèques, II, no 301; Troplong, Des Privilèges et Hypothèques, I, no 136; Valette, Des Privilèges et Hypothèques, no 26; Aubry et Rau, III, § 260, texte et note 11, p. 130; Laurent, XXIX, n° 358.

qu'elle est le signe des espérances immortelles du défunt, signum Christi in vitam æternam.

206. - Nous donnerons la même solution pour les frais de deuil, et nous refuserons tout privilège pour ces frais, qu'il s'agisse du deuil de la veuve, des enfants ou des domestiques.

Cette question, déjà controversée dans notre ancien droit, l'est encore aujourd'hui.

L'affirmative était soutenue, dans l'ancien droit, par Pothier,' et Lebrun,' et elle a, aujourd'hui encore, de nombreux partisans:

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« Le deuil, à notre avis, dit M. Pont, est une de ces né«< cessités que les convenances imposent comme un hom<<mage pieux rendu par les vivants à la mémoire des morts; << c'est par là surtout que les frais de deuil sont de même << nature que les frais funéraires en général, parce que, << comme ceux-ci, ils ont leur principe dans le décès même « du débiteur. C'est aussi pour cela qu'ils ont droit au pri« vilège, puisque le leur refuser, ce serait priver les créan«ciers qui en feraient l'avance d'une sécurité sans laquelle <«< ils ne consentiraient peut-être pas à y pourvoir, et par là << mettre la famille dans la position de ne pouvoir satisfaire << à l'obligation que les lois sociales lui imposent. >>3

Toutefois, parmi les partisans de cette doctrine, il y en a qui n'accordent pas le privilège dans cette hypothèse d'une façon absolue. M. Duranton' le restreint au deuil de la femme et des enfants, mais le refuse pour le deuil des domestiques. M. Mourlon refuse tout privilège dans le cas où l'usage n'est

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De la Communauté, n° 678.

De la Communauté, Liv. II, Chap. III, n° 38.

Pont, Des Privilèges et Hypothèques, I, n° 73. Sic Agen, 28 août 1834, Sirey, 35, II, 426; Caen, 15 juillet 1836, Sirey, 37, II, 229. Persil, Du régime hypothécaire, I, art. 2101, no 4; Proudhon, De l'Usufruit, I, n° 212; Thézard, Du Nantissement, Des Privilèges et Hypothèques, n° 374.

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* XIX, n° 48.

5 Exam crit. du Comment. de M. Troplong, I, no 70.

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