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<< porte hypothèque du jour de la confession d'icelle faicte « en jugement. »

L'Ordonnance de Villers-Cotterets, d'août 1539, transforme en loi générale ce qui n'était que la coutume de quelques provinces et attache l'hypothèque à toute confession ou reconnaissance d'obligations sous signatures privées :

Article 92.« Toutes parties qui seront ajournées en << leurs personnes, en connoissance de cédule, seront tenues << icelles reconnoître ou nier en personne ou par procureur

spécialement fondé, par devant le juge séculier en la juri«diction duquel seront trouvées, sans pouvoir alléguer au«cune incompétence, et ce, avant que partir du lieu où <«<les dites parties seront trouvées, autrement les dites cé«dules seront tenues pour confessées par un seul défaut, << et emporteront hypothèque du jour de la sentence, comme << si elles avoient été confessées. »

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Article 93. «Si aucun est ajourné en connoissance de « cédule, compare ou conteste déniant sa cédule; et si par << après est prouvée par le créancier, l'hypothèque courre « et aura lieu du jour de la dite négation et contestation. >>1

L'article 107 de la nouvelle coutume de Paris, réformée en 1580, complète, en s'inspirant de l'Ordonnance de 1539, la règle posée dans l'article 78 de la coutume ancienne :

« Cedule privée qui porte promesse de payer emporte hy« pothèque du jour de la confession ou recognoissance d'i«celle faicte en jugement ou par devant notaire: ou que par

jugement elle soit tenue pour confessée, ou du jour de la << dénégation, en cas que par après elle soit vérifiée. »

Cette hypothèque, résultant de la reconnaissance faite en justice de l'écrit sous seing privé, est inspirée par les mêmes motifs que l'hypothèque attachée de plein droit aux actes authentiques, dont elle n'est que le développement. Puisque l'authenticité de l'acte suffit à elle seule, pour lui faire produire hypothèque, comme la reconnaissance judi

1 Jourdan, Decrusy el Isambert, Op. citat., XII, p. 618-619.

ciaire de la convention n'a pas moins de force que l'attestation du notaire qui reçoit l'acte, les deux conventions doivent être placées sur la même ligne. Ce qui prouve bien d'ailleurs que ce n'est pas à l'intervention de la justice, mais à l'authenticité que cette intervention imprime à l'acte que l'hypothèque est due, c'est que l'article 107 de la coutume réformée de Paris place sur la même ligne la reconnaissance faite « en jugement » et celle faite « par devant notaires », c'est-à-dire l'authenticité donnée à la signature des parties, sous une forme quelconque.

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27. Du moment où l'on admettait que tout acte authentique engendrait une hypothèque générale sur les biens du débiteur, et où l'on assimilait, logiquement d'ailleurs, la reconnaissance d'un acte en justice à un acte authentique, on devait être amené à faire produire le même effet à tout jugement de condamnation :

<< Certes de pareils jugements, dit avec raison M. Valette, <<< constatent aussi, et d'une manière très énergique, l'exis<<tence des dettes: dès lors, on ne comprend guère qu'ils << n'aient pas toujours eu, au point de vue de l'hypothè<«<que, autant de force qu'un jugement de reconnaissance « d'écriture. »1

C'est l'Ordonnance de Moulins, de février 1566, qui compléta ainsi la théorie de l'hypothèque attachée aux actes authentiques et créa l'hypothèque judiciaire proprement dite, dans son article 53 dont voici les termes :

<< Dès lors et à l'instant de la condamnation donnée en << dernier ressort, et du jour de la prononciation, sera ac<< quis à la partie droit d'hypothèque sur les biens du con<< damné pour l'effet et exécution du jugement ou arrêt sur <<< lui obtenu. »2

A s'en tenir au texte de l'Ordonnance, il n'y avait que les jugements en dernier ressort qui produisissent hypothèque ; mais, sur les remontrances du Parlement de Paris, une dé

2

De l'Hypothèque judiciaire, II (Mélanges, I, p. 363).

Jourdan, Decrusy et Isambert, Op. citat., XIV, p. 203.

claration du 40 juillet de la même année 1566 fixa ainsi le sens de l'Ordonnance :

« Ordonnons, sur l'article 53, que l'hypothèque sur les << biens du condamné aura lieu et effet du jour de la sen<< tence, si elle est confirmée par arrest, ou que d'icelle il « n'y ait appel. »1

28. - De même que le droit Romain avait admis le tacitum pignus, notre ancien droit admit en certains cas l'existence d'une hypothèque tacite, que l'on appela aussi légale, parce qu'elle résultait de la seule force de la loi :

<< La loi seule, dit Pothier, en certains cas, donne une hy« pothèque au créancier sur les biens du débiteur, quoique « l'obligation du débiteur ne soit portée par aucun acte de<< vant notaire, ni qu'il soit intervenu aucun jugement << de condamnation contre lui. Cette hypothèque est appelée « tacite, parce que la loi seule la produit sans aucun titre. «Telle est 4° l'hypothèque que la loi donne à la femme << sur les biens de son mari, du jour de la célébration de son << mariage, pour la restitution de sa dot, lorsqu'il n'y a point « de contrat. Leg. unic., Cod., 9, de Rei uxor act.

<< 2o Telle est celle que la loi donne aux mineurs pour le << reliquat du compte de leur tutelle sur les biens de leur << tuteur, du jour qu'a commencé la tutelle.

<< 3o La loi donne une pareille hypothèque sur les biens de << tous les autres administrateurs, tels que sont les admi«nistrateurs d'hôpitaux, fabriciens, curateurs d'interdit, syndics de communautés, du jour qu'a commencé leur << administration. »

Dans les coutumes de nantissement, ou du moins dans.

Jourdan, Decrusy et Isambert, Op. citat., XIV, p. 215. Compar., sur les origines de l'hypothèque judiciaire dans notre ancien droit Esmein, Des Contrats dans le très ancien droit français, p. 217-218, et 226-229; Valette, De l'hypothèque judiciaire, Mélanges, I, p. 355 et suiv.; de Vareilles-Sommières, L'hypothèque judiciaire, son passé, son présent, son avenir; Challamel, L'hypothèque judiciaire, Etude critique.

2 De l'Hypothèque, Chap. I, art. III, n° 26.

une partie d'entre elles, l'hypothèque tacite existait sans que l'on eût besoin de recourir à la formalité du nantissement. C'est ainsi qu'on lit dans l'article 139 de la coutume d'Amiens:

<«< Toutefois ès cas esquels par disposition de droit y a <<< tacite hypothèque, ladite hypothèque a lieu, encore que << telle recognoissance et solennité de coustume ne soit « intervenue. »1

Les hypothèques tacites étaient d'ordinaire générales, et, comme les hypothèques conventionnelles et judiciaires dans notre ancien droit, s'étendaient aux biens présents et à venir; il en était ainsi, notamment, de l'hypothèque tacite du mineur et de celle de la femme mariée. Quelques-unes cependant étaient spéciales, l'hypothèque tacite sur les biens des comptables, celle des copartageants, des légataires, du vendeur et des ouvriers qui avaient élevé une construction.' 29. A côté et au-dessus des hypothèques nous retrouvons, comme en droit Romain,' des privilèges.

« On nomme privilège, dit Denisart, le droit distingué du << créancier par le moyen duquel (droit) il est préféré et << payé avant les autres et même aux hypothécaires, quoi<< que plus anciens créanciers que lui. »*

Il y en avait de deux sortes, les privilèges sur les meubles, et les privilèges sur les immeubles.

Quant aux meubles, voici quelles étaient les créances privilégiées, suivant la jurisprudence du Châtelet:

«L'usage du Châtelet de Paris, attesté par un acte de << notoriété du 4 août 1692, était de régler cette distribution << dans l'ordre suivant: on payait 1° les frais d'ouverture de << la fosse et du transport du corps du défunt; 2o le loyer << de la maison qu'il habitait; 3° les salaires des médecins, <«< chirurgiens et apothicaires, qui avaient servi le défunt

Adde Louet, RECUEIL DE PLUSIEURS NOTABLES ARRÊTS, V° Hipoteque tacite en païs de nantissement.

Merlin, RÉPERT., V° Hypothèque, Section 1, § VIII.
Suprà, n° 9 1.

• Collect. de décis. Nouv., V° Privilège.

« dans sa dernière maladie; 4° les gages des domestiques « pour la dernière année; 5° les frais du scellé et de l'in<< ventaire, par préférence à tous autres créanciers et par << contribution en cas d'insuffisance du prix; 6° tous les « autres créanciers. >>1

A cette nomenclature il faut ajouter, d'après Denisart' et Ferrière, les créances du gagiste, du premier saisissant, des frais de justice, les dépenses d'hôtelage, les frais de voitures et de messageries, et les créances des boulangers, bouchers, marchands de vin et rôtisseurs.

Les créances privilégiées sur les immeubles sont, d'abord, les créances pour frais de vente et de distribution du prix, et les frais funéraires et autres énumérés dans l'acte de notoriété du 4 août 1692, qui, comme l'indique Denisart, sont privilégiés«< tant sur les meubles que sur les immeubles ».

Ce sont en outre les créances suivantes: la créance du << maçon qui a bâti ou réparé une maison, et celle des personnes qui ont prêté des deniers pour le payer, pourvu que ces prêteurs aient pris soin de faire constater par acte authentique les devis et marchés, et l'emploi de leurs fonds. pour désintéresser les ouvriers: la créance du vendeur, «<lorsqu'il s'est réservé sur l'héritage, dit Ferrière, une hy<< pothèque pour le paiement du prix convenu », et celle du prêteur qui a fourni des fonds pour le désintéresser; enfin la créance du vendeur d'un office, et du prêteur qui a avancé l'argent nécessaire pour en payer le prix.

30. Dans le droit intermédiaire, la première disposition législative en matière hypothécaire fut dirigée contre ce qui restait des coutumes de nantissement. L'article 3 du 'Tarrible, RÉPERT. DE MERLIN, V° Privilège de créance, Sect. II, § I.

* Collect. de DÉCIS. NOUV., V° Privilège.

3 Dict. DE DROIT ET DE PRATIQUE, Vis Créanciers chirographaires privilégiés et Créancier qui a des gages pour sûreté de Adde Louët et Brodeau, RECUEIL DE NOTABLES ARson dù. RÊTS, Lettre H, Somm. XXI; Domat, Les Lois civiles, Liv. III, Tit. I, Sect. V.

GUIL. Privilèges, 1.

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