Page images
PDF
EPUB

cription pour les privilèges, leur classement, les formalités extrinsèques de l'inscription hypothécaire, l'époque à laquelle l'inseription n'a plus besoin d'être renouvelée, la procédure de la purge, tels sont les points que le Garde des sceaux signale particulièrement à l'attention des corps qu'il consulte, en ajoutant « qu'il n'a point voulu indiquer d'une << manière limitative les matières auxquelles doit s'attacher << l'examen qu'il provoque. »

45. Les résultats de cette enquête, publiés par ordre du Gouvernement,' ont été remarquables, et il n'y a aucune exagération dans ces mots de l'introduction qui les précède: « De savantes, d'utiles observations, qui attesteraient seules « l'expérience et les lumières des magistrats ou des pro<< fesseurs dont elles émanent, ont été transmises à la chan<cellerie. >> Depuis lors le temps a marché, la jurisprudence, la doctrine, les législations étrangères fournissent de nombreux et importants matériaux pour la réforme du régime hypothécaire en France; mais nous croyons que pour faire cette réforme, il y aura, malgré le temps écoulé, grand profit à étudier l'enquête si consciencieuse et si savante de 1841. Il nous est impossible d'en analyser les résultats : cette analyse, très bien faite dans l'Introduction de la publication de 1844, n'y comprend pas moins de 217 pages! Aussi nous bornerons-nous à signaler quelques-unes des idées les plus importantes que l'on y trouve.

46. Au point de vue de l'utilité de la réforme du régime hypothécaire, une seule Cour, la Cour de Toulouse, se prononce pour le maintien du statu quo, et les Cours de Bordeaux, Limoges et Rouen repoussent les innovations qui porteraient atteinte aux principes du Code civil; tous les autres corps consultés sont partisans d'une réforme plus ou moins profonde du titre des hypothèques.

En ce qui concerne les conditions de la transmission de la propriété des immeubles à l'égard des tiers, le maintien de la

1

Paris, 1844, Imprimerie royale, 3 vol. in-8.

1 Op. et Loc. citat., p. XLVII.

GUIL. Privilèges, 1.

règle du Code civil, c'est-à-dire la transmission de la propriété par le seul consentement des parties, même à l'égard des tiers, n'a été demandé que par les Cours de Bordeaux et de Toulouse, et par la moitié des membres de celle de Besançon; vingt-deux Cours royales et sept Facultés de droit ont demandé au contraire, au moins à l'égard des tiers, des conditions extrinsèques, des formes visibles et permanentes.

Mais, quant à ces conditions, plusieurs systèmes ont été proposés. Quelques Cours et Facultés se sont prononcées pour la transcription entière de tout acte constitutif d'un droit réel immobilier sur les registres du conservateur des hypothèques, d'autres pour l'inscription par extraits; quelques-uns proposent un système mixte, la transcription, pour les actes translatifs de propriété, et l'inscription pour les hypothèques; enfin la Faculté de Caen propose un système particulier, la réalisation, désignation très brève de l'ancien et du nouveau propriétaire, de la nature du droit créé, des immeubles qu'il affecte et du titre constitutif; ces diverses indications seront faites au moyen de l'application du cadastre parcellaire au régime hypothécaire, et les inscriptions seront prises et les certificats délivrés, non sur la personne, mais sur l'immeuble. Sur le point de savoir quels droits immobiliers doivent être rendus publics pour être opposables aux tiers, la plus grande divergence règne parmi les Cours et Facultés, notamment en ce qui concerne la publicité des testaments, des successions, des partages, des servitudes, etc...

Quant aux effets de la publicité donnée aux actes, la Cour de Bastia seule propose l'adoption du système germanique, d'après lequel la transcription est le signe infaillible auquel l'acheteur et le prêteur sur hypothèque reconnaîtront celui qui a le droit de disposer de l'immeuble. Les autres Cours et les Facultés se rallient au système de la loi de Brumaire an VII, et estiment que la publicité donnée au contrat par la transcription n'a d'autre effet que de rendre le contrat opposable aux tiers, mais dans la mesure où le contrat est valable, et l'acquéreur dont le titre est transcrit n'aura pas plus de droits que n'en avait son vendeur.

[ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

47.- La publicité des hypothèques, par quelque moyen qu'on la donne, n'est assurée que si elle est accompagnée de la spécialité, sans laquelle les tiers ne peuvent savoir dans quelle mesure tel ou tel immeuble est grevé ; cependant, dans l'enquête de 1841, la Faculté de Dijon propose d'une façon absolue l'abandon du principe de la spécialité de l'hypothèque conventionnelle, et elle demande que cette hypothèque, comme l'hypothèque légale et l'hypothèque judiciaire, porte sur tous les biens du débiteur. Les autres Cours et Facultés sont partisans du maintien de la spécialité pour l'hypothèque conventionnelle, tout en n'étant pas unanimes sur la question de savoir s'il convient d'étendre ou de restreindre la spécification de l'immeuble hypothéqué.

48. En ce qui concerne la forme personnelle ou réelle qu'il convient de donner à la publicité des transmissions de biens immobiliers et des constitutions de droits réels, la plupart des Cours et des Facultés s'en tiennent au système de la loi de Brumaire, la transcription ou l'inscription des litres par nom de personnes, sauf le désaccord que nous avons signalé quant aux conditions de l'inscription ou de la transcription.'

Mais deux Cours, celles de Riom et de Montpellier, et les Facultés de Paris et de Caen, proposent un système tout différent, l'organisation d'une publicité réelle par le moyen de livres fonciers en concordance avec le cadastre. Nous citerons en entier les propositions de la Faculté de Caen, les plus précises à ce point de vue :

<< Pour compléter la publicité, il faut appliquer le cadastre << et le régime parcellaire au régime des hypothèques, soit << pour les réalisations, soit pour les inscriptions.

« D'après le Code, on inscrit non sur l'immeuble, mais « sur la personne ; ni l'hypothèque légale, ni l'hypothèque judiciaire ne sont même tenues de spécialiser l'immeu«ble grevé. Les certificats sont délivrés sur les propriétai<< res indiqués aux recherches du conservateur. Souvent 1 1 Suprà, n° 47.

<< l'on ne connaît pas, ou l'on désigne mal les précédents << propriétaires. Comment l'adjudicataire sur expropriation << retrouvera-t-il la généalogie exacte de la propriété ? Le << certificat du conservateur omet donc nécessairement tou<«tes les inscriptions qui grèvent le propriétaire omis ou << mal indiqué, tandis qu'il comprend les inscriptions qui << frappent sur les propriétaires, mais ne frappent pas sur << l'immeuble dont on veut seulement connaître les charges.

<«< On préviendrait tous ces embarras et tous ces dangers << si les inscriptions étaient prises et les certificats délivrés, << non sur les personnes, mais sur l'immeuble.

<«< Il serait injuste de reprocher aux rédacteurs du Code << de ne pas avoir songé à ce système. Le cadastre n'avait << pas encore divisé le sol en parcelles, et trop de difficultés << se seraient élevées sur l'identité et l'étendue précise de << chaque immeuble. Maintenant toute propriété qui se dis<< tingue des propriétés voisines par le propriétaire, la cul<«<ture ou la clôture, forme une parcelle et occupe un nu<<méro à part sur l'atlas cadastral. Plus d'incertitude pos<«<sible sur l'identité et l'étendue de l'immeuble désigné « comme parcelle et par son numéro. Rien de plus simple << que ce mode d'inscription. Un exemplaire de l'atlas ca<< dastral sera déposé au bureau de la conservation. Les << bordereaux, soit d'inscription, soit de réalisation, dési<< gneront les immeubles aliénés, grevés ou hypothéqués, << par la commune, la section et le numéro de l'atlas cadas<«<tral. Ils seront bien inscrits et portés à leur date sur un << registre, mais sur un registre à part, et qui ne sera que << la table des autres; un compte sera ouvert à chaque par<«< celle; on y indiquera, par renvoi, le numéro des inscrip<<tions ou des réalisations qui la concerneront. Il suffira << donc, pour obtenir un état exact de tous les droits réels << qui affectent une parcelle, d'en indiquer le numéro au << conservateur, et l'on n'aura pas à se préoccuper des noms << et prénoms des anciens propriétaires.

<< Les renseignements fournis à la Faculté l'ont convaincue

que l'exécution ne rencontrerait aucun obstacle. En quel<< ques minutes, et avec les registres qu'il tient pour le dé<< partement, le directeur des contributions directes peut <<< indiquer toutes les mutations d'une parcelle. »>'

49. — A la suite de l'enquête de 1841, une commission fut nommée par le Garde des Sceaux pour préparer un projet de loi sur la réforme hypothécaire, comme il l'avait annoncé dans sa circulaire du 7 mai 1844, mais la chute du Gouvernement de juillet empêcha la commission de conti

nuer son œuvre.

Le 15 juin 1849, une nouvelle commission était nommée par arrêté du Président de la République, et, le 4 avril 1850, le Gouvernement présentait à l'Assemblée nationale un projet de réforme complet du régime hypothécaire.

La base de ce projet est le retour au système de la loi de Brumaire an VII et au régime de la publicité absolue en matière hypothécaire :

« Le système du Code civil a été soumis, disait M. de Vati<< mesnil dans son Rapport à l'Assemblée législative, à une « expérience de près d'un demi-siècle. Il est maintenant « jugé. Il faut revenir à la publicité complète et absolue. « Pour que le crédit foncier existe d'une manière réelle, il << est indispensable que toutes les charges hypothécaires se << manifestent clairement aux yeux des prêteurs; que ceux-ci puissent juger par leurs propres lumières de la situation « de l'emprunteur; qu'en un mot, pour faire le bilan immo«bilier du possesseur d'une maison ou d'une ferme, il suf<fise d'effectuer une addition et une soustraction. »>2

En s'inspirant de ces idées, le projet de loi admet la transcription obligatoire à l'égard des tiers pour tous les actes de transmission de propriété, et même, étendant la règle de la loi de Brumaire an VII, il exige la transcription pour tout acte constitutif ou translatif de droits réels, même non sus

'Documents relatifs au régime hypothécaire, I, p. 409-410. 'Cité par Besson, Les livres fonciers et la réforme hypothécaire, p. 116.

« PreviousContinue »