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ceptibles d'hypothèque, l'antichrèse, l'usage, l'habitation, les servitudes; mais, comme sous le régime de la loi de l'an VII, la transcription n'aura d'autre effet que de rendre ces actes opposables aux tiers, et l'acte, même transcrit, ne donnera à l'acquéreur que les droits qui appartenaient à

son auteur.

Toutes les hypothèques seront soumises au double principe de la publicité et de la spécialité. Que l'hypothèque soit légale ou conventionnelle, elle ne produira effet que du jour de son inscription, et l'inscription ne pourra être prise que pour une somme fixe et sur des immeubles spécialement désignés; quant aux biens à venir, ils ne seront jamais susceptibles d'hypothèque, même dans le cas où les biens présents ne seraient pas suffisants.

Les moyens prescrits par le projet pour arriver à l'inscription de l'hypothèque légale des incapables sont très pratiques, et supérieurs aux moyens adoptés par la loi de Brumaire an VII qui se bornait, dans l'article 22, à charger de ce soin, pour les mineurs, « les tuteurs et curateurs, le << subrogé-tuteur et les parents ou amis qui concourront à <«<leur nomination » ; pour les époux mineurs, « les père, << mère et tuteur sous l'autorité desquels ils contracteront << mariage »; et, à défaut de ces diverses personnes, le commissaire du directoire exécutif près les administrations municipales. Le projet de 1850 impose l'obligation de prendre inscription pour les incapables, en première ligne, au greffier qui a concouru à la délation de la tutelle et au notaire qui a reçu le contrat de mariage, et ce, à peine de cent francs d'amende et même de destitution. De plus, pour le cas où la garantie hypothécaire fournie par les immeubles du tuteur paraîtrait insuffisante au conseil de famille, il pourra prescrire le versement à la caisse des dépôts et consignations de tous les capitaux appartenant au mineur et des excédents de ses revenus.

Pour assurer complètement la sécurité des transmissions immobilières, le projet de 1850 propose la suppression de

l'effet rétroactif des droits de résolution et de révocation appartenant aux anciens propriétaires : ces droits de résolution n'auront effet au regard des tiers qu'à partir du jour où l'action aura été intentée, et publiée par une annotation en marge de la transcription du titre dont la révocation ou la résolution est demandée.

I.

49 1.- La discussion sur ce projet s'ouvrit à l'Assemblée législative au mois de novembre 1850, et diverses modifications au projet de loi furent proposées et adoptées par l'Assemblée : la plus grave de toutes avait trait à l'hypothèque légale des incapables. Sur les observations de M. Demante, l'Assemblée législative maintint à cette hypothèque les caractères que lui donnait le Code, et elle demeura générale et occulte; seulement la femme pouvait y renoncer par contrat de mariage, et la veuve et les mineurs devenus majeurs étaient obligés de prendre inscription dans l'année de la dissolution du mariage ou de la majorité du mineur.

Une seconde modification, moins importante, mais qui doit cependant ètre signalée, a trait à la rétroactivité du droit de résolution après de vives critiques du projet par M. Valette, la rétroactivité de la résolution fut rétablie, mais l'Assemblée admit un amendement de M. Rouher qui liait le sort de l'action résolutoire à celui du privilège.

Voté en seconde lecture le 10 mars 1851, le projet allait devenir une loi, lorsque les événements de décembre 1854, en mettant fin à l'existence de l'Assemblée législative, réduisirent à néant son œuvre en matière hypothécaire.

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50. Le Gouvernement impérial reprit le projet de réforme hypothécaire, mais avec beaucoup moins d'ampleur. Cédant à des préoccupations politiques plutôt qu'à une conception logique et rationnelle d'une réforme de la matière, il régla d'abord, par un décret séparé, l'organisation du crédit foncier qui, dans le système du projet de 1850, était avec raison rattachée à l'ensemble du projet sur la réforme hypothécaire. Un décret du 28 février 1852, suivi d'une loi du 10 juin 1853, organisa le crédit foncier sur les bases

générales suivantes : une société, le Crédit Foncier de France, à laquellle un monopole était accordé, pourra faire aux propriétaires du sol des prêts remboursables par annuités ; les hypothèques prises par elle sont dispensées du renouvellement décennal, et elle peut, pour obtenir la priorité, purger les autres hypothèques au moyen d'une procédure dont les frais sont extrêmement réduits.

Puis le Gouvernement présenta, à la date du 11 mai 1853, son projet de réforme hypothécaire, évidemment inspiré par la loi de Brumaire et surtout par le projet de 1850 et les amendements qu'il avait reçus, mais, comme nous venons de le dire, très réduit.

La préoccupation des rédacteurs du projet paraît être de toucher le moins possible au Code civil:

<< Il ne s'agit pas, disait M. Rouher dans l'Exposé des « motifs au Corps législatif, de porter sur le Code Napoléon << une main sacrilège; ses dispositions resteront intactes, << son économie entière. Nous ne vous présentons que des << dispositions pour ainsi dire additionnelles, choisies parmi << celles qui n'ont rencontré aucune opposition, destinées à << combler des lacunes, à satisfaire des besoins depuis long<< temps proclamés et à parer à des dangers universelle<<<ment reconnus. Compléter, ce n'est pas détruire. >>1

<< Il n'est pas nécessaire, disait de son côté M. de Belley<< me, de faire violence à la loi ; ce n'est pas une innovation << de nature à se heurter avec l'esprit ou le texte du Code. << Au contraire, loin d'en rompre l'harmonie ou la concor<«< dance, loin d'en troubler les principes, il semble, par << toutes les dispositions du Code, qu'elle y était attendue, << et que sa place y était marquée d'avance. »'

Ce projet, devenu la loi du 23 mars 1855, rétablit le principe de la transcription obligatoire à l'égard des tiers pour les actes translatifs de propriété et de droits réels; mais le caractère que la loi de Brumaire donnait à la transcription 1 Troplong, De la Transcription, p. 5.

Duvergier, Collect. des Lois, 1855, p. 58.

n est pas changé, et l'acquéreur n'aura pas plus de droits que son auteur. Les hypothèques légales demeurent dispensées d'inscription, mais elles perdent ce caractère à la dissolution du mariage ou à la cessation de la tutelle, et elles devront être inscrites dans l'année qui suivra l'un ou l'autre de ces deux événements. Quant à l'action résolutoire, elle conserve son effet rétroactif, mais son maintien est subordonné au maintien du privilège.

Telles sont les modifications principales apportées par la loi du 23 mars 1855 au régime hypothécaire du Code civil, modifications fort utiles, mais, comme on le voit, très restreintes: ce n'est pas la réforme hypothécaire unanimement demandée depuis que le Code civil avait subi l'épreuve de la pratique, que le Garde des Sceaux de 1841, M. Martin du Nord, avait comprises sur des bases si larges, et qui, dans sa pensée, devait être réellement une réforme hypothécaire.

Aussi l'œuvre du second Empire en cette matière est-elle à refaire, et le mouvement des esprits en faveur de la réforme de notre loi hypothécaire n'est pas moins vif aujourd'hui qu'il ne l'était dans la première moitié de notre siècle.

51.- Depuis la loi du 23 mars 1855, quelques lois sont venues apporter des modifications partielles au régime du Code civil.

C'est, d'abord, la loi du 12 février 1872, qui a remplacé l'ancien article 550 du Code de commerce, et restreint le privilège du bailleur en cas de faillite du locataire. Antérieurement à cette loi, le privilège du bailleur au cas de faillite du locataire était soumis au droit commun, c'est-à-dire qu'il s'étendait à tous les loyers échus et à échoir jusqu'à la fin du bail, si ce bail était authentique ou avait date certaine. Il résultait de l'application de cette loi à la faillite que souvent l'actif du failli était absorbé, ou à peu près absorbé par le privilège du bailleur à raison de la longueur habituelle des baux des immeubles affectés au commerce ou à l'industrie, et de l'élévation des loyers.

La loi du 12 février 1872 a apporté un remède à cet état

de choses, en décidant qu'au cas de résiliation du bail le bailleur des immeubles affectés à l'industrie ou au commerce du failli n'aura privilège que « pour les deux derniè«res années de location échues avant le jugement déclara«<tif de faillite, pour l'année courante, pour tout ce qui << concerne l'exécution du bail, et pour les dommages-inté<< rêts qui pourront lui être alloués par les tribunaux. »

52. — La loi du 10 décembre 1874, modifiée par celle du 10 juillet 1885, a favorisé le développement du commerce maritime en permettant de donner hypothèque sur les navires. Jusqu'à cette loi les navires étaient traités comme les autres meubles et gouvernés par la règle de l'article 2119, les meubles n'ont pas de suite par hypothèque. La transformation de la marine et l'importance toujours croissante de la valeur des navires faisaient désirer vivement l'abrogation de cette règle en ce qui concerne les navires; il était très utile de permettre aux propriétaires de navires de se servir, comme instrument de crédit, de la valeur parfois très considérable de cet élément de leur fortune, et même, au cours de la construction d'un navire, de se procurer les fonds qui peuvent leur être nécessaires pour son achèvement ou son armement.

53. — La loi du 19 février 1889 a apporté une double modification au régime hypothécaire du Code civil.

En premier lieu, en ce qui concerne le privilège du bailleur d'un fonds rural, cette loi entre dans la voie dans laquelle est entrée, au cas de faillite, la loi du 12 février 1872 pour le privilège du bailleur d'un immeuble consacré au commerce ou à l'industrie : elle restreint ce privilège, de manière à augmenter le crédit de l'exploitant du fonds rural, et à ne pas donner à ceux qui traiteront avec lui la crainte de voir le prix du mobilier garnissant la ferme et le prix des récoltes employé exclusivement à désintéresser le bailleur. L'article 1er de cette loi porte que le privilège du bailleur ne pourra s'exercer, même si le bail a date certaine, que « pour «<les fermages des deux dernières années échues, de l'an

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