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<< née courante, ainsi que pour tout ce qui concerne l'exé<< cution du bail et pour les dommages-intérêts qui pour<< ront lui être accordés par les tribunaux. »

54. — En second lieu, la loi du 19 février 1889 réalise, en matière d'indemnité d'assurances, une réforme depuis longtemps demandée, et réclamée notamment, lors de l'enquête de 1844, par les Cours d'Amiens, Angers, Grenoble, Nîmes, Orléans, Pau, Rouen, et par la Faculté de droit de Grenoble.

Sous l'empire du Code civil, lorsqu'un bâtiment grevé d'hypothèques et assuré contre l'incendie venait à périr, la jurisprudence décidait, avec raison selon nous dans l'état de la législation du Code, que l'indemnité due par l'assureur était purement mobilière, et devait être distribuée au marc le franc entre tous les créanciers de l'assuré.

On réclamait à bon droit contre cette solution, dans l'intérêt des créanciers hypothécaires : comme le faisaient remarquer avec raison, lors de l'enquête de 1844, les Cours et la Faculté dont nous venons de citer les noms, les sommes payées par les compagnies d'assurances représentent l'immeuble détruit, qui était le gage des créanciers hypothécaires. D'ailleurs, dans la pratique, le créancier qui prend hypothèque sur un immeuble assuré se faisait céder éventuellement l'indemnité et notifiait ce transport à la compagnie d'assurance: cette cession éventuelle était même une clause de style dans les contrats portant constitution d'hypothèque. Il était bon d'épargner ce détour, et les frais qu'il entraînait, en donnant à l'hypothèque son effet sur les sommes dues à raison de la perte de l'immeuble.

C'est ce progrès qu'a réalisé la loi du 19 février 1889, en appliquant aux diverses sociétés d'assurances nées depuis un demi-siècle la réforme demandée seulement à l'origine pour les assurances en cas d'incendie. Aux termes de l'article 2, « les indemnités dues par suite d'assurances contre << l'incendie, contre la grêle, contre la mortalité des bestiaux << ou les autres risques, sont attribuées, sans qu'il y ait be<< soin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou << hypothécaires suivant leur rang. >>

Nous verrons plus tard si la loi est allée assez loin, et s'il n'eût pas été opportun de lui donner une plus grande portée; mais nous pouvons dès à présent constater qu'elle constitue une amélioration véritable du régime du Code civil. 55. Deux autres lois, d'une moindre importance, sont encore venues modifier le système hypothécaire du Code de 1804.

La loi du 30 décembre 1892, modifiant l'article 2001, a donné au privilège pour frais de dernière maladie une extension qu'il n'avait pas dans notre ancien droit et que la jurisprudence lui avait refusée sous l'empire du Code civil: on ne l'accordait en effet, dans notre ancien droit et depuis 1804, que pour les frais de la « dernière » maladie, celle dont le débiteur était mort, tandis que l'article 2401 modifié par la loi du 30 décembre 1892 le donne pour les frais de la maladie dernière en date, « quelle qu'en ait été la terminaison ».

Enfin la loi du 11 juin 1893 a modifié le droit du créancier privilégié ou hypothécaire, en ce qui concerne les intérêts de sa créance. L'ancien texte de l'article 2154 portait ce qui suit :

<< Le créancier inscrit pour un capital produisant intérêt « ou arrérages a droit d'être colloqué pour deux années << seulement, et pour l'année courante, au même rang d'hy<< pothèque que pour son capital, sans préjudice des ins<«<criptions particulières à prendre, portant hypothèque à << compter de leur date, pour les arrérages autres que ceux << conservés par la première inscription. »

Le nouveau texte modifié par la loi du 17 juin 1893 est ainsi conçu:

<< Le créancier privilégié dont le titre a été inscrit ou << transcrit, ou le créancier hypothécaire inscrit pour un ca<< pital produisant intérêts ou arrérages, a droit d'être collo«< qué pour trois années seulement au même rang que le « principal, sans préjudice des inscriptions hypothécaires «< à prendre, portant hypothèque à compter de leur date, << pour les intérêts et arrérages autres que ceux conservés << par la transcription ou inscription primitive. »

55 1. Au cours de la session législative de 1890, le Gouvernement a proposé de mettre à l'étude la question de la révision du cadastre, et voici dans quels termes il indiquait ses vues générales sur cette opération, dans l'Exposé des motifs du budget de 1891:

« Le cadastre, perpétué à l'aide d'un système permanent << de conservation, ne serait pas seulement un instrument fis<< calet administratif; il devrait satisfaire à d'autres besoins. << Des abornements généraux et une triangulation rigoureuse << précéderaient le renouvellement des opérations: le cadas<< tre constituerait la base de la propriété foncière; il assu<< rerait la sécurité des hypothèques et la régularité des tran<< sactions immobilières; il fournirait enfin à l'agriculture, < parle développement des institutions de crédit, les moyens << d'action qui lui font défaut aujourd'hui. En un mot, il de« viendrait le grand livre terrier de la France. »1

Le Parlement vota un crédit d'un million, dans la loi de budget du 26 décembre 1890, pour permettre de faire les études nécessaires à la préparation de cette réforme, et un décret du 30 mai 1891 a institué une Commission extra-parlementaire du cadastre, composée des noms les plus autorisés, et chargée d'étudier les nombreuses questions que soulève cette réforme, tant au point de vue technique qu'au point de vue juridique, et de préparer les règles législatives à intervenir.

Cette Commission, dont les travaux ne sont pas encore terminés, a siégé de 1891 à 1895, et les résultats déjà acquis de ces travaux sont consignés dans cinq volumes publiés par le Ministère des finances: c'est une œuvre considérable, qui facilitera beaucoup la réforme législative. Tout est à étudier dans ses travaux pour nos futurs législateurs, mais en particulier, au point de vue qui nous occupe, le rapport si clair et si précis de M. Durand-Claye, sur Les résul

1 Cité dans le Rapport de M. Rouvier, ministre des Finances, au Président de la République, Procès-verbaux de la Commission extra-parlementaire du cadastre, Fascicule I, p. 5.

tats des essais ordonnés par la sous-Commission technique,1 et, quant au côté juridique, les remarquables rapports de M. Massigli, Sur l'immatriculation,' et de M. Challamel, Sur le crédit hypothécaire.3

55 II. A peu près à la même époque, en 1889, le Congrès international de la propriété foncière instituait une Commission pour l'étude de la transmission de la propriété foncière, et des rapports de la plus grande valeur ont été publiés en 1892, au nom de cette Commission. Ces rapports ont pour auteurs MM. Piat,' Flour de Saint-Genis," Dansaert et Brunard, et Challamel."

Ces indications suffisent pour montrer le mouvement considérable qui s'opère en faveur d'une réforme de notre régime hypothécaire, réforme dont nous aurons à examiner l'utilité et l'opportunité, après avoir au préalable étudié l'organisation hypothécaire des nations étrangères.

55. La nécessité de la publicité en matière hypothécaire s'impose de plus en plus aux esprits. Ainsi, depuis la publication de la première édition de ce volume, le second Congrès de la propriété immobilière de France a été tenu, à Rouen, les 12-15 octobre 1896. Le Comité d'initiative avait fait à l'auteur de ces lignes l'honneur de l'appeler à la présidence du Congrès, honneur qui constituait une approbation du système de la publicité dont il s'était fait le défenseur; et le Congrès, auquel le temps n'a pas permis d'aborder la question des Livres fonciers, qui figurait à son programme, a adopté du moins le vœu suivant, dont la réalisation constituerait déjà un grand pas dans la voie de la publicité en matière hypothécaire :

Op. citat., Fascicule V, p. 155 et suiv. 9 Op et Loc. citat., p. 427 et suiv. Op. et Loc. citat., p. 517 et suiv.

• Rapport sur les opérations cadastrales.

5 Rapport sur le mode d'organisation des bureaux d'hypothèques.

• Rapport sur l'immatriculation des immeubles.

7 Rapport et projet de loi sur les privilèges et hypothèques.

Il y a lieu de procéder le plus tôt possible à la réforme « de la législation hypothécaire sur les bases suivantes :

« 1° Application la plus étendue du principe de la publi«cité en matière de transmission de la propriété immobi«lière. En conséquence, révision de la loi du 23 mars 1855 << et obligation de la transcription pour tous actes et conven«<tions à titre gratuit ou à titre onéreux, et pour tous juge«ments translatifs, déclaratifs ou constitutifs de droits réels << immobiliers ou portant résolution, extinction, renoncia<<tion ou modification de ou à ces mêmes droits, pour les << baux supérieurs à une durée de neuf ans et pour toutes « actions en nullité, en résolution ou en rescision; application de la transcription aux mutations par décès ab « intestat ou testamentaires de droits réels immobiliers.

« 2o Application la plus étendue du double principe de la publicité et de la spécialité en matière hypothécaire. En « conséquence, suppression des hypothèques occultes, spé«cialité et publicité complète pour les hypothèques légales « à la condition que l'inscription des hypothèques légales « des mineurs et femmes mariées soit assurée par un fonc<tionnaire ou officier ministériel responsable; suppression << des privilèges généraux sur les immeubles, sauf celui << des frais de justice; spécialité et publicité complète << pour les privilèges spéciaux; maintien du privilège des << architectes et entrepreneurs tel qu'il existe actuellement; << maintien de l'hypothèque judiciaire, mais à la condition < qu'elle soit spécialisée (l'hypothèque judiciaire devra être « spécialisée par le Tribunal qui désignera ceux des im<< meubles présents du débiteur qui en seront grevés, et, << pour le cas où les immeubles présents deviendraient insuf<< fisants, le créancier aura la faculté de revenir devant le << Tribunal par voie de simple requête pour faire étendre << son hypothèque à ceux de ces immeubles qui seront << nécessaires à sa garantie); suppression de l'hypothèque << sur les biens à venir permise par l'article 2430 du Code « civil. >>

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