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Importance du sujet et documents récents. Une vieille lettre inédite. Sentiments de Pie VII en la recevant. - Spina choisi pour négociateur. La négociation transportée à Paris. — Efforts de - Etat d'âme des gallicans.

Louis XVIII pour l'entraver.

Châ

timent du gallicanisme.

Tous ceux qui veulent étudier le Concordat doivent commencer par remercier M. le comte Boulay de la Meurthe d'avoir publié, avec un soin et une compétence au-dessus de tout éloge, un recueil considérable qui est devenu leur indispensable manuel'. En exhumant des Archives d'État les dépêches en grande partie inédites échangées entre les négociateurs de Rome et ceux de Paris, en les classant et en les annotant, il a beaucoup ajouté à ce que nous savions du Concordat, et, s'il n'en a pas renouvelé l'histoire de fond en comble, il l'a, du moins, rectifiée sur plusieurs points où elle avait été défigurée par la légende. C'est ainsi qu'il nous permet de trancher le débat qui s'est élevé autrefois entre M. d'Haussonville et le P. Theiner et qui, jusqu'en ces derniers temps, a

Documents sur la négociation du Concordat et sur les autres rapports de la France avec le Saint-Siège en 1800 et 1801, publiés par le comte Boulay de la Meurthe. 5 vol. Paris, Ernest Leroux.

divisé les historiens, de contrôler Consalvi par Consalvi lui-même et de compléter l'esquisse brillante, mais insuffisante et souvent inexacte de M. Thiers. Le moment nous a paru propice pour exposer brièvement l'origine, les différentes phases et le résultat final d'une négociation qu'aucune autre n'a surpassée en importance et en intérêt. Nous nous effacerons autant que nous pourrons, pour laisser la parole aux négociateurs eux-mêmes.

Un pareil sujet n'est jamais entièrement épuisé. Nos recherches personnelles, aidées par le P. Rinieri, de la Civiltà cattolica, nous ont fait découvrir plusieurs documents qui ont échappé à M. Boulay de la Meurthe. Nous exprimons toute notre reconnaissance au savant rédacteur de la Civiltà, ainsi qu'à Mgr Wenzel, directeur des Archives vaticanes, et à Mgr Celli, sous-secrétaire de la Congrégation des affaires extraordinaires, dont l'inépuisable obligeance nous a singulièrement facilité notre travail.

Il y a, aux Archives du Vatican, une vieille lettre jaunie sur l'enveloppe de laquelle une main, qui paraît être celle du cardinal Consalvi, a écrit: Si custodisca gelosamente. Elle est signée du cardinal Martiniana, évêque de Verceil, et datée du 26 juin 1800. Nous ne croyons pas qu'elle ait jamais été traduite en français. La voici presque tout entière, telle que nous l'avons copiée sur l'original même :

1 Le P. Rinieri a réuni ses articles en deux volumes fort intéressants, dont le premier m'a été d'un grand secours : La Diplomazia pontificia net secolo XIX. Une traduction française vient d'en paraitre chez Lethielleux. * Malheureusement et prématurément décédé.

A garder précieusement.

« Très Saint-Père,

« C'est mon devoir de commencer cette lettre très respectueuse par les plus humbles excuses pour la hardiesse que je suis forcé de montrer en traitant l'affaire, aussi importante que consolante pour l'âme si religieuse et si zélée de Votre Sainteté, que la Providence me confie le redoutable honneur de négocier. Bonaparte, le Premier consul de la nation française, auquel on ne peut désormais refuser le titre de grand, à cause des vues vraiment salutaires, bienfaisantes. et sages qu'il manifeste, passant ici pour se rendre à la surprenante expédition qu'il vient d'accomplir en peu de temps, avait déjà montré beaucoup de bonté et de déférence pour ma faible personne. Mais hier, en retournant à Paris et en s'arrêtant pendant quelques heures, il me prit à part, dans une conférence intime, et me communiqua son ardent désir d'arranger les choses ecclésiastiques de la France, en même temps que de procurer à ce pays la paix au dehors, et il me pria instamment de me charger de la négociation entre Votre Sainteté et lui-même. Ses vœux m'ont paru véritablement sincères, d'après les dispositions et les exigences très mesurées qu'il a daigné me manifester, et l'assurance absolue qu'il m'a donnée d'employer, en cas de succès, tout son pouvoir pour que Votre Sainteté recouvre tous ses États. En conséquence, je prends la liberté de La renseigner, dès la première ouverture et sans réserve, pour ne pas prolonger inutilement la négociation et pour agir comme le doit un fils respectueux à l'égard de son très vénéré Père.

<< Bonaparte, donc, voudrait faire table rase de l'Église gallicane. Les évêques qui ont émigré, dit-il, ne peuvent plus convenir à la France, parce que la plupart en sont sortis non par le pur zèle de la religion, mais par des intérêts et des vues temporels. Quant aux intrus, il ne veut pas en entendre parler. Il lui semble, en conséquence, qu'il en faut de nouveaux qui soient choisis par le pouvoir qui exercera la souveraineté dans la nation, et canoniquement institués par le Saint-Siège dont ils recevraient la mission et les bulles.

<< En outre, comme depuis tant d'années de révolution tous les biens que possédait l'Église gallicane ont été aliénés, comme leur revendication serait impossible en fait et jetterait la nation entière dans de nouveaux bouleversements, il croit nécessaire, pour ne pas trop charger la nation elle-même, que le nombre des évêchés soit diminué le plus possible, et que, jusqu'à ce qu'on puisse assigner des biens immeubles à chaque évêché, la portion congrue des évêques soit une pension à payer par les finances nationales, s'élevant à deux mille ou deux mille cinq cents écus romains, soit à dix ou onze mille livres de France. De cette manière, on ne verra plus en France le douloureux spectacle d'une grande partie des évêques résidant à Paris, et il en résultera un grand avantage pour l'Église.

<< Voilà, Très Saint-Père, exposée simplement, l'idée générale du Premier consul en ce qui concerne la réconciliation de la France avec le chef visible de

Far caso vergine della Chiesa gallicana.

l'Église universelle. Il n'a pas été question des autres objets qui, étant de moindre importance et dépendant des premiers, s'arrangeront facilement, ceux-ci une fois convenus.

« J'ai l'honneur de déposer aux pieds de Votre Sainteté le plan formé, suppliant humblement sa tendre charité et sa sagesse éclairée de le prendre en bienveillante considération et de me favoriser de ses déterminations vénérées et de ses lumières, afin que je puisse continuer les relations commencées avec l'illustre et très distingué commettant qui, pour cet objet, a laissé un de ses courriers à ma disposition.

« Je supplie, en outre, Votre Sainteté, d'agréer qu'un de mes neveux le comte Alciati, déjà connu d'elle, ait le très grand honneur de lui présenter cette lettre, en même temps qu'une autre dont je l'ai chargé pour mon auguste Souverain1 par mandat du Premier consul.

<< Enfin, je supplie Votre Béatitude de daigner accueillir cette preuve de mon entier dévouement avec la bonté dont Dieu l'a douée et de m'accorder l'honneur de baiser ses pieds sacrés et de recevoir sa bénédiction paternelle.

<< De Votre Sainteté,

« Le très humble, très dévoué et très obéissant serviteur,

CHARLES-JOSEPH, Cardinal DE MARTINIANA.

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