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qu'il commettait une hérésie, la validité d'une nomination ecclésiastique ne dépendant pas du pouvoir civil. Il fallut d'incroyables efforts, incredibili sforzi, pour écarter le mot valides; et, après avoir proposé vingt formules qui furent rejetées, ce fut une miséricorde de Dieu que nous parvînmes à combiner la phrase: «<leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement ». J'aurais voulu dire « agréables au gouvernement », mais, à Paris, ce mot prête au ridicule et l'on n en voulut point ».

Il était onze heures du soir, quand les plénipotentiaires tombèrent enfin d'accord. Consalvi comprenant qu'il était important d'en finir cette nuit même et que tout délai ne pourrait qu'aggraver la situation, proposa de signer immédiatement. Il rencontra de grandes hésitations: Joseph ne se souciait plus d'encourir une nouvelle colère de son frère. Il se décida enfin, vaincu par les instances du cardinal. A la fin de la soirée, un incident de sa vie domestique était venu jeter une agréable diversion dans cette séance si laborieuse. « Le Coacordat fut signé, à deux heures du matin, dans l'hôtel que j'occupais rue du Faubourg-Saint-Honoré. A la même heure, je devenais père d'une troisième enfant dont la naissance fut saluée par les plénipotentiaires de deux grandes puissances et la prospérité prédite par les envoyés du vicaire du Christ1. »

Le lendemain, le Premier consul approuvait l'œuvre

• Mémoires du roi Joseph. Joseph met deux heures au lieu de minuit,

de ses délégués, et Joseph, Cretet et Bernier rendaient visite à Consalvi pour lui annoncer le succès qui couronnait enfin ses longues fatigues. « Il m'a dit que le Premier consul était content, ce qui nous a soulagés d'une grande angoisse. »

Cobentzel, qui était sur la question le seul bien informé des diplomates étrangers, rendait compte à sa cour de l'événement auquel il avait coopéré. « ... Il en résulta1 des reproches très vifs faits au cardinal en ma présence, lorsque nous nous trouvâmes ensemble à dîner chez le Premier consul. Interpellé par celuici, je cherchai, autant qu'il dépendait de moi, à les rapprocher l'un de l'autre, et à concourir ainsi à un arrangement qui rétablit le culte catholique dans toute la France et prévînt de nouveaux malheurs en Italie.....

<«< Enfin, à la suite d'une nouvelle conférence qui eut lieu le 15, on tomba d'accord, moyennant l'expression en se conformant aux règlements de police nécessaires à la tranquillité publique ; et la convention fut signée, de la part du Pape, par le cardinal Consalvi, Mgr Spina et le P. Gazelli (Caselli); et, de la part de la France, par les trois plénipotentiaires susmentionnés. La préséance du Pape a été observée dans les deux exemplaires de la convention, de manière que tous les plénipotentiaires ont signé dans la même colonne, en premier lieu le cardinal, ensuite Joseph Bonaparte, puis Mgr Spina, le conseiller d'Etat Cretet, le P. Gazelli et enfin l'abbé Bernier. Le cardinal n'ayant pas cru pouvoir me donner copie de

1

Il vient de parler de l'entrevue de Joseph avec le Premier consul avant diner.

l'acte avant qu'il n'ait été ratifié, je dois me borner à en joindre ici l'extrait que j'ai fait de mémoire sur des notions qui me sont parvenues par des voyes tout à fait indirectes. Le cardinal n'attendra pas ici l'arrivée des ratifications, sa charge de Secrétaire d'Etat exigeant sa présence à Rome. Il laissera ici Mgr Spina pour y soigner les intérêts du Saint-Siège. Le rétablissement du culte catholique en France produira sans doute un fort bon effet pour le gouvernement actuel, le gros de la nation étant, dans le fond du cœur, attaché à la religion et les contradicteurs se bornant aux soi-disant philosophes presque tous concentrés dans la capitale'. »>

C'était une ère nouvelle qui commençait pour l'Eglise de France.

Cette dépêche inédite de Cobentzel m'a été communiquée par un écrivain allemand fort distingué, M. Fournier, qui l'a copiée aux Archives impériales.

CHAPITRE VII

LA RATIFICATION ET LES ADDITIONS

CONCLUSION

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Comparaison matrimoniale. Les constitutionnels et les Articles organiques. La Convention examinée à Rome. Les théologiens et les diplomates dans l'Église.

salvi. Les votants et les votes.

Absence de Maury.

sur la formule.

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Opposition contre Con

Le cardinal Antonelli.

La ratification est décidée. Discussions

Actes complémentaires. La Bulle et les Brefs. - Envoi d'un légat à Paris. - La ratification à Paris. Lune de miel. Diners et cadeaux. Texte de la Convention. — Appréciation de la Convention. — Additions ultérieures et subreptices. Appréciation des Articles organiques. Les ennemis du Concordat. - L'avenir du Concordat.

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Qu'on nous permette une comparaison familière : Lorsqu'un jeune homme se marie malgré sa famille et qu'il réussit à lui imposer la femme qu'il a choisie, c'est ordinairement celle-ci qui souffre du mécontentement des parents. Autant qu'ils le peuvent, ils lui rendent la vie dure, la chicanent sur la dot, l'installent chichement, l'entourent de gens à leur discrétion et la poursuivent de leurs épigrammes ou de leurs mauvais procédés. Il n'est pas rare que l'époux laisse dire et laisse faire, n'ayant point la force de se dégager de son milieu, surtout s'il s'est marié par intérêt plus que par inclination. Quant à la femme, si elle aime profondément, elle se montre patiente,

ne se plaint pas ou se plaint doucement et se résigne à beaucoup de sacrifices pour avoir la paix. Cet intérieur domestique représente exactement la situation réciproque de Bonaparte, de l'Église et des politiques. nombreux et puissants malgré lesquels s'était conclu l'accord. N'ayant pu l'empêcher ils se vengèrent, qu'on me passe l'expression, en introduisant dans le ménage deux éléments de discorde qui en compromirent bientôt l'harmonie : une question de personnes qui causa de graves ennuis au Saint-Père, et une question de droit qui pèse encore sur les relations de l'Église et de l'État en France. Ils entreprirent d'introduire les anciens constitutionnels dans le nouveau clergé et réussirent à les imposer à Rome : c'est la question de personnes qui se posa immédiatement après la signature du traité. Ils fabriquèrent clandestinement contre l'Église une législation oppressive et tracassière qu'ils ne publièrent qu'après huit mois, en même temps que le Concordat lui-même, auquel ils prétendirent la joindre indissolublement : c'est la question de droit ou des Articles Organiques.

La convention était à peine signée que le Premier consul, recevant Consalvi, le 20 juillet, le juillet, le surprenait fort désagréablement en lui annonçant sa volonté de nommer sept ou huit intrus aux sièges qui allaient être pourvus.

— Mais, général, le Concordat ne parle point des intrus. Il m'a été remis en votre nom une note officielle

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