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vers Tribunaux, chacun d'eux doit être saisi et statuer sur les honoraires gagnés devant lui. (V. J. A., t. 40, p. 287, et t. 44, p. 156.) Mais la Cour de cassation a jugé que l'art. 43 du décret de 1810 étant abrogé par l'ordonnance de 1822, et les avocats n'ayant jamais été compris sous la dénomination d'officiers ministériels, l'action en payement d'honoraires ne pouvait être considérée que comme une action purement personnelle et mobilière, de telle sorte que le juge de paix lui-même serait compétent si la quotité de la demande n'excédait pas le taux fixé par la loi du 24 août 1790 (V. arr. 6 avril 1830; J. A., t. 39, p. 293.)

Une circulaire du garde des sceaux du 13 février 1823 décide qu'il n'est pas dû d'honoraires aux avocats dans les causes sommaires. (J. A. t. 9, p. 296, no. 132.) C'est ce que porte aussi l'art. 67 du tarif; mais cette disposition doit être entendue en ce sens que les honoraires n'en. trent pas en taxe, et ne peuvent être répétés contre la partie qui sụccombe; du reste l'avocat n'en a pas moins une action en paiement contre son client.

Les avocats sont soumis à l'action disciplinaire du conseil de l'ordre : mais cette action ne fait point obstacle au droit qu'ont les Tribunaux de réprimer les fautes commises à leurs audiences, non plus qu'à l'exercice des poursuites que le ministère public ou les parties civiles se croiraient fondés à intenter devant les Tribunaux, pour la répression des actes qui constitueraient des délits ou des crimes (Ord. 1822, art. 16 et 17; arr. cass. 27 avril 1820; J, A., t, 6, p. 197, no 46).

Depuis l'ordonnance du 27 août 1830, les conseils de discipline sont élus directement par l'assemblée de l'ordre, composée de tous les avocats inscrits au tableau. L'élection serait nulle si des avocats stagiaires 'ou non inscrits y avaient concouru. (Arr. Bourges, 13 mar 1834, infra p. 427.)

Une difficulté grave s'est élevée tout récemment sur la question de savoir si les Tribunaux avaient encore, aux termes de l'art. 10 de l'ordonnance du 20 novembre 1822, le droit d'exercer les fonctions de conseil de discipline, lorsque le nombre des avocats exerçant près d'eux ne permettait pas de procéder à une élection. Quelques auteurs avaient pensé que la disposition de l'ordonnance de 1822 avait été abrogée par l'ordonnance de 1830, et réclamaient un nouveau règlement pour combler la lacune qu'ils avaient cru apercevoir; mais la Cour de cassation vient de juger, dans l'affaire de M. Laurent, que cette lacune n'existait pas, et que l'art. 10 de l'ordonnance de 1822 était toujours en vigueur. (V. infra, p. 441, l'arrêt du 18 juin 1834, et nos observations.)

Aucune peine de discipline ne peut être prononcée sans que l'avocat inculpé ait été entendu ou appelé, avec délai de huitaine. A Paris, l'invitation de comparaître se fait par simple lettre du bâtonnier ou du secrétaire (1).

Mais l'appel de l'avocat contre une décision du conseil de discipline doit être interjeté par exploit, et non par lettre au bâtonnier. (Arr. Nimes, 30 juillet 1825; J. A., t. 30, p. 121.)

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(1) Suivant arrêt de la Cour suprême, du 20 février 1823, l'avocat qui n'a pas comparu sur cette citation peut former opposition s'il a été condamné par défaut.

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La faculté d'appeler des décisions disciplinaires appartient non seulement à l'avocat, mais au procureur général. Elle n'appartient à l'avocat que dans les cas où l'interdiction à temps ou la radiation a été prononcée contre lui. Si donc le Tribunal s'est borné à lui adresser soit une réprimande, soit l'injonction d'être plus circonspect à l'avenir, l'appel est non recevable. (Arr. cass. 17 mai 1828; J. A., t. 35, p. 268.)

Le délai pour se pourvoir est de dix jours, à partir de la communca tion donnée par le bâtonnier de la décision rendue, et ce à peine de déchéance. (Arr. cass., 23 juin 1828; J. A, t. 35, p. 269 ) Cette déchéance est d'ordre public, et peut être suppléée par la Cour, quoique le ministère public ait paru y renoncer (Nîmes, 30 juillet 1825 ; J. A., t. 30, P. 121.

Les Cours statuent sur cet appel en assemblée générale et dans la chambre du conseil, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 52 de la loi du 20 avril 1810, pour les mesures de discipline qui sont prises à l'égard des membres des Cours et Tribunaux (1). Lorsque l'appel a été interjeté par l'avocat condamné, la Cour peut prononcer une peine plus forte que celle requise par le ministère public, même lorsque celui-ci n'a pas appelé. (Ord. 1822, art. 27 et 28; arr. cass., 27 avril 1820; J. A., t. 5, p. 197. n. 48.)

Il n'y a point ouverture en cassation contre les arrêts des Cours royales rendus sur l'appel des décisions des conseils de discipline (Cass. 20 avril 1830; J. A., t. 39, p. 12); à moins que le pourvoi ne porte sur la compétence même des magistrats qui ont prononcé. C'est la distinction qu'a très nettement et très-logiquement établie M. DUPIN, dans le beau réquisitoire qu'il a prononcé devant la chambre des requêtes, dans l'affaire de M. PARQUIN, (V. suprà p. 257 et suiv.)

Mais il reste toujours à décider, et c'est une question d'un haut intérêt, si l'art. 103 du décret du 30 mars 1808 est applicable aux avocats: la Cour de cassation n'a pas voulu se prononcer sur ce point.(V. suprà p384), et cela est fâcheux, parce que c'est à elle surtout qu'il appartient de fixer les incertitudes de la jurisprudence.

Lorsqu'un avocat dépasse les bornes d'une légitime défense en injuriant les tiers dans une affaire civile, ou un témoin dans une affaire criminelle, c'est au tribunal devant lequel il plaide à l'y faire rentrer : telle est la doctrine enseignée par tous les auteurs, et qui est confirmée par la jurisprudence. (Cass., 18 floréal an XII, 3 brum. an X, 5 messidor an XII, 18 prairial an XII. 18 messidor an XII, 16 avril 1806; Rouen, 25 mars 1807, t. 5. p 118, no. 2.)

La défense est de droit en matière disciplinaire, comme en toute 'autre matière; cependant si l'avocat n'avait pas été présent au jugement de condamnation, dans ce cas son opposition devrait être reçue. (Arr. Cass. 25 février 1823; J. A., t. 25, p. 59.)

La maxime non bis in idem ne s'applique pas aux matières disciplinaires, c'est-à-dire que l'avocat, qui a été condamné par un tribunal

(1) Les Cours royales, dans ce cas, doivent, à peine de nullité, être composées d'un nombre de magistrats tel que chacune des chambres qui concourt à l'assemblée générale puisse elle-même réunir le nombre de magistrats nécessaire pour sa composition légale. (Cass. 3 aóùt 1831; reroblé, 3 juillet 1837; J. A., t. 35, p. 106.)

exerçant son droit de police, peut être traduit à raison du même fait devant le même tribunal remplissant les fonctions de conseil de discipline, conformément à l'ord. de 1822. (Arr., Grenoble, 26 déc. 1828; J. A., t. 37, p. 222; cass., 20 avril 1820, t. 34, p. 163.)

· On remarquera que lorsqu'un tribunal a à prononcer des injonctions à un avocat, il doit le faire immédiatement, sinon constater le fait par procès-verbal (Arr. Metz, 20 mai 1820 ; J. A., t. 5, p. 203, no. 50): dans ce cas, la preuve testimoniale n'est pas admise contre le procès-verbal, il subsiste jusqu'à inscription de faux. (Grenoble, 26 décembre 1828, t. 37, p. 222) (1).

La Cour royale de Metz a jugé que les avocats et avoués plaidant leur propre cause doivent être considérés comme parties, et que les dispositions de la loi relatives aux injonctions à faire aux avocats et officiers ministériels cessent, dans ce cas, de leur être applicables (Metz, 20 mai 1820, t. 5, p, 202, no. 49): mais la Cour de Grenoble a décidé qu'il devait en être autrement lorsque les avocats ou avoués, quoique plaidant une cause qui leur est personnelle, étaient revêtus des insignes de leur profession. (Arr., 26 déc. 1828, t. 37, p. 222.) - Il est certain que dans l'usage, les avocats ou avoués, et même les magistrats plaidant leur propre cause, ne prennent pas le costume qui est affecté à leurs fonc. tions ou à leur profession; mais cependant nous ne croyons pas que cette seule circonstance du costume doive modifier la décision très-sage et très-générale de la Cour de Metz, décision qui nous semble préférable de tous points à la distinction faite par la Cour de Grenoble. Nous terminerons en faisant remarquer que les avocats à la Cour de cassation ne sont justiciables que de cette cour pour faits de charge relatifs à leurs fonctions (Cass., 6 juillet 1813, t. 5, p. 182 no. 34), à moins que ces faits n'aient rapport aux fonctions d'avocat aux conseils. Dans ce cas, M. CARNOT et M. JOYE sont d'avis que le conseil d'état est compétent; mais d'autres auteurs pensent que c'est le ministre de la justice qui doit en connaître. Nous ne croyons pas, sur cette question, devoir devancer la jurisprudence qui n'a pas eu l'occasion de se prononcer jusqu'ici.

AD. BILLEQUIN, avocat à la cour royale de Paris.

DISSERTATION.

Jugement par défaut. Régie de 'l'Enregistrement. Péremption. Opposition.

Lorsque la régie de l'enregistrement a été condamnée par défaut à la restitution d'un droit indûment perçu, la signification de ce jugement suivie d'un commandement suffit-elle pour interrompre la péremption et pour faire courir les délais de l'opposition?

(1) Cependant la preuve testimoniale serait admise si l'avocat voulait établir l'existence d'une décision disciplinaire prononcée contre lui, quoique cette décision n'eût pas été inscrite sur la feuille ou consignée au greffe. (Arr., Grenoble, 7 juillet 1827 ́; t. 34, p. 163. )

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Cette question est complexe. Voici dans quelles circonstances elle se présente.

Dans le courant du mois de janvier dernier, la société dite du Nouveau quartier, dont le siége est à Mulhouse, obtint contre la régie de l'enregistrement un jugement par défauts qui la condamnait à la restitution d'une somme de 4,000 francs environ pour droits indûment perçus.

Ce jugement fut signifié au receveur du bureau de Mulhouse qui avait fait la perception et qui visa l'original de l'exploit de signification.

Quatre mois après, commandement de payer fut fait au même receveur et également visé par lui, mais sans aucun résultat. Or, on nous fait remarquer que, d'après la législation spéciale, il est impossible à la société de passer outre et de contraindre l'administration à une exécution à laquelle on ne comprend pas qu'elle se refuse, puisqu'elle n'attaque pas le jugement. On demande donc si, dans de pareilles circonstances, le jugement est susceptible de péremption, et si la régie est encore dans les délais pour y former opposition.

Avant d'aborder la difficulté, en droit, nous croyons devoir faire remarquer que le receveur de Mulhouse a contrevenu aux instructions de son administration en n'exécutant pas le jugement qui lui a été signifié.

En effet, l'art. 75 des ordres généraux porte: « Les rece» veurs doivent effectuer les restitutions aussitôt qu'elles sont » ordonnées par l'administration, le directeur, ou un tribunal; elles se font dans ce dernier cas, A LA PREMIÈRE NOTIFICATION, » et sous réserve, s'il y a lieu. »

Dans les no. 38g et 606 des instructions générales, il est dit:

« Si un jugement est contraire à la demande de l'adminis»tration, receveur »tration, le receveur ne payera les dépens ou n'effectuera la » restitution, si elle a été ordonnée, qu'après y avoir été au» torisé par le directeur; Á moins qu'il n'y ait ÉTÉ CONTRAINT » PAR LA SIGNIFICATION DU JUGEMENT: dans ce cas, il payera DE » SUITE, mais il exigera qu'il soit exprimé dans sa quittance qu'il est réservé à l'administration de se pourvoir, etc........»

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Il est clair, d'après ces instructions qui sont des plus précises, que le receveur de Mulhouse a manqué à son devoir en n'exécutant pas le jugement, tandis qu'au contraire il n'y a aucun reproche à adresser à la société du Nouveau quartier, qui a fait tout ce qui était légalement possible pour arriver à cette exécution. Ainsi, il demeure constaté que si le jugement se trouve aujourd'hui paralysé, c'est parce que, 1°. la législation spéciale s'oppose à une exécution forcée contre le trésor; et 2°. parce que le receveur, soit ignorance, soit mauvais vouloir, a refusé de l'exécuter volontairement, malgré les instructions de son administration.

Dans cette position, la régie pourra t-elle opposer la péremption de l'art. 156 C. P. C.? -Non. La loi n'a pas pu vouloir l'impossible: elle serait absurde si, d'un côté, elle défendait au créancier d'exécuter le jugement qu'il a obtenu, et si, de l'autre, elle déclarait ce créancier déchu, faute par lui d'avoir exécuté dans un certain délai : ce serait là un résultat monstrueux contre lequel on ne peut pas s'élever avec trop d'énergie.

Reconnaissons donc que, lorsque le créancier a fait pour arriver à l'exécution tout ce qui lui était légalement possible le jugement n'est plus susceptible de péremption.

Il serait facile de citer, à l'appui de cette opinion, un assez grand nombre d'arrêts qui, s'ils n'ont pas été rendus dans des espèces semblables, sont du moins fondés sur le principe que nous invoquons. Par exemple, la Cour de Caen a jugé que, lorsque le créancier n'a aucun moyen d'exécuter le jugement, il n'y a point de péremption possible (arr. 3 août 1815); jugé de même par la Cour de Paris, lorsqu'il y a impossibilité matéreille provenant du débiteur lui-même. (Arr. 22 juin 1814; J. A. t 15, p. 3go, n°. 130. ) (1)

Mais la difficulté la plus sérieuse est celle de savoir si la rẻgie est encore dans les délais pour former opposition.

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Nous penchouis pour la négative, Selon nous, il faut, pour être conséquent, ou reconnaître que le commandement equivaut à l'exécution, ou décider que, dans la matière spéciale qui nous occupe, il n'est pas nécessaire que l'exécution soit connue ou réputée telle, et qu'il suffit que le jugement le soit.

Il y a sans doute quelques objections à présenter contre cette décision; mais combien d'objections plus graves et plus sérieuses ne soulèverait pas l'opinion contraire? Toutefois, nous sommes des premiers à reconnaître tout ce que la ques tion présente de délicat et de difficile. Il faut qu'elle le soit beaucoup, puisque M. BONCENNE, qui ne l'examine, il est vrai, qu'accidentellement et dans des circonstances on peu différentes de celles que nous avons rappelées, n'a pas voulu se prononcer d'une manière catégorique, et qu'il en appelle au fégislate

Voici ses paroles :

« On va m'arrêter, peut-être, et me demander comment il sera donné d'atteindre le but, si le jugement ne porte aucune condamnation de dommages-intérêts ou de dépens, qui serve à frapper d'abord la partie condamnée, pour dégager la voie d'exécution envers les tiers. Ainsi, un père assigné en mainlevée de l'empêchement qu'il a mis au mariage de son fils, ne comparaît pas; le jugement, qui donne la main-levée par dé, (1) V. 7. äussi infrà, p. 492, 2o. l'ârrêt de la cour de Pau du 21 janvier 834 et la note.

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