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de lignée, en ce que fa terminaison marque ce qui fait la ligne; & celle de lignée, le résultat du lignage, ou la ligne formée par la fucceffion des perfonnes, ou l'enfemble des lignes tirées du même point, je veux dire des perfonnes defcendues du mêine pere. Nous difons encore des gens de haut parage: ce mot s'employoit quelquefois pour parentage: mais il exprime proprement la parité, l'égalité de nobleffe; de par, pair.

Le mot de famille a diverfes acceptions fi connues, qu'il feroit inutile de s'y arrêter. Dans l'ordre civil, il y a des familles notables, honnêtes, bonnes, bourgeoifes, roturieres, plebéïennes, tout comme des familles nobles, grandes, illuftres, puiffantes. On dit famille de robe ou d'épée. Les maifons ont beau faire, elles font toujours des familles, & leurs actes civils le leur rappellent fans ceffe: elles peuvent s'en confoler, puifque nous disons les familles de Scipion, des Fabius, des Céfars. Un fils de famille a une famille établie & connue. Mais il y a dans le bas peuple une foule de malheureux, qui,, abandonnés, ifolés, ne tenant à rien, ne tenant rien que l'existence de leurs parens, n'ayant euxmêmes aucun établiffement, femblent n'avoir civilement point de famille.

Il n'y a que des maifons illuftres ou très-nobles: il n'y a de maisons que dans les fociétés civiles où il fe trouve une grande inégalité de conditions. On dit fort bien des Maifons Souveraines, cela s'en tend: mais on ne comprend pas fi bien comment tant de familles font tout à coup érigées en maifons, fans titres ni d'ancienneté ni d'illustration. Les Médicis étoient des hommes nouveaux, mais ils furent Princes. Il s'éteint beaucoup de grandes

maifons, parce qu'en général, quelque riches qu'elles foient, elles ne font pas affez riches pour avoir des enfans: il eft vrai qu'il y a beaucoup de familles habiles à leur fuccéder, & même à les reffufciter avec des généalogies que Chérin n'a pas faites. Il eft à remarquer que ces maifons, quoique leur dénomination ne foit tirée que de la maifon qu elles habitoient originairement, n'habitent plus des maisons; leur habitation est tout au moins un hôtel, fuffent-elles logées dans un appartement de cent écus: & c'eft auffi leur train qu'ils appellent leur. maifon.

Čes détails ne font point du tout étrangers à mon deffein, comme on pourroit d'abord le croire. J'explique notre Langue actuelle aux races futures.

Radieux, Rayonnant.

D'ABORD le corps radieux eft tout rayonnant de lumiere. L'effufion abondante de la lumiere rend le corps radieux; & l'émiffion de plufieurs traits de lumiere le rend rayonnant. Vous diftinguez les rayons du corps rayonnant: dans le corps radieux, ils font tous confondus.

Le soleil est radieux à son midi : à fon coucher, il est encore rayonnant. L'aurore rayonnante commence à jetter des feux : l'aurore radieufe eft dans tout fon éclat.

L'éclat fuppofe la férénité; mais des rayons épars ne l'exigent pas. Ainfi l'objet rayonnant n'a pas befoin d'être ferein, comme l'objet radieux doit l'être; & au figuré, cette férénité, figne de

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la fatisfaction & de la joie, c'eft précisément ce qui éclate dans l'air, dans le visage, fur le front radieux.

Le foleil eft radieux avec un ciel pur: à travers des nuées tranfparentes, il n'eft que rayonnant. L'époux qui fort enivré de la couche nuptiale, eft radieux : l'époux qui en fort glorieux, eft rayonnant. A Dieu ne plaife que je prétende par-là remarquer une tache dans l'image de l'Ode facrée cù Rouffeau, d'après le Pfalmifte, représente le foleil ouvrant fa carriere:

Comme un époux glorieux,
Qui, dès l'aube matinale,
De fa couche nuptiale,

Sort brillant & radieux.

A proprement parler, les rayons émanent du corps radieux; & ils environnent un corps rayon

nant.

En Optique, le point radieux jette de fon fein une infinité de rayons : le criftal, frappé d'une vive lumiere, eft tout rayonnant.

Une femme, couverte de diamans, eft rayonnante; mais elle n'en eft pas plus radieufe. Une payfanne, parée de fa feule joie & d'une joie pure, eft radieufe, fans être rayonnante.

Nous difons familiérement d'un homme qui a un air de bonne fanté, de contentement, de jubilation, qu'il est radieux : nous disons de quelqu'un qui vient de remporter un avantage honorable, un grand prix, une victoire, qu'il eft tout rayonnant de gloire. Le premier eft plein de fatisfaction ou de joie les hommages, les honneurs environnent

le fecond. Le Lecteur remarquera fans doute le contrafte de l'image riante avec l'image févere, formé dans ces deux phrafes par l'oppofition des deux épithetes.

Enfin le mot radieux marque la propriété, la qualité de la chofe ; & le mot rayonnant, une circonftance de la chofe, le fait préfent.

Un corps lumineux par lui-même, eft plus ou moins radieux; & quand il répand fa lumiere, il eft plus ou moins rayonnant.

Le Soleil de Justice eft radieux par lui-même : Jésus-Chrift fera rayonnant, quand il viendra juger les vivans & les morts.

Ces différences naiffent prefque toutes de la valeur des terminaifons. Ant, terminaifon du participe préfent, fignifie ce qui eft actuel, ce qui fe fait, ce qui arrive, le fait ou fes circonftances; tandis que la terminaifon eux défigne la propriété, l'abondance, la plénitude, la force.

Ro défigne la lumiere: les Latins en ont fait rad; d'où radiofus, radieux: nous en avons fair rais, rayon; d'où rayonner, rayonnant.

Râle, Rálement.

CES mots imitent parfaitement le bruit ou les fons rauques qui fortent de la gorge, lorfque les canaux de l'expiration font obftrués ou embarraffés, dans l'agonie fur-tout. La multitude des onomatopées fenfibles, répandues dans toutes les Langues, devroit au moins perfuader aux Philofophes qui ne veulent rien comprendre au prodige

de la formation du langage, que la Nature en donne le modele & les moyens.

Mais eft-ce donc pour ne rien dire que de râle on a tiré râlement? Je croirai que ces deux mots fignifient la même chofe, quand on m'aura perfuadé que raisonnement ne veut dire autre chofe que raifon, & ainfi de mille autres exemples femblables.

Je l'ai déjà dit ailleurs en paffant, & il est bon de le rappeller ici: la terminaifon fubftantive ment défigne la puiffance, le moyen, l'inftrument, ce qui fait qu'une chofe eft ainfi, ce qu'opere l agent, ce par quoi un effet eft produit. Ainfi râle exprime le bruit que l'on fait en râlant; & râlement marque la crife qui fait qu'on râle, qui donne le râle. Ün agonifant a le rále, & il est dans le râlement. Vous entendez le râle ; & vous voyez la poitrine oppref fée, la gorge embarraffée, l'expiration troublée par le râlement.

Appliquez cette regle aux mots qui ne semblent différenciés matériellement que par le même trait diftinctif. Ainfi de rabais, rabaiffement, ce qui fait qu'une chofe diminue de prix: de hauffe, hauffement, ce qui opere la hauffe: d'habit, habillement, cet enfemble de vêtemens par quoi on eft habillé : de raifon, raifonnement, ce qui fait ou développe une raifon : de chaîne, enchaînement, ce qui forme ou compofe la chaîne; d'avance, avancement, ce qui produit l'avance, ce qui fait avancer: de biais, biaisement, ce qui fait biaifer, aller de biais: de regle, réglement, ce qui donne des regles ou établit la regle: d'abrégé, abrégement, ce qui abrege: de foulas, foulagement, ce qui foulage ou produit le foulas: de

rançon,

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