Page images
PDF
EPUB

logement des troupes font le bien de la nation, & non la propriété particuliere du foldat.

La formation de la garde non-foldée ne fit pas moins d'honneur au patriotifme des Parifiens. Toute la jeuneffe courut fe faire infcrire avec un honorable empreffement, & l'on vit l'ancien militaire & le négociant, l'artifan & le magiftrat venir fans diftinction d'état & de rang, placer leur nom fur le rôle des foldats de la liberté. Ceux que leur âge ou leur fanté priva de l'honneur de marcher fous les mêmes enfeignes, s'emprefferent du moins de le procurer à ceux que la pauvreté en tenoit éloignés, & fournirent aux frais de l'habillement des citoyens honnêtes, mais peu fortunés. Quelques altercations entre les jeunes gens fur les grades militaires & les épaulettes, produites par cette fureur des diftinctions, malheureux fruit de nos inftitutions ferviles, affligerent les vrais amis de la liberté ; mais ces légers nuages furent bientôt diffipés. On sentit que l'égalité civile étoit la plus noble prérogative du citoyen, l'uniforme national la plus belle décoration. Les clercs de la bazoche, qui pour fe mettre plus

en état de fervir la patrie s'étoient réunis en légion particuliere, & qui par un zele infatigable à escorter les convois de vivres, avoient été très-utiles à la capitale donnerent en même temps un exemple honorable d'efprit public & de fubordination, en renonçant à former une corporation militaire, & en follicitant l'honneur de porter l'habit de foldat citoyen.

L'enthoufiafme guerrier, qui faifit tous les rangs & tous les âges, transforma Paris en un vafte camp, & entretint dans les efprits cette fermentation fi néceffaise dans le commencement d'une révolution. Les canons furent diftribués entre tous les bataillons, & chaque district fit bénir fes drapeaux. Ces cérémonies nouvelles, ces fêtes civiques fouvent répétées, contribuerent à changer les anciens plaifirs du peuple, & à lui infpirer des goûts plus analogues à la dignité d'hommes libres. Mais lorfque la garde nationale entiere vint dans le plus augufte de nos temples préfenter tous fes drapeaux aux bénédictions du ciel, nos ennemis mêmes s'émurent à la voix de l'orateur patriote qui donnoit à la liberté la fageffe pour guide, & la régénération des mœurs pour bafe. L'explofion de mille fufils

tirés au même inftant fit retentir les voûtes facrées, l'artillerie répondit au dehors & le ferment de vivre & mourir libres, de demeurer toujours fideles à la nation, à la loi & au roi, fut le cri unanime de tous les citoyens,

B S

CHAPITRE III.

Déclaration des droits de l'homme.

Dan

gers de fa proclamation. Projets de MM. de la Fayette, l'abbé Sieyes & Mounier. Altercations orageufes à ce Jujet. Avantage remporté par les partitifans de la liberté. -- Obfervations fur

[ocr errors]

cette déclaration.

L'ASSE ASSEMBLÉE nationale après avoir diffipé les tenebres affreuses que la nuit de la féodalité avoit épaiffies fur toute la furface de la France, & apporté des foulagements aux maux preffants du peu ple, s'occupoit à pofer les fondements d'une conftitution libre. Elle avoit promis à la France, & au genre-humain le bienfait d'une déclaration des droits de l'homme. Cet ouvrage qui ne doit être que l'expofition de quelques vérités éternelles, applicables à toutes les affociations politiques & à toutes les formes de gouvernement, paroiffoit très-fimple La nature & peu fufceptible de con

teftations & de doutes. Cependant elle éprouva bientôt que rien n'eft plus difficile que de proclamer hautement ces grands principes au milieu d'un peuple vieilli dans la barbarie d'inftitutions anti-fociales, fur-tout lorsque cette proclamation eft destinée à former le préambule d'une conftitution qui n'existe pas

encore.

Les projets de déclarations des droits fe multiplioient tous les jours; mais les réfultats les plus immédiats des vérités les plus évidentes bleffant une foule de prétentions & de préjugés, l'amour-propre & l'intérêt oppofoient avec violence les objections les plus futiles à des féries de principes immuables comme l'éternité. Les difficultés alloient en augmentant, & les meilleurs efprits eux-mêmes placés entre la voix impérieuse de la juftice & de la vérité qui ordonne de tout dire, & les timides confidérations de la prudence qui défendent de mettre entre les mains de la multitude des armes qu'elle pourroit tourner contre ellemême, effrayés en outre de l'ignorance abfolue où ils étoient des bafes qui feroient adoptées par la conftitution, demeuroient en fufpens, dans la crainte

« PreviousContinue »