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exécutif fubitement paralyfé dans toutes fes parties ne pouvoit plus contenir la force publique, ni diriger fon action; le frein des loix anciennes étoit fans vigueur les tribunaux fans puiffance, les magiftrats fans autorité tout l'empire fembloit livré à la violence d'une aveugle multitude. A la vue des débris de tant de coloffes abattus, les ennemis du bien public, malgré leur confternation, n'en concevoient pas moins l'affreufe efpérance de voir naître l'anarchie de cette déforganisation générale, & de courber de nouveau fous le joug une nation dont l'inconftance & la légèreté avoient fait jufqu'à cette époque le principal caractere. Mais l'efprit de civifme déja répandu par la liberté naiffante débrouilla le chaos; la lumiere jaillit du fein des ténebres chaque citoyen réfléchit fur fes devoirs, & reconnut qu'ils tenoient effentiellement à fes véritables intérêts. A l'inftant de nouveaux liens de fubordination s'étendent d'une extrêmité à

l'autre du royaume, & chaque cité rappelle dans fon enceinte ce gouvernement municipal fi chéri de nos ancêtres. Cette administration paternelle, , ap→ puyée de plufieurs millions de foldats

citoyens, repouffe le fléau menaçant de l'anarchie, jette un effroi falutaire parmi les ariftocrates & les brigands, & malgré les défordres produits par les vengeances foudaines du peuple, & plus encore par les ténébreuses manœuvres des agents du defpotifme; il eft vrai de dire que jamais révolution fi abfolue dans les loix, les mœurs & les préjugés d'une grande nation, ne fut fouillée de moins de fang & de forfaits.

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La France entiere préfentoit à l'Europe le plus impofant, le plus nouveau des fpectacles; chaque jour voyoit éclore nombre de scenes rapides & variées, qui rapprochées les unes des autres, fe prêtoient un intérêt mutuel, & ranimoient le courage des amis de la liberté. La capitale fur tout continuoit d'offrir un tableau mouvant, dont l'œil avoit peine à faifir l'ensemble, & à fuivre le développement. Placée au centre des difcuffions & des mouvements politiques, elle étoit fortement ébranlée de toutes les fecouffes qui agitoient le royaume ; les paffions rivales s'y déployoient avec plus d'énergie, les partis contraires s'y heurtoient avec plus de fureur. C'étoitlà que les brillants & dangereux reptiles

qui infeftoient les avenues du trône venoient aiguifer tous leurs dards & diftiller tous les venins: mais c'étoit-là auffi que la haine de la tyrannie étoit plus ardente, que l'idolatrie de la liberté étoit plus extrême : fur les ruines encore fanglantes de la baftille étoit le foyer de cette flamme patriotique qui devoit embrâfer & régénérer la

nation.

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Ce n'étoit plus Paris, mais une ville nouvelle & un peuple nouveau; ici des monafteres convertis en cafernes; là, des citoyens armés à la place des fuppôts de la police; plus loin, des batteries de canon dreffées à l'entrée des marchés, à la porte des églifes; les places publiques devenues des places d'armes ; les rues & les maifons retentiffant du bruit des exercices militaires, tout annonçoit la plus étrange métamorphofe. L'efprit général, les habitudes, la démarche, le coftume avoient également changé : les fpectacles étoient déferts; les jardins & les promenades n'étoient plus des rendez-vous de petits- maîtres oififs & de femmes frivoles, mais de citoyens de tout rang, de tout fexe, de tout âge, profondément occupés des intérêts de la

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patrie la jeuneffe fe portoit en foule des corps de garde aux districts, & s'exerçoit dans ces affemblées populaires à difcuter & à foutenir les droits des hommes; de longues files de jeunes femmes & de jeunes filles, vêtues de robes blanches, parées des couleurs de la nation, précédées de fifres, de tambours & de tymbales, marchoient au temple, efcortées de cohortes citoyennes, & après avoir remercié le ciel de la conquête de la liberté, venoient à l'hôtel de ville rendre hommage aux héros de la révolution.

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La religion elle-même dévenue nationale, confacroit ces fêtes civiques; l'encens fumoit fur les autels; la chaire de vérité fi long-temps proftituée au defpotifme des prêtres & des rois, fi long-temps forcée de mentir aux droits du genre humain en prêchant le dogme impie de l'obéiffance paffive, & de rendre Dieu même complice des tyrans, affranchie des entraves honteufes qui l'aviliffoient depuis tant de fiecles, proclamoit enfin les vraies loix de la nature, & nous appelloit à la liberté, au nom de l'évangile. La patrie en deuil offroit le facrifice redoutable pour les généreux A S

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défenfeurs qui avoient verfé leur fang pour elle, & les miniftres facrés ajoutoient la palme des martyrs aux lauriers dont leurs tombeaux étoient couverts. Deux compagnies, tambours battants enfeignes déployées, conduifoient à l'hôtel de ville le premier orateur de la liberté françoife, M. l'abbé Fauchet; il marchoit au milieu des applaudiffements, entouré des officiers des difricts. & précédé d'un héraut qui portoit une couronne civique on fe croyoit tranfporté aux beaux jours de Rome & d'Athenes.

Mais le fon bruyant du tambour qui rappelloit fans ceffe les citoyens fous les armes; ces convois de vivres escortés de foldats de différents uniformes & de troupes de bourgeois couverts de feuillages & de pouffiere; ces canons que des partis de milice alloient enlever des châteaux voifins de la capitale & que l'on y amenoit tous les jours en triomphe; tout cet appareil de guerres & de combats au milieu des fêtes & des réjouiffances, mêloit au fouvenir des victoires paffées le fentiment d'un danger préfent, & jetant des objets de terreur au milieu des tranfports de l'alégreffe,

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