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DÉLIBÉ

ÉLECTION MUNICIPALE JANSÉNISTE.

CONTRE-ÉLECTION

ARRIVÉE DE LA MARÉCHAUSSÉE DE TRÉVOUX. ORTHODOXE. - ÉMEUTE, RÉPRESSION, VIOLENCES. ARRESTATION ET DÉTENTION DES DEUX BONJOUR.

LEUR ACQUITTEMENT A LYON.

L'oligarchie de Fareins composée de sept ou huit légistes voltairiens, et d'une cinquantaine de vignerons restés catholiques, qui se donne résolûment pour « le plus grand nombre » dans une commune de 1,000 à 1,200 habitants, a une arithmétique fort particulière. Elle a aussi une logique surprenante, mais qui ne lui est pas propre. Les PP. La Chaise ou Tellier, les casuistes de leur compagnie, eussent suggéré l'argument qu'on va faire valoir pour tourner la déclaration du 24 août 1789 : << Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, etc. » — Ils eussent approuvé les insinuations risquées qu'on va donner pour des faits constants, applaudi aux violences qui suivirent et qui sont imitées des temps monarchiques.

>>

Lisons, sinon la délibération, du moins ses plus beaux endroits : « Les Cinquante-sept,

» Considérant qu'ils forment le plus grand nombre..., que la troupe de Bonjour est composée de locataires, femmes, fils et filles en puissance de maris et de pères

dont ils méprisent l'autorité, et de gens qui, ayant très peu à perdre, sont prêts à tout oser...

>> Que le mépris des lois de la morale.... est au comble dans la paroisse...

» Que les gens sensés, opposés aux Bonjour, ont tout à craindre puisqu'Ils enseignent que Dieu peut commander l'assassinat et qu'ils font parler Dieu à leur volonté...

» Que le seul remède aux maux menaçant cette paroisse et toute la province, car la doctrine de Bonjour se propage dans les environs, serait une procédure criminelle faite par le juge ecclésiastique et le juge royal contre les Bonjour et leurs principaux complices...

» Que la seule religion approuvée en France est la catholique, etc.

» Que la tolérance proclamée par l'Assemblée nationale ne peut aller jusqu'au point de souffrir pour pasteur dans une église catholique un prêtre annonçant que cette religion est finie...

» Que l'Assemblée nationale, en proscrivant les lettres de cachet, a arrêté que les prisonniers seraient transférés des prisons d'état en celles des juges ordinaires...

» Ont arrêté qu'ils ne cesseront de solliciter auprès des magistrats ecclésiastiques et civils la punition des sieurs Bonjour et de leurs complices, etc. Expédition des présentes sera envoyée à Mgr l'Archevêque, au Parlement et à la Sénéchaussée de Trévoux. Ont signé, etc. >>

Sur quoi, ni l'Archevêque, ni le Parlement ne donnant signe de vie, Dulac, procureur du Roi à la Sénéchaussée de Trévoux, fulmine un réquisitoire, Gemeau, lieutenantgénéral au même siège, un décret de prise de corps (30 octobre 1789). Bonjour, averti à temps, se cache. Puis, les poursuites paraissant abandonnées, il reparaît, célèbre et

prêche dans la chambre d'une jeune femme, multipliant les révélations et les guérisons et augmentant le nombre de ses prosélytes.

Cependant l'Assemblée nationale, en novembre et décembre, décrétait la création des municipalités : la paroisse de Fareins, devenue du fait la commune de Fareins, put être mise, au commencement de 1790, en demeure de prononcer librement et hautement sur la valeur de l'affirmation des 57 catholiques se prétendant en majorité dans le village.

On l'aura déjà entrevu, le conflit religieux, sans cesser d'être tel, était devenu politique, soit par le fait des dernières prédications de Bonjour, soit par les déclarations des 57: cela sera tout aussi apparent dans la lutte si animée du commencement de 1790 qu'on va montrer à l'aide de documents non consultés jusqu'ici (réunis par M. Perroud et qu'il veut bien me faire tenir).

Le 31 janvier 1790, la convocation des électeurs municipaux est affichée. Le curé-commis, Comte, annonce au prône l'élection indiquée au 7 février.

Le 7, dans l'église où doit se faire l'élection, scène violente. Merlino et Grand (vicaire de Comte) auraient tenté d'empêcher leurs électeurs de voter, réussi à en emmener une partie. Ils auraient été assaillis, disent-ils, par une foule furieuse. La vie de Grand aurait été menacée : Merlino aurait dû montrer, pour défendre la sienne, deux pistolets qu'il avait apportés. Selon leurs adversaires, ce serait Grand, Merlino et un laquais à lui, l'huissier Deschamps, qui auraient provoqué, frappé les premiers. On put, après la retraite forcée des Catholiques à la cure, élire par 70 votants le Président et le Secrétaire de l'Assemblée électorale qui fut renvoyée au 11,

Le 9, Merlino, Comte et leurs partisans, protestent contre l'Assemblée du 7, « monstrueusement irrégulière ». Elle n'a été affichée que deux heures ; la liste des citoyens actifs qui la composent est «< infidèle et inexacte », etc. Il n'est plus question, en cette pièce (que j'ai), des violences qui auraient été commises contre Grand et Merlino.

Le 11, le marguiller refuse de sonner l'Assemblée, Comte refuse les clés de l'église. Clocher et église sont ouverts de force. La protestation du 9 est annulée ; 54 personnes présentes attestent que « leur signature y a été mise indúment». Constitution de la commune (janséniste) dont Berthier est le maire. On nous dit la cote des élus sans doute pour établir que ce sont gens ayant quelque chose à perdre. Berthier paie 138 livres d'impôt (plus de 300 d'aujourd'hui).

Merlino vaincu en appelle à l'Assemblée nationale. Le 16 mars, le député Jourdan lui écrit que le Comité de constitution, saisi par lui, « trouve l'élection nulle, mais ne veut pas donner son avis par écrit, vu que les irrégularités et violences sont alléguées, non vérifiées..... »

Armés de cette lettre « qui n'a pas de caractère officiel, qui n'est publiée, ni notifiée » à la partie adverse, les vaincus du 11 organisent leur revanche. Le jour même, 11 avril, Comte aurait annoncé en chaire une nouvelle réunion électorale pour le 18. (Il nie ce fait.) Moyne, châtelain, non résidant en la commune, convoque cette réunion pour ce même 18. Les deux syndics, spécialement nommés six mois avant par les Catholiques pour poursuivre Bonjour, appellent à Fareins la marechaussée de Trévoux, les gardes-nationales de Chaleins et de Beauregard, afin de « veiller au bon ordre de l'élection».

Le 18 arrive. La maréchaussée est au poste qu'on lui

assigne à la porte de l'église. La garde-nationale de Chaleins, dons le concours paraît de luxe, est internée chez M. Bouchet (procès-verbal du maire qui la conduit).

La contre-élection (catholique) est faite par 65 votants (7 ou 8 ne payant pas le cens légal, 2 n'ayant pas le domicile requis, plusieurs domestiques exclus en droit), c'est un document janséniste qui l'affirme. Elle nomme maire un Bernard (Nicolas).

Les 65 électeurs du 18, légitimes ou non, n'étaient vis-àvis des 70 électeurs du 11 qu'une minorité. On sentit qu'il fallait remédier à ce vice flagrant de l'élection catholique, Louis Léviste comte de Montbriand nous fait savoir le 13 mai que « sept citoyens actifs » dénommés ont comparu devant le châtelain Moyne et déclaré que le 18 ils avaient « gardé la neutralité », mais que. «< considérant que leurs suffrages pour l'élection de ce jour pourroient la consolider ils déclarèrent volontairement y adhérer ». Les adversaires affirment que ces sept adhérents tardifs ont été acquis par manœuvres et menaces: menaces « de leur ôter le pain de la main » en leur retirant les vignes, les chambres à eux louées, etc.

L'élection du 18 ainsi « consolidée », il y avait deux municipes à Fareins, s'excommuniant mutuellement.

François Bonjour, si je ne me trompe, voulut couper court, trancher le différend, en faisant un tour de son métier. Voici comme cela fut arrangé, si j'en crois l'adresse de sa municipalité au département de l'Ain (2 juillet) : • Notre ancien curé consent, à notre prière, de dire la messe à la place du vicaire (absent) afin de nous réunir tous dans le lieu qui est le centre de paix et d'union ». C'est un plébiscite, je pense, que Bonjour va provoquer du pied de l'autel ou du haut de la chaire. Nous le savons

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