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En février 1791, Claude Bonjour, appuyé du Mémoire d'Eustache plus haut cité, signifie aux officiers du Tribunal une demande d'élargissement, puis à l'Accusateur public une déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 juillet 1790 qui l'a recommandé sur le livre de la geôle.

L'Accusateur public, en réponse, requiert que Claude soit décrété de prise de corps (il y avait neuf mois que Claude était pris de corps sans décret aucun ! il n'était que temps de régulariser sa situation); de plus, que l'information soit continuée.

Le Tribunal trouva, ce semble, le terrain où se plaçait l'accusation intenable. Il eut une idée de génie : il annula (24 février) toute la procédure pour vice de forme. Il y avait donc lieu de la recommencer. Le but qu'on ne daigne plus déguiser, c'est de retenir les deux prêtres en prison le plus longtemps possible (faute de mieux). Il est atteint. Nouveaux interrogatoires en avril, puis nouveau sursis. Cette détention sans jugement, absolument arbitraire et inique, eût été impossible, à cette époque surtout, disonsle, si elle n'eût été voulue par des personnages puissants et maîtres de l'opinion, à Trévoux. Le tour que prirent chez nous les élections à la Législative (août 1791) dut contribuer à la prolonger. Nos six élus sont constitutionnels, demain fayettistes et royalistes, gens en tout cas peu complaisants pour les agitations et les agitateurs religieux ou politiques. Et le député de Trévoux est Régnier, procureur-syndic du District, et en cette qualité l'un des instruments les plus actifs de la répression et persécution du Jansénisme en juin 1790. Un tel choix dut peser sur le Tribunal.

Toutes les habiletés mauvaises, qui nous font un moment prendre parti pour les deux sectaires honteusement

opprimés, échouèrent par ce fait qu'ils purent, à la fin de 1791, interjeter appel à Lyon devant une juridiction sans lien de caste ou de parti avec celle qui les retenait dans sa geôle, non jugés, depuis près de dix-huit mois.

La Constituante, sachant et voulant ce qu'elle voulait, n'avait pas supprimé les Parlements pour les reconstituer sous un autre nom. Elle n'avait rien laissé subsister de l'aristocratie judiciaire ancienne qui, en ce cas particulier, eût vraisemblablement approuvé les procédures faites par les juges en premier ressort, ayant les mêmes intérêts qu'eux. Il n'y avait plus en 1791 de tribunaux d'appel spéciaux. Les condamnés en première instance avaient recours devant tel autre tribunal de District qu'ils choisissaient. Ce système était dénommé appel circulaire.

Eustache qui avait précédemment occupé pour les Bonjour étant absent, ils prirent pour défenseur un de leurs adeptes les plus chauds, le prêtre Souchon (plus haut nommé). Cet irrégulier, dégagé par la Révolution des liens ecclésiastiques, avait acquis dans les assemblées populaires de Lyon une grande notoriété et réputation d'éloquence. Il la justifia au procès et obtint l'élargissement des deux prophètes de Fareins (19 novembre 1791).

Les deux frères se séparèrent. L'aîné Claude se retira à Pont-d'Ain lieu de leur naissance où il leur restait une famille.

Avant de suivre le cadet François en sa fortune bizarre, j'ai pour l'expliquer à revenir en arrière beaucoup.

(A suivre.)

JARRIN.

1880, 3 livraison.

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DESCRIPTION HISTORIQUE ET TOPOGRAPHIQUE

DE

L'ANCIENNE VILLE DE BOURG

CAPITALE DE LA PROVINCE DE BRESSE.

(11me article.)

XVIII.

LE COLLÈGE DE BOURG. On ne parlera pas dans ce chapitre de l'instruction à Bourg avant les Jésuites, c'est-à-dire avant le commencement du XVIIe siècle. Ce sujet, fort intéressant et qui remonte haut, fera l'objet d'un article spécial quand le temps sera venu de traiter de nos vieilles constitutions municipales. Disons simplement que l'antique école de la ville, approuvée déjà et louée en 1397 par le comte Amé VIII, devint en 1572 « ung collège » que les syndics installèrent avec beaucoup de frais dans une maison dite de la Cra, sise au quartier de la Verchère, achetée à noble Humbert du Saix, au prix de 1,700 florins.

LES JÉSUITES ET LEURS SUCCESSEURS.

On a déjà, en maints endroits, signalé ce que fut pour notre ville la fin du XVIe siècle et notre annexion à la France en 1601: peste, guerre, famine; logements et réquisitions militaires, manque d'argent, invasion, voilà le bilan. Aussi je laisse à penser ce que devint, pendant ces tristes années, le collège dû à la sollicitude des bons syndics Claude Legrand et Philibert Desgières, qui dépensèrent, pour cette installation, 5,083 florins 3 gros, aidés il est vrai par M. Joly de Choin, baron de Langes, qui contribua à la dépense pour 2,500 florins.

A peine fûmes-nous Français que les charges, les persécutions

les saisies sévirent à nouveau: le pire de tous nos maux fut pour lors le manque d'argent et les exactions des agents du fisc royal. Pendant ce temps, où les pouvoirs nouveaux étaient mal définis, où les plaies de l'annexion saignaient encore, les études sont en singulière souffrance, la maison devient déserte, et vers 1612, nous trouvons le collège conduit piètrement par le principal Me Crot, laïc étranger très processif qui voyait son institution désertée de plus en plus, pendant que de simples « maistres d'escripture » du voisinage réunissaient beaucoup d'enfants. Crot, jaloux de cette vogue contraire à ses intérêts, provoque les syndics à s'occuper du collège, fait fermer les classes rivales tenues par des maîtres non reconnus, et fait déclarer par la justice que lui seul « a le droit d'enseigner les enfants aux bonnes lectures, escriptures et arithmétique à peyne de 50 livres pour les contrevenants ». En dépit de cette ordonnance les écoles rivales continuent la concurrence au collège. Le régent Husson a 12 pensionnaires à 40 livres pour l'année et 40 externes payant de 8 à 10 sols par mois. Le chanoine Sanciat a une vingtaine d'enfants de son quartier à 8 sols par mois. A cette époque il y a à Bourg un maître de la religion réformée, lequel réussit assez et ne se gêne pas pour s'abstenir, lui et ses écoliers, de toute messe, communion et procession. Ce maître, protégé par notre gouverneur Pardaillan, est attaqué par le parti qui, un peu plus tard, brûlera le Temple; le principal Crot est son ennemi déclaré, sûr qu'il est de la protection « de la partie la plus saine » des bourgeois. Et la lutte se circonscrit ainsi : de pédagogique elle devient religieuse en se couvrant de toutes les apparences de la justice et de l'intérêt commun. Crot cependant, abreuvé d'amertumes, quitte le collège ; des régents laïcs nommés par les syndics l'y remplacent sans succès; les Cordeliers demandent la direction de la maison et promettent « bons, doctes et suffisants régents ». Il est question de nommer pour principal «ung homme docte de Grenoble, ou Jehan le Riche, ou ung de Pont-de-Vaux, nommé Guyennod », quand une nouvelle inattendue vient changer le cours des idées et faire une puissante diversion.

Le 10 février 1620, mourait dame Louise de Monspey, femme du sieur de Seyturier, seigneur de la Verjeonnière Elle laissait un testament fort long et minutieux dont le principal passage pour nous est le suivant: Elle fait héritier son cher fils aîné Claude-Melchior, puis elle ajoute et au cas que le dict Claude-Melchior vienne à

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décéder sans enfants naturels et légitimes, veut et ordonné que les deux tiers de ses dicts biens soyent employez à l'establissement d'un collège de Jésuites en la présente ville de Bourg, tant pour l'ins"truction de la jeunesse qu'annoncer la parole de Dieu... »

Le Conseil de Ville, averti de ces dispositions, contribua aux obsèques de la testatrice, y fournit des torches et des ornements en signe de reconnaissance, puis il essaya de pourvoir à l'installation de la fondation de la dame de Monspey. Les protestants ne se méprirent point à la chose. Henri IV mort, la réaction contre eux se faisait sentir malgré notre voisin le connétable de Lesdiguières, impuissant à protéger ses coreligionnaires. Louis XIII défaisait l'œuvre de son prédécesseur.

En 1621, deux Jésuites étaient installés ici, prêchant et administrant les Sacrements, donnant des retraites et aidant les quatre régents du collège; mais tout leur zèle se développait en présence du mauvais vouloir évident d'une partie de la population. Le chef des mécontents fut le mari de la testatrice, M. de Seyturier, qui ne put cacher sa colère à propos du testament de sa femme. Il ne prévoyait pas, cependant, le malheur bien plus grand qui allait bientôt le frapper. Les Jésuites s'adressèrent d'abord aux syndics et aux conseillers pour « moyenner l'œuvre » en attendant la réalisation du legs de Mme de Monspey, lequel pouvait bien être remis à longtemps, pendant qu'un de leurs Pères chargé spécialement de M. de Seyturier s'efforçait d'arriver à une transaction ou à un arrangement avec ce vieillard. Les marches, démarches, contre-marches de cette délicate affaire ne peuvent être insérées ici; on les trouvera avec pièces, mémoires, lettres et titres à l'appui soit dans les Annales de 1871, p. 337, soit aux Archives de la ville de Bourg, série G G, liasses 238-244. Disons seulement que Seyturier ne se prêta à aucun arrangement, que son fils Claude-Melchior entra en possession de son héritage et qu'à la Ville seule incomba la charge, pour le temps actuel, de pourvoir les Jésuites qui faisaient beaucoup d'instances. Le mauvais état des finances municipales, peut-être des oppositions secrètes, compliquent ce projet et le font traîner en longueur.

Les amis des Jésuites au Conseil présentent plans sur plans et projets sur projets pour installer les Pères en nombre suffisant au Collège; mais toujours les meilleures propositions échouent: il s'agit en effet d'une somme annuelle de 12 à 1,500 livres à consacrer à ce

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