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en confession. On aura lu au chapitre 39 de la Genèse, un passage célèbre débutant ainsi. « Or, Joseph était beau de visage, et ravissant à voir. Sa maîtresse leva les yeux sur lui et lui dit : Dors avec moi. » Il se passa chez cette dame une scène commençant de même, et qui aurait fini autrement.

L'Évêché informé ne crut pas devoir sévir. Le jeune prêtre fut avisé toutefois qu'on avait l'œil sur lui, qu'on jugeait que sa conduite, en son ensemble trop mondaine, pouvait bien être la première cause du scandale; et qu'un second manquement ne serait pas pardonné.

Ce vigoureux jeune paysan de vingt-quatre ans, qui avait mordu au fruit défendu tard, en était plus affamé qu'on n'ose dire, et bien résolu à le dévorer jusqu'aux pépins. Tous ses scrupules s'étaient évanouis aux premiers frissons du plaisir. Il partit pour Genève, on devine bien avec qui, sans même se cacher.

Une béate, amie de Lyte, vint lui conter la chose. Lyte répondit qu'elle n'y croyait pas. Elle passa quelques jours dans une attente affreuse. La lettre de Genève qu'elle sentait venir arriva. Le Petit lui mandait qu'il était marié, qu'il avait ouvert un petit restaurant sur le quai des Bergues, qu'un peu d'argent qui serait rendu tôt serait le bienvenu. Avant d'avoir fini l'épitre, Lyte tomba, frappée d'hémiplégie et ne se releva pas.

DÉMOCRITE.

PETIT JEAN

Avez-vous connu petit Jean?

Qu'il était gentil, mais gourmand! Voilà trois sous, lui dit un jour sa mère: Va me chercher chez l'épicière De la farine jaune et reviens sans tarder, Je veux faire aujourd'hui des gaudes à souper. Petit Jean court, se précipite,

Puis s'en revient un peu moins vite, Portant dans un papier sa farine à la main, Flânant de ci de là tout le long du chemin. Puis, tenté par le diable, il goûte à sa farine, La trouve assez sucrée, y plonge son museau

Deux fois, trois fois, puis rentre à la cuisine
Où sa mère penchée allumait le fourneau.
Elle lève les yeux, aperçoit notre sire
Encore tout enfariné

Depuis le menton jusqu'au né,
Comprend le cas, et sans mot dire
Lui détache un soufflet

Tout net...

Petit Jean pleura (c'est l'usage), Puis finit par comprendre, après réflexion, Comment sa mère a pu lire sur son visage Qu'il a mangé sa commission.

« C'est bon, dit-il, j'y prendrai garde. »> Et le lendemain, justement,

Il va chercher de la moutarde

Pour sa petite sœur, malade en ce moment.
En revenant, le bon apôtre,

Groyant cette farine aussi douce que l'autre,
En mange goulument, mais a soin cette fois
De s'essuyer la figure et les doigts.
Il s'imaginait sans doute

Que sa mère n'y verrait goutte;

Il fut bien attrapé, vous allez voir comment:

A peine a-t-il avalé, qu'il se sent

Jusqu'au fond de la bouche une chaleur étrange;
Le palais, le gosier, tout lui cuit et démange;

Il tire une langue d'un pied,

Il a l'air d'un supplicié,

Si bien que sa mère devine

Qu'il a mis de nouveau son nez dans la farine,
Et sur-le-champ l'enferme avec

Du pain sec,

Plus un pot de tisane d'orge
Pour bien se rafraîchir la gorge.
Bonnes gens, vous croyez déjà
Que petit Jean se corrigea?
Attendez, s'il vous plaît, la fin de l'aventure :
L'an d'après, il trouve un matin

L'office ouvert, y voit un pot de confiture

Et le happe, et l'emporte, et Dieu sait quel festin !
Quand, tout à coup, notre drôle s'avise

Qu'il vient d'avoir sept ans, et que, sept ans passés,
Dieu, sur son grand registre, inscrit tous nos péchés.
Péché, le vol! péché, la gourmandise!

Tout bien compté, cela fait déjà deux...

Aussi, voyez comme il a honte,

Voyez comme il baisse les yeux,

Comme à son front la rougeur monte!
Bref, laissant là le pot aux trois quarts entamé,
Il court en sanglotant dans les bras de sa mère :

« Pardon, pardon ! ne sois pas trop sévère !.....
Pardon, bien que je sois indigne d'être aimé !
Et surtout n'en dis rien au père !

J'ai... j'ai mangé... » - C'est bon, lui dit-elle tout bas,
Tu te repens, tu te confesses,

Je te fais grâce. Mais, ne recommence pas !

Car autrement, gare à tes fesses!

Laguieu, juillet 1880.

Cl. P.

LE FAREINISME

III

HALLUCINATION D'AINAY. L'ÉPOUSE VISITE

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LA

LA MADONE DU FAREINISME.
L'ÉPOUX EN SA PRISON. -LEUR CORRESPONDANCE AMOUREUSE.
MESSAGÈRE FANFAN.- - BONJOUR FILS DE DIEU. LE MARIAGE A QUATRE.
- BONJOUR RENONCE A RENTRER A FAREINS.
POURSUITES CONTRE LUI. LEUR CAUSE.

-

POURQUOI. NOUVELLES

François Bonjour, curé de Fareins, avait vers 1788, des relations avec les Jansénistes de Lyon. La plus considérable était une dame noble sur le nom de laquelle les témoignages diffèrent. Un fareiniste ayant quitté la secte, gardant sur son histoire des documents bien curieux et qui veut bien m'en faire part largement, nomme cette dame Mile de Boen. Dans un acte judiciaire elle est demoiselle Pontis de Boen. Boen (aujourd'hui chef-lieu de canton du département de la Loire), est situé sur le Lignon, à trois lieues environ de Montbrison. Ce village, on s'en souvient, était le pays de Farlay, vicaire de François Bonjour et son adepte fervent. La servante du curé de Fareins, nommée Françoise, et toute à son maître, était aussi de Boen. Est-ce le vicaire, est-ce la servante qui avait introduit le curé chez M1le de Boen?

Celle-ci paraît avoir été le lien d'un petit groupe de sectaires, lesquels avaient peu à peu accepté la direction de Bonjour. Les principaux étaient un M. Dufour de

Jenitier, habitant la même maison que Me de Boen, un ci-devant dominicain appelé M. Fayol, un épicier nommé Brachet et sa femme, un fabricant de bas de soie nommé Daiet et les deux domestiques de Me de Boen, la cuisinière Marie Driou, et une femme de chambre dont il y a à parler au long.

Cette personne singulière était née aussi sur les rives romanesques du Lignon, à Boen même et non à Montbrison comme on l'a imprimé; sans nulle ressemblance, ce semble, avec l'Astrée, quoique « jolie et sensible >> au dire d'un écrivain peu bienveillant. Elle avait nom Claudine Dauphan et était veuve d'un Larèche dont elle avait une fille. Pendant les séjours du Curé et de sa servante chez Mlle de Boen, Claudine se lia avec la servante, sa compatriote, à laquelle elle donnait le petit nom amoureux de Fanfan.

Quant au curé de Fareins, il nous dira qu'il ne connut point Claudine Dauphan alors, parce qu'elle se dérobait. Cette personne était janséniste ardente, mystique, et assez scientifique, ainsi qu'on eût dit à Port-Royal. Cela signifie qu'elle avait quelque théologie et science scripturaire : elle manque d'ailleurs d'orthographe absolument.

Si Bonjour l'avait à peine vue chez Mlle de Boen, il paraît bien qu'elle avait vu le prêtre, elle, et gardait de lui un souvenir dévorant.

Or, le 28 juillet 1791, Claudine étant en prière dans cette sombre église d'Ainay assise sur les colonnes du temple élevé à Rome par soixante cités de la Gaule, elle fut favorisée d'une visitation et communication d'en haut. Il lui fut signifié qu'elle était prédestinée de Dieu à donner le jour, sans commerce d'homme, au prophète Elie qui doit comme on peut voir en Mathieu, XI, 14, venir

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