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Février que pouvaient être étudiés et résolus ces difficiles problèmes. Toute cette agitation inopportune jeta l'inquiétude dans les esprits. Plus d'un trembla pour la sécurité de sa personne et de ses biens; le fantôme du partageux hanta l'imagination du bourgeois et du propriétaire rural. Aux terreurs sincères se joignirent les terreurs feintes. Ce n'étaient pas les moins bruyantes.

A côté de ces dangereux théoriciens, les agitateurs, les chefs d'émeute (1), par leur continuel appel à la force, préparèrent d'une autre façon le triomphe de la force. Le 15 Mai a servi le 2 Décembre.

D'autre part, les auteurs de la Constitution (on l'a dit en commençant, il faut le répéter ici), créèrent un Président qui représentait le peuple au même titre que l'Assemblée c'était constituer un dualisme plein de périls qui devait avoir infailliblement ses conséquences tôt ou tard. Ceci tuera cela », dirait Hugo.

L'élection d'un Bonaparte à la présidence de la République, le triomphe d'une majorité monarchiste aux élections législatives de mai 1849, l'épouvantable réaction qui suivit le 13 juin, particulièrement chez nous, sont autant d'étapes vers le Coup d'Etat.

Enfin, il est permis de douter que le parti républicain fût alors, pris dans son ensemble, un parti de gouvernement. On se plaît à rendre ici hommage à sa sincérité, à son désintéressement, à son courage; mais on ne peut s'empêcher de déplorer son goût pour les théories absolues et les utopies, ses divisions, son manque de clairvoyance et d'esprit politique. Ils étaient rares, à cette époque (quoiqu'il y en eût cependant) les républicains capables de comprendre qu'on ne transforme pas en un jour, avec quelques décrets, une

(4) Les Barbès, les Blanqui, les Raspail, les Sobrier, etc.

-nation vieille de quatorze siècles; que la politique est une science qui a ses règles et ses lois; que le programme le plus vaste et le plus radical n'exclut dans son application ni l'habileté, ni la prudence. C'était, on l'a dit justement, l'âge héroïque du parti républicain !

Puisse l'exemple de nos pères nous être un enseignement ! Puisse la vue des fautes qu'ils ont commises nous empêcher d'y tomber à notre tour! Mais en les jugeant en pleine indépendance, ne soyons pas ingrats pour ceux qui ont combattu le bon combat, et nous ont, au prix de tant d'efforts, préparé des jours meilleurs.

La République de 1848 n'a pas été stérile: elle a laissé des conquêtes durables dont nous recueillons les fruits. Sans parler de l'abolition de l'esclavage aux colonies, elle nous a dotés (un peu prématurément, le second Empire l'a montré) du suffrage universel, en soi le mode de manifestation et d'exercice à la fois le plus simple et le plus parfait de la souveraineté nationale, l'instrument par excellence de la lutte légale et pacifique, l'arme qui, comme la lance d'Achille, sait guérir les blessures qu'elle a faites. Si le suffrage universel a montré à ses débuts l'inexpérience d'un enfant qui sort des langes ou d'un esclave qu'on vient d'affranchir, il a depuis atteint sa virilité. Instruit par de dures épreuves, il ne séparera plus désormais, dans son attachement, ces deux biens également nécessaires à une nation civilisée : l'ordre et la liberté. Il trouvera dans la République parlementaire la forme de gouvernement la plus propre à lui garantir ces bienfaits et à réaliser les dernières conséquences de la Révolution de 1789, par l'organisation d'une démocratie pacifique, ordonnée, libérale et progressive.

FIN.

F. DAGALLIER.

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NOTRE-DAME DE BOURG.

XVII

LA CHAPELLE MIRACULEUSE PRIMITIVE. RELATIONS RELIGIEUSES DE BOURG AVEC LA PAROISSE DE BROU. CURÉS, PRÊTRES INCORPORÉS ET BOURGEOIS.

CHAPITRE.

L'ÉVÉCHÉ

ET LE

La ville de Bourg n'a possédé par devers elle son église paroissiale officielle qu'en 1505, lorsque la duchesse Marguerite, pour élever à Brou le monument que l'on sait, obtint du pape Jules II l'autorisation de transporter à la chapelle de la bienheureuse Marie de Bourg la cure et la paroisse qui, de temps immémorial, siégeaienten l'église Saint-Pierre de Brou.

Avant de nous occuper de cette paroisse de Bourg, qui ne date que de l'aurore du XVIe siècle, voyons un peu quelle fut, dans les siècles antérieurs, la situation religieuse de nos pères.

Dans le IXme siècle, à une époque difficile à déterminer, il y avait sur notre territoire deux groupes d'habitations parfaitement distincts et séparés. La première aggrégation de ces habitations existait au lieu dit Brou (Brovii saltus, cœnobium Broviense): ce lieu, ainsi que l'indiquent ces primitifs vocables, était boisé et possédait un monastère. Notre première paroisse fut là; c'était une

1880. 1re livraison.

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petite chapelle romane desservie par le couvent, sous la protection duquel vivaient les habitants qui se construisaient leurs demeures avec les débris de la ville primitive gallo-romaine, dont il a été parlé au chapitre précédent. A quelques centaines de mètres plus haut, par delà le petit ruisseau qui, sorti de la forêt de Seillon, coulait à la Reyssouze à travers une plaine marécageuse, c'est le Cône et la partie basse de Bourg actuel, il y avait sur la colline une tour romaine bâtie à la place du vieux cercle druidique dont il a été déjà question. Cette tour ou ce castellum prit aux époques d'invasion, dans la langue germanique des occupants de notre pays, le nom de Burg. A l'ombre du Burg aussi s'abritaient quelques demeures protégées par ce voisinage et croyant être mieux défendues par lui que par l'Eglise du couvent. Donc, d'un côté un village avec une église, mais non pourvu de défense, et, à un quart de lieue de là, un autre village sans église, mais abrité par un château, par un Burg. Il s'agit de voir quel village absorba l'autre ; quand, comment et pourquoi.

Nous devons constater que la balance ne tarda pas à pencher visiblement du côté du Burg, et la préférence fut entière quand, en 1250, moyennant un prix énorme, les deux derniers sires de Bâgé eurent concédé aux habitants du lieu un certain nombre de droits qui constituèrent notre première franchise et consacrèrent notre commune. La ville et communauté de Bourg dès lors était faite au détriment du groupe de Brou. Cependant, dans la ville nouvelle, par faute d'argent ou par inhibition de Brou, nulle église ne s'éleva les bourgeois se contentèrent de deux chapelles sises dans les dépendances du château; l'une était dédiée à saint Georges et l'autre à la sainte Croix. Mais Brou n'a point perdu son droit de paroisse il faut y aller acquitter les devoirs qu'imposent les commandements. Comme la campagne est peu sûre, comme l'éloignement est assez notable, la piété se relâche, et, en 1289, Jean de Saint-Alban, prieur-curé de Brou, est déjà forcé, par les exigences de Bourg, de transiger avec les bourgeois et les prêtres qui y habitent, afin de sauver ses droits tout en pourvoyant aux besoins spirituels de ses ouailles.

:

En 1275, nous devenons savoyards; la puissante race des Bâgé n'existe plus. Nos nouveaux seigneurs abandonnent, par raison administrative, la petite ville honorée du nom des anciens maîtres

du pays, et reportent tous leurs soins sur l'agrandissement de Bourg, mieux situé au cœur de la Bresse. On peut voir aux Archives communales et lire au cartulaire de notre ville ce que les princes de Savoie firent à différentes fois pour attirer des habitants dans Bourg. Tous les moyens sont mis en œuvre, tous sauf cependant la permission ou la possibilité d'y établir une grande église ou un grand centre religieux. Bourg, ville capitale, anomalie rare, ne possède à cette époque, hors de ses murs primitifs, qu'une humble chapelle sise près de la porte orientale, en un pâturage marécageux, semé de maigres têtes de saules. On vénérait dans cette chapelle une image miraculeuse de la Vierge trouvée par un berger sur un de ces saules << hors la ville de Bourg, qui pour lors n'estoit de l'étendue qu'elle est à présent. Une chose si extraordinaire fit concevoir au peuple une grande dévotion, en telle sorte qu'à l'instant on bâtit en ce mesme lieu une chapelle en l'honneur de la Vierge où ceste image fust posée et s'y firent plusieurs miracles ». (Guichenon.)

Cette chapelle, bientôt insuffisante, « vit s'en élever d'autres voisines, par la piété de quelques particuliers, pour le service desquelles chapelles il y avoit plusieurs prêtres dont le nombre estant excessif on fut contraint de le réduire à 54, puis à 28 qu'on appeloit prêtres incorporés ou remembranciers qui devoient tous estre enfans de la ville ». (Guichenon.) Si bien, qu'après quelques années, il devait y avoir au bas de nos murailles un assemblage d'édifices religieux manquant d'unité, mais suffisamment vaste, bien desservi et très fréquenté, alors que Brou, notre paroisse cependant, restait loin du mouvement, dans l'ombre et le silence. M. Didron, archéologue indiscutable, reconnaît dans le tableau miraculeux « tous les caractères de ces icônes rapportées aux croisades de Grèce ou d'Italie, où on les attribue au troisième évangéliste (S. Luc): elles sont sans valeur artistique, mais elles ont rendu à l'art un service immense : elles ont appris son existence et ses procédés matériels à l'Occident redevenu barbare ». (Jarrin.)

Cette image, vénérée depuis des siècles, a échappé à toutes les causes de destruction: elle est conservée en la sacristie de l'église Notre-Dame. La statue, dite de la Vierge noire, qu'on peut voir sur l'autel de la chapelle de la Vierge, a été faite, selon la tradition, avec le tronc du saule sur lequel fut trouvé le tableau miraculeux.

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