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différentes associations, et quelle espèce d'encouragements on pourrait leur donner.

Ces diverses institutions n'ont point de revenu, elles ne possèdent rien, elles subsistent du travail des sœurs.

L'encouragement à donner ne serait pas onéreux. Les sœurs de la charité, par exemple, n'ont besoin que d'une maison assez vaste et assez convenable pour y former et y instruire leurs novices; leur local actuel est si étroit et si malsain, qu'elles ne peuvent pas se recruter; elles sont obligées de refuser une partie des sujets qui se présentent, et, dans le nombre des sujets qu'elles gardent, plusieurs - tombent malades et se retirent. Voilà pourquoi elles ne peuvent devenir assez nombreuses pour envoyer des sujets aux différents hospices qui en réclament. Dans ce moment on cherche pour elles, dans Paris, quelque local qui puisse remplir la destination que l'on se propose, et, quand ce local sera trouvé, j'aurai l'honneur d'en faire mon rapport à Votre Majesté.

Les sœurs de Nevers seraient également très-heureuses si elles pouvaient avoir une maison suffisante. M. l'évêque d'Autun et M. le préfet de l'Allier doivent m'envoyer, sur cet objet, un mémoire pour solliciter la bienfaisance de Votre Majesté.

Les sœurs de la Sagesse n'ont rien demandé jusqu'ici.

En général les associations dont il s'agit ne sont qu'utiles, elles ne sont jamais onéreuses, parce qu'elles subsistent de peu; leur travail est leur richesse. Elles peuvent, dans quelques cas rares, solliciter des secours, mais elles vont d'ellesmêmes quand une fois leur établissement principal est assuré.

Votre Majesté paye déjà un loyer annuel de 8,000 francs pour les sœurs de Saint-Michel; cette charge cesserait si on pouvait leur trouver une maison nationale où elles pussent s'établir.

Quant à ce qui concerne les sœurs qui s'occupent de l'éducation, telles que les dames de Saint-Maur et de SaintThomas, elles n'ont pas plus de revenu que les autres. Elles ont conservé quelques maisons on pourra, sur leur demande, leur administrer quelques secours pour de nouveaux établissements, si Votre Majesté est dans l'intention de favoriser leur pensionnat; jusqu'ici elles élèvent des jeunes demoiselles, sans avoir formé aucune demande auprès du gouvernement.

Je ne provoquerai point ces demandes, mais, à leur insu, je m'instruirai de leurs ressources et des moyens qu'elles peuvent avoir ou qu'on peut leur fournir pour remplir la fin de leur institution.

En général, c'est une chose admirable en France, que de voir naître et prospérer une foule d'établissements utiles qui n'ont besoin que de n'être pas contrariés; c'est une chose qu'on ne voit que dans notre nation: ailleurs les gouvernements ne peuvent faire le bien qu'ils voudraient, et, en France, je me suis convaincu, sous l'ancien régime qui était indifférent sur tout, que le bien s'y faisait malgré le gouvernement. Que l'on juge à présent du degré de prospérité auquel la nation française peut prétendre sous un règne où le génie, qui a déjà fait tant de grandes choses, en prépare et en inspire de plus grandes encore!

SUR LES ASSOCIATIONS RELIGIEUSES DE FEMMES.

Á SA MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE'.

SIRE,

24 mars 1807.

Votre Majesté a autorisé, par des décrets, diverses associations religieuses de femmes, qui ont pour objet le service des pauvres et l'éducation gratuite des jeunes personnes du sexe. Certains hommes, qui se croient supérieurs à tout préjugé, ne veulent voir, dans ces associations, que le rétablissement des anciens monastères, le retour d'un ancien ordre de choses qui a été détruit par la révolution et qui, disent-ils, ne mérite pas d'être regretté; ils prétendent que le service des pauvres est suffisamment assuré par l'admi.nistration civile des hospices, et que, pour l'éducation des jeunes personnes du sexe, des institutrices libres sont préférables à des institutrices cloîtrées.

Ces misérables objections prennent leur source dans l'ignorance des vrais principes qui dirigent les opérations de Votre Majesté, ou dans de vaines théories dont l'expérience démontre l'illusion.

Il importe de connaître ce que l'on attaque et ce que l'on défend.

Tout ordre monastique est une association religieuse, mais toute association religieuse n'est pas un ordre monastique. La congrégation des prêtres de l'Oratoire, et celle des prêtres de la doctrine chrétienne, étaient incontestablement des associations religieuses, mais ce n'étaient pas des ordres monastiques. Les membres de ces congrégations n'ont jamais fait partie du clergé régulier.

Dans les ordres monastiques, on se lie par des vœux perpétuels dont l'exécution est sous la double garantie des lois

1 Inédit.

de l'Église et de celles de l'État, et qui retranche absolument, pour toujours, de la société les sujets qui font profession solennelles dans ces ordres. Un religieux proprement dit perd ses droits de famille et de cité; il meurt civilement. Ses sentiments et ses idées peuvent changer, sa situation ne change plus; son sort est en quelque sorte fixé par un rigoureux destin dans la succession naturellement si mobile de ses affections et de ses pensées, il n'a que l'accablante perspective de l'éternité et de ses engagements.

Les simples associations religieuses n'offrent rien de pareil; les membres de ces associations continuent d'appartenir à leur patrie et à leur famille, ils s'unissent par des liens religieux, sans renoncer à aucun lien civil, ils ne contractent que des engagements annuels ou triennaux, dont la durée puisse sagement se combiner avec les vues de bien public qu'ils se proposent en se réunissant.

Aujourd'hui nos lois françaises refusent de reconnaitre et de sanctionner les vœux perpétuels qui enlevaient souvent à la société des sujets utiles, pour ne donner à Dieu que des victimes sans sacrifice, mais elles ne se sont point interdit le droit d'autoriser des associations qui présente raient une grande utilité sans présenter aucun des inconvénients attachés au régime monastique.

En point de fait, il est convenu que les associations de femmes qui ont été jusqu'ici autorisées par des décrets de Votre Majesté, sont régies par des statuts qui ne renferment aucunes dispositions contraires à nos lois. On paraît craindre seulement que les membres de ces associations ne se lient secrètement par vœux dont il n'est point parlé dans les statuts que l'on montre, et qui peuvent être recommandés dans des règlements que l'on cache. Une telle crainte ne saurait être raisonnable : quelques observations vont la dissiper.

D'abord la fraude ne se présume pas, il faut la prouver.

En deuxième lieu, les lois ne peuvent régler que les actions; la pensée et la conscience ne sont pas du ressort des lois, l'empire sur les âmes est un genre de domination que les gouvernements humains ne connaissent pas et ne peuvent pas même connaître. On chercherait vainement à pénétrer ce qui se passe dans les rapports secrets de l'homme avec Dieu.

Réduisons la question à ses véritables termes : quel est l'objet des lois, lorsqu'elles refusent de reconnaître et de sanctionner les vœux perpétuels? c'est de laisser à chacun l'exercice de sa liberté naturelle, et d'empêcher qu'on use de coaction et de contrainte envers qui que ce soit, pour l'exécution d'engagements que les lois ne reconnaissent pas; les statuts autorisés d'une association sont les seuls dont l'exécution peut être forcée. L'intention de la perpétuité dans le genre de vie que l'on choisit est presque inséparable du premier mouvement de zèle et de ferveur qui détermine ce choix. Mais ce n'est pas cette intention de perpétuité qui constitue ce que nous appelons le vœu perpétuel, car, quelque résolution que l'on prenne, on demeure arbitre de sa propre destinée, on peut s'abandonner à sa propre inconstance, si on peut prendre des résolutions nouvelles sans obstacle et sans gêne; or les obstacles et les gênes ne peuvent être que l'ouvrage des lois.

Les vœux monastiques n'étaient perpétuels que parce que les lois consentaient à ce qu'ils le fussent, et qu'elles s'engageaient à garantir cette perpétuité. De là naissait la distinction si connue des voeux simples, qui n'étaient réputés obligatoires qu'aux yeux de Dieu, et des vœux solennels qui obligeaient même dans le for extérieur et aux yeux des hommes. Les vœux solennels tiraient toute leur force de la sanction des lois politiques et civiles.

La religion donne des conseils aux parfaits et des préceptes à tous. Le vœu en soi tire sa première origine des

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