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>> Comment pourroit-on dire que la pudeur » d'une jeune fille n'est point offensée par tous les » discours, où une personne de son sexe parle de »ses combats, où elle avoue sa défaite, où elle >>> l'avoue à son vainqueur même; ce qu'on ne voit » point dans le monde; ce que celles qui succom>> bent à cette foiblesse, y cachent avec tant de » soin, une jeune fille le viendra apprendre à la » comédie; elle le verra, non plus dans les homines, » mais dans une fille qu'on représente modeste et >> vertueuse; et cet aveu dont on rougit dans le se> cret, est jugé digne d'être révélé au public, et d'emporter comme une nouvelle merveille l'ap>> plaudissement de tout le théâtre. »>!!

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On prétendoit que la comédie épure ordinai rement ce qu'il y a de répréhensible dans ces foiblesses du cœur, dans ces aveux trop séduisans d'un sentiment coupable, par le mariage qui forme le dénouement banal de presque toutes les comédies.

༄༄

<< Mais, comme l'observe Bossuet, on commence » toujours par s'abandonner aux expressions de »l'amour. L'empire de la beauté et cette tyrannie » qu'on y étale sous les plus belles couleurs, flatte » la vanité d'un sexe, dégrade la dignité de l'autre, >> et asservit l'un et l'autre à l'influence des pas»sions qui parlent le plus aux sens. Le remède >>>> des réflexions ou du mariage vient trop tard, le foible du cœur est attaque, s'il n'est vaincu; et >> l'union conjugale, trop grave et trop, sérieuse >>> pour passionner un spectateur qui ne cherche que le plaisir, n'est que, pour la forme dans la »comédie.» rol a ཏ

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Dans l'un des fragmens de l'écrit du père Caf

faro, dont l'auteur de la Dissertation avoit fait usage, ce religieux disoit : « Qu'il n'avoit pas observé dans le tribunal de la pénitence, que les » riches qui vont à la comédie, fussent plus sujets aux grands crimes, que les pauvres qui n'y » vont pas.

>> Mais ne sentez-vous pas, répond Bossuet, » qu'il y a des choses qui, sans avoir des effets » marqués, laissent dans les ames de secrètes dis» positions au mal; qui ne laissent pas d'être mau» vaises, quoique leur malignité ne se déclare » pas toujours d'abord? tout ce qui nourrit les >> passions est de ce genre. On n'y trouveroit que > trop de matière à la confession, si on cherchoit » en soi-même la cause du mal. »

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Il faudroit donc fuir dans les déserts, disoit Pauteur de la Dissertation, si on vouloit éviter tout ce qui peut représenter les passions aussi vivement qu'on le reproche à la comédie; on ne peut faire un pas, on ne peut lire un livre, on ne peut entrer dans une église, enfin, on ne peut vivre dans le monde, sans rencontrer mille objets capables d'exciter les passions.

« Quoi! dit Bossuet, parce que l'homme est » environné de tentations, est-ce une raison pour >> inventer de nouvelles tentations, et pour s'y » exposer? tous les objets qui se présentent à nos » yeux peuvent exciter nos passions; est-ce une >> raison pour se préparer des objets exquis, et >> recherchés avec soin pour les exciter, et les > rendre encore plus agréables en les voilant avec » art? ne devroit-on pas plutôt en conclure que » puisqu'il y a dans le monde tant de périls in» évitables, il ne faut pas chercher à les multi

» plier? Dieu nous aide dans les tentations qui >> nous arrivent par nécessité; mais il abandonne » souvent ceux qui les recherchent par goût et >> par choix. »

Bossuet fait ensuite le tableau le plus effrayant des désordres qu'on reproche assez généralement aux personnes qui se sont engagées à monter sur le théâtre, à celles surtout à qui la foiblesse naturelle de leur sexe semble recommander particulièrement la modestie et la retraite; et il termine ce récit trop fidèle des scandales qu'on a souvent sous les yeux, par cette terrible apostrophe: Quelle mère, je ne dis pas chrétienne, mais tant soit peu honnéte, n'aimeroit pas mieux voir sa fille dans le tombeau que sur le théâtre?

On peut observer dans cet écrit de Bossuet, comme dans tous ses autres ouvrages, cette exactitude et cette mesure dont il ne s'écarte jamais dans les discussions mêmes où il défend avec le plus de chaleur l'opinion qu'il juge la plus conforme à l'esprit de l'Evangile et à la pureté de la

morale chrétienne.

Quant à ceux qui fréquentent la comédie, » écrit Bossuet, comme il y en a qui sont plus in» nocens les uns que les autres, et peut-être quel>> 'ques-uns qu'il faut plutôt instruire que blâmer, » ils ne sont pas répréhensibles au même degré; » et il ne faut pas fulminer également contre tous; » mais il ne s'ensuit pas de là qu'il faille autoriser » les périls publics.

>>

La lettre de Bossuet au père Caffaro eut tout l'effet qu'il en avoit attendu et espéré; et l'on voit par la réponse (a) humble et modeste de ce (a) Du 22 mai 1693.

religieux, combien on avoit abusé de sa bonne foi et de sa simplicité, en publiant des réflexions qu'il n'avoit jamais destinées à voir le jour. Mais il ne se borna pas à justifier la droiture de ses intentions; il désavoua, dans une lettre qu'il adressa à M. de Harlay, archevêque de Paris, et dont il fit parvenir une copie à Bossuet, les maximes qu'on lui avoit attribuées. Il voulut même que sa lettre fût imprimée, pour détruire les inductions peu édifiantes qu'on auroit pu tirer de la Dissertation publiée sous son nom.

Bossuet fut de son côté fidèle aux règles de discrétion et de charité qu'il s'étoit prescrites; il ne donna connoissance à personne de sa lettre au père Caffaro. Cette lettre a paru pour la première fois en 1758 dans le recueil de M. Usprez de Boissy sur les spectacles (1).

Cependant, comme cette affaire avoit fait de l'éclat, Bossuet crut devoir prémunir le public contre l'impression qui pouvoit encore rester dans l'esprit de quelques personnes. Il fit paroître la même année 1694, ses Réflexions et ses maximes sur la Comédie. Ces réflexions et ces maximes sont les mêmes que celles qu'il avoit exposées dans sa lettre au père Caffaro; il s'y attache seulement à expliquer avec un peu plus d'étendue la véritable doctrine de saint Thomas, dont on avoit cherché à abuser en faveur des spectacles.

(1) Les éditeurs de Bossuet en avoient donné connoissance à M. de Boissy, et l'avoient autorisé à en faire usage. Les mêmes éditeurs l'ont depuis insérée (en 1778) dans le tome x in-4° de leur collection des ouvrages de Bossuet.

IV.

• Bossuet dénonce à Innocent XII l'ouvrage du cardinal Sfondrate. 1697.

Ce n'étoit pas seulement dans les limites de la France que Bossuet croyoit devoir renfermer les efforts de son zèle. La vérité, selon lui, ne devoit faire acception ni des personnes, ni des dignités. Il se jugeoit avec raison assez grand et assez fort pour óser attaquer l'erreur jusque dans Rome, et dénoncer à INNOCENT XII un cardinal qu'il avoit revêtu de la pourpre, et affectionné avec une bienveillance particulière.

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Le cardinal Sfondrate, issu d'une famille illus tre du Milanez, qui avoit donné un Pape (a) à l'Eglise, d'abord religieux bénédictin, étoit ensuite devenu abbé de Saint-Gallen Suisse. A l'époque des démêlés de la Cour de France avec celle de Rome, il avoit publié (en 1687) un ouvrage sous le titre de Gallia vindicata, où il combattoit la célèbre Déclaration du clergé de France sur la puissance ecclésiastique, et l'année suivante (1688), il publia un autre ouvrage, où il justifioit les mesures adoptées par le pape INNOCENT XI, pour abolir les franchises des ambassadeurs en matières criminelles.

Ce cardinal, très-opposé, comme il est facile de s'en apercevoir par son livre sur la Prédestination, à la doctrine de Calvin, et même à celle de Jansénius, imagina un systême très-différent, pour expliquer cette grande énigme de la religion et de la raison, dont Dieu s'est réservé à lui seul le secret. Mais il lui arriva ce qui est constamment arrivé à tous ceux qui ont eu la témérité (a) Grégoire XIV.

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