Page images
PDF
EPUB

tres, et pour les convaincre de la nécessité de faire prononcer une condamnation solennelle des erreurs de Fénélon.

Quoique Mae de Maintenon, le cardinal de Noailles et l'évêque de Chartres fussent sincèrement affligés de l'éclat fâcheux que le livre des Maximes des saints avoient produit dans le public, ils ne pouvoient se résoudre à abandonner entiè rement Fénélong! Il étoit toujours défendu dans leur cœur par l'opinion de sa vertu et la convic tion de la pureté de ses intentions. Dans tous les entretiens qu'il avoit avec eux, il les séduisoit par la candeur de son langagé et par les explications plus ou moins spécieuses qu'il donnoit, ou qu'il offroit; et le cardinal de Noailles surtout, toujours ami de la paix, se flattoit d'amener Bossuet à se contenter de ces explications.

Mais Bossuet trouvoit ces explications ou peu sincères, ou insuffisantes.

Il disoit aux deux prélats: « («) Je vous rends » responsables de la division que vous allez faire » éclater dans l'épiscopat. Prenez le parti qui vous

plaira; pour moi, je vous déclare que j'élèverai » ma voix jusqu'au ciel contre ces erreurs que› » vous ne pouvez plus ignorer. J'en porterai mes » plaintes jusqu'à Rome et par toute la terre; et il »> ne sera pas dit que la cause de Dieu sera ainsi » abandonnée. Fussé-je le seul, j'entreprendrai la » chose dans la connoissance que Dieu me donne » du péril des ames, et dans la confiance où je suis, qu'il ne m'abandonnera ni moi, ni son Eglise; » mais que la vérité triomphera, et que l'erreur >> sera confondue. »

[merged small][ocr errors]

Fénélon ne recevant point les remarques que Bossuet lui avoit promises depuis trois mois, prit le parti, à la fin d'avril 1697, de soumettre son livre au jugement du Pape; mais il ne fit cette démarche qu'après avoir obtenu l'agrément du Roi, et après avoir mis sous les yeux de ce prince la minute de la lettre qu'il se proposoit d'adresser au souverain pontife.

Bossuet fit valoir cette démarche comme un nouveau motif qui devoit obliger le cardinal de Noailles et l'évêque de Chartres à se déclarer hautement contre la doctrine de l'archevêque de Cambrai. Il avoit déjà établi à l'archevêché des conférences avec ces deux prélats, dans lesquelles il leur exposoit toutes les erreurs du livre des Maxi mes des saints (1). Mais ce ne fut pas sans une peine extrême qu'ils consentirent enfin à se déclarer.

Louis XIV lui-même, dont l'esprit étoit toujours si juste et le caractère si modéré, sembloit se refuser à l'éclat que l'on vouloit donner à cette

controverse.

« Après la publication du livre des Maximes » des saints, » écrit l'abbé Ledieu, qui ne fait que répéter ce qu'il tenoit de Bossuet lui-même, << quelque bruit qui s'élevât contre cette nouvelle >> doctrine, le Roi demeura incertain et irrésolu » sur le parti qu'il avoit à prendre, et ce fut » M. de Meaux qui détermina Sa Majesté à de

(1) « Ces conferences avoient lieu à l'archevêché trois ou » quatre fois par semaines, depuis trois heures jusqu'à six, >> en présence de M. de Paris, de M. de Chartres, de M. de » Meaux, de M. Beaufort, de M. Pirot; elles durèrent plus >> de deux mois. » Mts. de Ledieu.

» mander et à poursuivre la condamnation de ce » livre, après qu'il lui eut expliqué en particu>>lier tous les faux principes de cet ouvrage, >> et les conséquences qu'il y avoit à craindre;. qu'il lui répondoit du succès, et que la condam»> nation étoit immanquable. >>

Quatre mois entiers s'étoient écoulés dans cette succession d'incertitudes et de négociations, et ce ne fut guère que vers la fin de juin (1697), qu'il fut convenu et arrêté entre les deux prélats de rédiger et de publier une déclaration contre le livre des Maximes des saints.

C'est alors que le cardinal de Noailles transmit à Fénélon les remarques de Bossuet sur son livre. Mais les expressions lui en parurent si dures, et les injonctions si impérieuses de la part d'un confrère, qu'elles achevèrent de l'aigrir.

Bossuet avoit à la vérité proposé quelque temps auparavant des conférences, où Fénélon seroit admis. Fénélon a fait connoître lui-même les motifs de son refus (1). On ne les lui proposa que longtemps après que l'examen et la censure de son livre avoient déjà été arrêtés entre les trois prélats dans les conférences tenues sans sa participation. Il prétendit que ce n'étoit plus des explications qu'on lui demandoit, mais une simple adhésion de sa part à un jugement déjà déterminé par des collègues, qui s'arrogeoient un pouvoir qu'aucune loi ne leur attribuoit. Il parut également redouter la véhémence de Bossuet dans une discussion de vive voix sur des questions subtiles, qui avoient besoin d'être éclaircies et fixées avec une attention scrupuleuse. Ce fut par cette consi() Voyez sa Réponse à la Relation du Quiétisme.

dération, que Fénélon, en consentant enfin à ces conférences, exigea, comme une condition indispensable, la présence et le concours des théologiens du cardinal de Noailles, et qu'on y tînt un procès-verbal fidèle de tout ce qui lui seroit objecté par son adversaire, et de tout ce qu'il croiroit devoir alléguer pour sa défense.

Ces conditions ne furent point acceptées; et les conférences continuèrent à avoir lieu à l'archevêché pendant tout le mois de juillet (1697) entre le cardinal de Noailles, Bossuet et l'évêque de Chartres, pour arrêter et rédiger définitivement le projet de leur déclaration.

Fénélon avoit annoncé dans l'avertissement du livre des Maximes des saints que la doctrine qu'il y professoit étoit conforme à celle des trentequatre Articles d'Issy. Les prélats qui avoient concouru à ces Articles, étoient donc en droit de réclamer contre une conformité qu'ils désavouoient hautement, et ce désaveu servit de fondement à leur déclaration.

XIV. - Déclaration du cardinal de Noailles, de Bossuet et de l'évêque de Chartres, contre le livre des Maximes des

saints.

Fénélon eut ordre le 1er août 1697 de quitter la Cour, et de se retirer dans son diocèse. Dès le 6 du même mois, les trois prélats remirent au Roi la Déclaration (a) signée de leur main (1).

Le 27 juillet précédent, Louis XIV avoit écrit

(a) OEuvres de Bossuet, tom. xxvii, édit. de Vers. in-80 (1) « Elle fut rendue publique de l'agrément du Roi, pour » qui M. de Meaux la mit en français, et que Sa Majesté lut » elle-même. » Mts, de Ledieu.

[ocr errors]

au Pape une lettre très forte et très - pressante « pour le prier de prononcer, le plus, tôt qu'il se pourroit sur ledivre de l'archevêque de Cambrai, » et sur la doctrine qu'il contenoit. >>

De simples motifs de curiosité, très-étrangers à l'affaire du Quiétisme, avoient conduit à Rome, près d'un an avant la publication du livre des Maximes des saints, l'abbé Bossuet, neveu de l'évêque de Meaux, et l'abbé Phelipeaux qui lui avoit servi de docteur dans ses études de théologie: Aussitôt que Fénélon eut soumis son livre au jugement du Pape,. Bossuet écrivit à son neveu de suspendre son retour en France, sa présence pouvant devenir nécessaire à Rome. Ce fut donc sur son neveu que Bossuet jeta les yeux pour lui transmettre ses instructions: et solliciter la condamnatione de Barchevêque de Cambrai.

:

Jamais choix plus malheureux n'eut des suites plus déplorables. La correspondance:odel'abbér Bossuet accuse à chaque page son caractère, sesi sentimens et ses procédés; et il est impossible de ne pas attribuer à sa fatale influence l'excès de véhémence et d'amertume, qui est venu se mêler aux controverses de deux grands hommes, et qui laisse encore tant de tristesse dans l'ame de leurs plus sincères admirateurs (1).

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) La passion avoit tellement aveugléncen neveu si peu digne d'un tel oncle, qu'il a cru se recommander à la pos- . térité, en lui transmettant ces tristes monumens de sa haine et de son emportement. L'abbé Ledieu rapporte dans son journal, sous la date du 1er janvier 1705, « que peu de » temps après la mort de son oncle, l'abbé Bossuet lui parla » fort de ses lettres de Rome à M. de Meaux, et de celles « » que M. de Meaux lui avoit écrites de Paris, où étoit toute «

« PreviousContinue »