Page images
PDF
EPUB

roissoient faire impression sur l'esprit de quelques théologiens du Pape, et les disposoient à accueillir des interprétations, qui modifioient jusqu'à un certain point ce que le livre avoit de plus répréhensible.

Mais l'étonnement fut extrême à Paris, lorsqu'on y apprit tout-à-coup que les examinateurs nommés par le Pape, pour donner leur avis sur le livre des Maximes des saints, s'étoient trouvés partagés d'opinion, après soixante-quatre congrégations de sept heures chacune, à un grand nombre desquelles le Pape avoit assisté en personne. Sur dix examinateurs, cinq décidèrent que le livre des Maximes des saints devoit être exempt de censure. Cinq autres déclarèrent qu'il renfer moit un grand nombre de propositions dignes de

censure.

La controverse de Bossuet et de Fénélon, malgré l'ardeur et la véhémence qu'ils y avoient également montrées, s'étoit jusqu'alors renfermée dans les bornes d'une, discussion doctrinale. Mais elle prit un caractère plus affligeant, lorsque des discussions de fait, et des accusations personnelles vinrent se mêler à un combat déjà si animé.

› Fénélon, dans l'une de ses lettres au Pape, s'étoit plaint des procédés de ses confrères avec une sensibilité qui n'étoit pas exempte d'amertume; et il sembloit en donner l'opinion la plus défavorable, en déclarant qu'ils avoient été d'une nature si offensante, qu'on ne pourroit jamais le croire, s'il les faisoit connoître. Bossuet se persuada peut-être trop facilement, qu'une accusation si grave exigeoit de sa part la justification la plus solennelle, et il publia sa Relation sur le Quiétisme, Malheureuse

ment cette Relation étoit plus faite pour achever d'aigrir le cœur de Fénélon, que nécessaire à la défense de Bossuet; et le souvenir qui em est resté est également pénible pour les admirateurs de l'un et de l'autre.

XVII.

Bossuet publie la Relation sur le Quiétisme.

La Relation sur le Quiétisme se compose presque entièrement des extraits d'un mémoire que Fénélon avoit adressé à Mme de Maintenon dans l'épanchement de la confiance et de l'amitié, et des fragmens de quelques manuscrits que madame Guyon avoit livrés à la discrétion de Bossuet, dans le temps où elle avoit réclamé ses avis et ses instructions.

[ocr errors]

}

Il étoit impossible sans doute de mettre plus d'art, d'esprit et de goût, dans le récit de toutes les folies et de toutes les rêveries de Mme Guyon. Bossuet avoit su joindre à ce tableau si piquant ces grands mouvemens d'éloquence, qui venoient y répandre tout-à-coup' un caractère inattendu de gravité, de force et de majesté.

}

« (a) A l'égard de M. l'archevêque de Cambrai, » disoit Bossuet, nous ne sommes que trop justi»fiés par les faits incontestables de cette Relation, » et je le suis en particulier, plus que je ne voudrois. Mais pour faire tomber tous les injustes re proches de ce prélat, il falloit voir, non pas seulement les parties du fait, mais le tout jusqu'à Ea » source. C'est par là, j'ose le dire, qu'il paroît que » dès l'origine, on a tâché de suivre les mouvemens » de cette charité douce, patiente, qui ne squp, » conne, ni ne présume le mal.....

(a) Relation sur le Quiétisme; t. xx1x', p. 647 et suiv. ibid.

Où placera-t-on cette jalousie qu'on nous > impute sans preuve? Et s'il faut se justifier sur » une si basse passion, de quoi étoit-on jaloux » dans le nouveau livre de cet archevêque? Lui » envioit-on l'honneur de défendre et de peindre » de belles couleurs Mme Guyon et Molinos? Por>>toit-on envie au style ambigu d'un livre, ou » au crédit qu'il donnoit à son auteur, dont au » contraire il ensevelissoit toute la gloire? J'ai » honte pour les amis de M. de Cambrai, qui font » profession de piété, et qui cependant ne laissent » pas sans fondement d'avoir répandu partout, » même à Rome, qu'un certain intérêt m'a fait agir..... Quelque fortes que soient les raisons que je pourrois alléguer pour ma défense, Dieu ne me met point d'autre réponse dans le cœur, sinon que les défenseurs de la vérité, s'ils doi» vent étre purs de tout intérét, ne doivent pas » moins étre au-dessus de la crainte qu'on leur » impute d'étre intéressés,

[ocr errors]

» Au reste, je veux bien qu'on croie que l'inté» rêt m'a poussé contre ce livre, s'il n'y a rien » de répréhensible dans sa doctrine, ni rien qui soit favorable à la femme dont il falloit que l'il» lusion fût révélée. Dieu a voulu qu'on me mît » entre les mains, malgré moi, les livres qui en » font foi. Dieu a voulu que l'Eglise ait eu en la » personne d'un évêque un témoin vivant de cette » séduction. Ce n'est qu'à l'extrémité que je la découvre, quand l'erreur s'aveugle elle-méme jusqu'au point de me forcer à déclarer tout; » quand, non contente de vouloir paroître triom» pher, elle insulte; quand Dieu découvre d'ail» leurs tant de choses qu'on tenoit cachées?

[ocr errors]

la

>> Je me garde bien d'imputer à M. l'archevêque » de Cambrai autre dessein que celui qui est dé» couvert par des écrits de sa main, par son livre, » par ses réponses et par la suite des faits avérés. >> C'en est assez et trop d'être un protecteur si » déclaré de celle qui prédit et qui se propose >> séduction de l'univers. Si l'on dit que c'est trop >> parler contre une femme dont l'égarement » semble aller jusqu'à la folie, je le veux, si cette » folie n'est pas un pur fanatisme; si l'esprit de » séduction n'agit pas dans cette femme; si cette »Priscille n'a pas trouvé son Montan pour la dé» fendre. »

Ce n'est qu'avec douleur que nous rapportons ces dernières expressions de Bossuet. Elles firent trop de bruit dans le temps pour pouvoir être dissimulées. Elles donnèrent à Fénélon un avantage dont il sut profiter pour repousser avec la plus noble dignité une imputation si outrageante. Bossuet sentit lui-même l'inconvenance de son langage, et il s'efforça, autant qu'il le put, de donner à cette odieuse comparaison une interprétation aussi favorable que pouvoit le permettre la nature d'une accusation qu'il n'étoit plus en son pouvoir d'effacer, ni de faire oublier.

>>

« Si cependant, continue Bossuet, les foibles » se scandalisent, si les libertins s'élèvent, si l'on » dit, sans examiner la source du mal, que les querelles des évêques sont implacables; il est vrai, si l'on sait l'entendre, qu'elles le sont en effet sur le point de la doctrine révélée. C'est » ba preuve de la vérité de notre religion et de la » divine révélation qui nous guide, que les ques» tions sur la foi soient toujours inaccommoda

>>

»bles. Nous pouvons tout souffrir; mais nous ne » pouvons souffrir qu'on biaise, pour peu que ce n soit sur les principes de la religion.

[ocr errors]
[ocr errors]

>> Nous souhaitons et nous espérons de voir >> bientôt M. l'archevêque de Cambrai reconnoître » du moins l'inutilité de ses spéculations. Il n'étoit pas digne de lui, du caractère qu'il porte, » du personnage qu'il faisoit dans le monde, de » sa réputation, de son esprit, de défendre les » livres et les dogmes d'une femme de cette sorte. >>>> Pour les interprétations qu'il a inventées, il » n'a qu'à se souvenir d'être demeuré d'accord » qu'il n'en trouve rien dans l'Ecriture. Il n'en » cite aucun passage pour ses nouveaux dogmes. » Il nomme les Pères et quelques auteurs ecclé»siastiques, qu'il tâche de traîner à lui par des » conséquences, mais où il ne trouve ni son sacrifice absolu, ni ses simples acquiescemens, ni » ses contemplations, d'où Jésus-Christ est absent » par état; ni ses tentations extraordinaires aux» quelles il faut succomber...., ni tant d'autres » propositions que nous avons rélevées dans son » livre. Elles sont les fruits d'une vaine dialecti» que, d'une métaphysique outrée, de la fausse >>iphilosophie que saint Paul a condamnée. Tous » les jours nous entendons ses meilleurs amis le » plaindre d'avoir étalé son érudition et exercé » son éloquence sur des sujets si peu solides. Avec » ses abstractions ne voit-il pas que bien éloigné » de mieux faire, il ne fait que dessécher les » cœurs, en affoiblissant les motifs capables de. » les attendrir ou de les enflammer........ Nous » exhortons M. de Cambrai à occuper sa plume » éloquente et son esprit inventif à des sujets plus

[ocr errors]
[ocr errors]

12

« PreviousContinue »