Page images
PDF
EPUB

» nuation, la douceur du réquisitoire, qu'il disoit >> être un ouvrage digne du zèle d'un évêque et >> d'un théologien, plutôt que d'un magistrat, » parce que messieurs du parlement n'ont pas cou» tume d'être si favorables à l'Eglise. Aussi attribuoit-il le succès de cette pièce à la bonne édu»cation de M. d'Aguesseau, à sa piété, à son zèle » pour l'Eglise. Une seule chose qu'il n'approuvoit » pas, étoit que l'auteur parlât comme de deux » puissances, en parlant de celle du Pape et de » celle des évêques qui ne sont qu'une seule et » même puissance, sans compter quelques affec>>tations dans le style qui ne méritent pas d'être > relevées.

» Quand, dans la suite, on a dit que Rome se * trouvoit choquée de ce réquisitoire, et qu'elle » pensoit à en faire justice, il ne faut pas le crain

dre, dit M. de Meaux, après la satisfaction que » Rome a marquée du procès-verbal de l'assem» blée de Paris, puisque c'est la méme doctrine, » et c'est ce qu'on verra bien, quand on le lira » avec attention. C'est la commune doctrine de » France, et les Romains savent bien qu'ils ne » nous la feront pas abandonner. »

Toutes les assemblées métropolitaines, en adhérant par voie de jugement et d'acceptation au bref du pape INNOCENT XII, étoient convenues que chaque évêque publieroit pour son diocèse un mandement particulier conforme aux décisions prises dans les assemblées. C'est ce qui fut exécuté dans toute la France aussitôt que la Déclaration du Roi, pour autoriser la publication du bref du Pape, eut été enregistrée au Parlement.

Le cardinal de Noailles donna le premier l'exemple; et Bossuet, en une heure de temps, dit l'abbé Ledieu, composa son mandement dans la matinée du 16 août (1699), et il le publia dans le synode de son diocèse le 3 septembre suivant,

« (a) Ce mandement, qui est très-court, explique » avec netteté et précision deux points essentiels » de la puissance ecclésiastique, mais avec tant » de sagesse, que les Romains eux-mêmes en ont » fait l'éloge, sans que leurs oreilles délicates en » aient même été légèrement offensées. Ces deux » points sont la force invariable des jugemens ec» clésiastiques dans l'union du corps de l'épisco>> pat avec le chef de l'Eglise qui prononce, et » cette même autorité regardée dans ses effets » contre les erreurs et les hérétiques qu'elle pro» scrit également, »

Bossuet sut y amener l'éloge de Fénélon, en rappelant son édifiante soumission au jugement qui l'avoit condamné. Mais les expressions mêmes du mandement (b) nous feront encore mieux connoître l'exactitude des principes qu'il s'attachoit toujours à établir et à confirmer.

XXII. Mandement de Bossuet pour l'acceptation du bref d'Innocent XII.

<< Dans l'obligation où nous sommes, disoit Bos» suet, de condamner les fausses doctrines, même » dans les livres où elles paroissent avec leurs plus >> belles couleurs, quoique toujours sans l'autorité » de l'Ecriture et sans le témoignage de la tradi

-

(a) Mts. de Ledieu. - (b) OEuvres de Bossuet, tom. xxx, p. 403, édit. de Vers. in-8°.

» tion, nous parlerons avec d'autant plus de con» fiance, que cette condamnation est précédée d'une >> constitution apostolique, où la foi de saint Pierre » et de l'Eglise romaine, mère et maîtresse des » Eglises, s'est expliquée.....

[ocr errors]
[ocr errors]

>> Une censure si claire et si solennelle a eu tout » l'effet qu'on en pouvoit espérer. Le même esprit » de la tradition, qui a fait parler le chef visible » de l'Eglise, lui a uni les membres. Toutes les >> provinces ecclésiastiques de ce royaume ont reçu » et accepté la constitution avec le respect et la >> soumission ordinaires; et nous avons eu la con» solation, tant désirée et tant espérée, de voir » M. l'archevêque de Cambrai s'y soumettre le » premier simplement, absolument et sans aucune » restriction, en ajoutant même depuis, quelque » pensée qu'il ait pu avoir de son livre, qu'il re» nonçoit à son jugement pour se conformer à ce» lui du souverain pontife..... Les ennemis de l'E» glise, si attentifs aux divisions qui sembloient » s'y élever, peuvent voir par cet exemple, qu'elle » se glorifie en notre Seigneur du remède qu'il a » opposé aux dissensions, en donnant un chef aux » évêques et à l'Eglise visible avec lequel tout le » corps garde l'unité. »

- C'est dans ce mandement de Bossuet qu'il faut chercher le véritable jugement de ce grand homme sur la soumission de Fénélon; et on doit oublier que dans sa correspondance avec son neveu, il n'avoit pas d'abord rendu toute la justice qui étoit due à cet exemple éclatant et peut-être unique de docilité. Le mandement par lequel Fénélon adhéroit au jugement qui le condamnoit, avoit

été en effet couvert des applaudissemens de toute l'Europe, et offre encore aujourd'hui à la postérité un de ses plus beaux titres de gloire. Le chancelier d'Aguesseau venoit d'en faire l'éloge le plus magnifique devant le premier tribunal du royaume, et le Pape lui-même, quoique contraint et gêné dans l'expression de ses sentimens par la crainte de déplaire à Louis XIV, s'exprime dans son bref à Fénélon, avec une sorte de bonheur, et presque avec reconnoissance sur un tel acte de docilité.

Bossuet fit à l'assemblée du clergé de 1700 le rapport de tout ce qui s'étoit passé dans l'affaire du Quiétisme, et montra une modération qui acheva de rétablir le calme, que l'édifiante soumission de Fénelon avoit si heureusement préparé.

Tel fut le dernier acte de cette longue suite de scènes si vives et si animées, qui avoient fait tant de bruit et d'éclat, et auxquelles succéda tout-àcoup un silence absolu, aussi remarquable que l'intérêt extraordinaire qu'on y avoit apporté.

XXIII. - Démarches de Bossuet pour se rapprocher de

Fénélon.

En finissant le récit de la controverse du Quié tisme dans l'Histoire de Fénélon, nous avons exprimé tous nos regrets de n'avoir pas yu Bossuet et Fénélon revenir aux sentimens de confiance et d'amitié qui les avoient unis şi long-temps. Nous nous étions saisis avec avidité de quelques lignes d'une lettre de Mme de la Maisonfort à Fénélon, écrite peu de temps après la mort de Bossuet. Elle y parloit «d'un voyage que l'abbé de Saint

» André avoit fait en Flandre à la prière de M. de » Meaux, et qui marquoit de la part de ce prélat » le désir sincère d'arriver à une réconciliation, » et des contre-temps qui en avoient empéché le » succès.

Nous regrettons de n'avoir pu répandre plus de lumière sur une particularité à laquelle un juste intérêt ne nous permettoit pas de rester indiffé. rens. Mais nous avons été plus heureux que nous n'osions l'espérer. En parcourant les papiers qui nous ont été confiés pour l'Histoire de Bossuet, nous avons trouvé le récit de l'abbé de Saint-André lui-même, qui nous a fait connoître tous les détails que Me de la Maisonfort nous avoit laissé ignorer. On y voit que Bossuet avoit en effet chargé l'abbé de Saint-André de faire les premières ouvertures d'une réconciliation, et que Fénélon n'a pas eu le tort de s'y être refusé. Un concours d'incidens bizarres ne permirent pas que les généreuses intentions de Bossuet arrivassent jusqu'à Fénélon.

C'est le célèbre Winslou (a) qui nous a conservé ces détails. Il déclare les avoir copiés sur le manuscrit original de l'abbé de Saint-André (1). Cet ccclésiastique rapporte « que le lendemain de la » Quasimodo (1699) M. de Meaux, se promenant » avant le dîner sur la terrasse de Germigny avec

(a) Mts. de Winslou.

(1) Lorsque Winslou vint à Meaux, dans l'intention d'abjurer le lutheranisme, Bossuet, avant de recevoir son abjuration, chargea l'abbé de Saint-André de l'y disposer par des instructions convenables. Depuis cette époque, Winslou entretint des relations habituelles avec l'abbé de Saint-André, jusqu'à la mort de cet ecclésiastique.

« PreviousContinue »