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suivre les vues et la marche de la Providence, reconnoîtront dans les résultats de la controverse du Quiétisme, l'un des événemens les plus remarquables dans l'histoire de l'Eglise, et les plus honorables pour l'Eglise gallicane en particulier.

Le jugement du saint Siége, qui condamna les erreurs de Fénélon, reçut toute sa force du concert des évêques avec le chef de l'Eglise. Ce grand exemple servit à montrer qu'il existe dans l'Eglise catholique un centre d'unité et d'autorité, dont l'action suffit pour réprimer toutes les hérésies, lorsque l'entêtement et la mauvaise foi ne sont pas unis à l'erreur.

« La soumission de l'archevêque de Cambrai, » dit le chancelier d'Aguesseau (a), est un exemple » peut-être unique dans l'Eglise, d'une querelle de

doctrine terminée sans retour par un seul juge» ment, qu'on n'a cherché depuis ni à faire rétrac» ter, ni à éluder par des distinctions; la gloire en » est due à la sagesse et à la supériorité du génie » de l'archevêque de Cambrai. »>

Bossuet, en assurant le triomphe de la vérité contre une doctrine qui n'étoit pas exempte de danger pour la règle des mœurs et le véritable esprit du christianisme, eut aussi la satisfaction de voir toute l'Eglise gallicane, se réunir avec le concert le plus unanime dans l'application des célèbres maximes qu'il avoit proclamées dans l'assemblée de 1682.

« Il s'excita, dit le chancelier d'Aguesseau (b), » une louable émulation entre les différentes pro(a) Mémoires du chancelier d'Aguesseau, tom. xIII. — (1) Ibid.

>> vinces (ecclésiastiques). Chacune voulut avoir » l'honneur d'avoir mieux soutenu le pouvoir at» taché au caractère épiscopal, de juger ou avant » le Pape, ou avec le Pape, ou après le Pape, et >> le droit dans lequel sont les évêques de ne rece» voir les constitutions du Pape qu'avec examen, » et par forme de jugement. Ce qu'il y eut de plus >> remarquable dans ce témoignage solennel que » l'Eglise gallicane rendit à sa doctrine, c'est qu'il » fut placé dans un temps où nous n'avions aucun » démêlé avec la Cour de Rome, et où le Roi vi» voit dans une parfaite intelligence avec le Pape, » dont il ne craignoit rien, et n'avoit rien à crain» dre, en sorte que ce fut à la vérité seule, et non » à la nécessité des conjonctures, qu'on fut rede» vable d'une déclaration des sentimens du clergé » si authentique et si unanime. »

XXV. Bossuet est nommé conservateur des priviléges de l'Université de Paris.

Pendant le cours de la controverse du Quiétisme, Bossuet avoit reçu plusieurs témoignages aussi flatteurs qu'éclatans de la considération publique et de la bienveillance particulière de Louis XIV.

A la fin de 1695, l'Université de Paris nomma Bossuet conservateur de ses priviléges. Elle s'étoit proposé de lui en donner le titre dès 1679, à la mort de M. Choart de Buzenval, évêque de Beauvais (1). Mais M. de Harlay, archevêque de Paris, ne permit pas à l'Université de suivre son mouve

(1) Nicolas Choart de Buzenval, nommé à l'évêché de Beauvais en 1650, mort en 1679 à l'âge de soixante-huit ans.

ment (a); et elle préféra de laisser la place vacante plutôt que de faire tomber son choix sur un autre : devenue libre enfin par la mort de M. de Harlay, elle déféra le titre de conservateur de ses priviléges à Bossuet, par une délibération du 14 décembre 1695, dans une assemblée générale présidée par le célèbre Rollin, alors recteur de l'Université. Bossuet retenu à Meaux pour les affaires de son diocèse, ne put prendre possession lui-même de cette dignité. Il se fit représenter par l'abbé Bossuet son neveu, qui fut reçu au nom de son oncle dans une assemblée générale encore présidée par Rollin, le 2 janvier 1696; et on lut dans cette assemblée la lettre où Bossuet exprimoit sa reconnoissance et ses regrets. Ce titre de conservateur des priviléges de l'Université de Paris donnoit des fonctions et une autorité assez étendues dans des temps plus anciens. Mais il n'étoit plus qu'un titre honorifique, presque toujours déféré à quelque prélat distingué; et comme Fénelon l'écrivoit (6) avec sa grâce accoutumée à Bossuet lui-même, à l'occasion de sa nomination à cette place: Ces sortes de titres dorment sur certaines tétes; et sur d'autres, ils peuvent servir à redresser les lettres.

XXVI.

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Bossuet est nommé conseiller d'Etat (1697) et premier aumônier de Mme la duchesse de BOURGOGNE.

Le 29 juin 1697, Louis XIV nomma Bossuet conseiller d'Etat; et il prit place au conseil le 3 juillet suivant

Enfin, le 28 octobre 1697, Bossuet fut nommé premier aumônier de Mme la duchesse de Bour

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GOGNE. Il en reçut la nouvelle le 30 octobre, étant à Vareddes, paroisse de son diocèse, où il étoit occupé à faire la visite de la maison des Soeurs de la charité qu'il venoit d'y établir. « Il reçut cette » nouvelle, écrit l'abbé Ledieu, qui étoit auprès » de lui, simplement, sans aucune démonstra» tion de joie, sans aucune affectation d'insensibi» lité. »

Bossuet n'a pas cependant dissimulé qu'il avoit désiré cette place, et qu'il l'avoit même demandée dès 1696. On lit dans une de ses lettres à l'évêque de Mirepoix (M. de la Broue): « Vous aurez su la » nomination des dames et de quelques autres pour » la future duchesse de BOURGOGNE, On n'a point » parlé des charges d'Eglise. Je vous avoue sans hé» siter, que j'ai fait ma demande (de la place de premier aumônier); elle a été aussi bien reçue

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qu'il se pouvoit; et les apparences sont bonnes » de tous côtés. Dieu sait ce qu'il veut; et pour moi, je suis bien près de l'indifférence. »

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(a) Lorsqu'il fut question de faire prêter le serment aux nouveaux officiers de la maison de la princesse, il survint une difficulté inattendue. Le Roi avoit fixé le 31 décembre (1697) pour cette cérémonie. Le marquis de Dangeau, nommé chevalier d'honneur, prétendit prêter le serment le premier. Louis XIV ne voulut point prononcer sans entendre Bossuet, qui se borna à rappeler au Roi, que lorsqu'il avoit été nommé premier aumônier de Madame LA DAUPHINE, il avoit été admis sans difficulté à prêter serment avant tous les autres officiers de la maison; que dans tous (a) Mts. de Ledieu.

les états de la maison du Roi, des princes et princesses, on plaçoit toujours les officiers de la cha`pelle au premier rang; que ce n'étoit point un honneur déféré aux personnes, mais un hommage que la piété des rois se plaisoit à rendre à la religion dans ses ministres; Bossuet présenta ensuite à Louis XIV l'article de la gazette de France du 10 mars 1681. On y lisoit « que M. l'évêque de Condom, premier aumônier de Mme la Dauphine, prêta le serment le premier; et après lui, la du» chesse de Richelieu, dame d'honneur, la maré>> chale de Rochefort, première dame d'atours, » la marquise de Maintenon, seconde dame d'a» tours; et ensuite le duc de Richelieu, chevalier

d'honneur, » qui, par un sentiment de politesse, céda son rang aux dames de la maison de Madame la Dauphine.

Le marquis de Dangeau, quoique d'un rang inférieur au duc de Richelieu, qui étoit pair de France, voulut encore insister, malgré l'autorité d'un exemple aussi récent. Il passoit à la Cour pour avoir beaucoup de vanité, et attacher beaucoup de prix à l'éclat et à la représentation. Le duc de Saint-Simon n'a pas manqué de le tourner en ridicule sur l'appareil et l'ostentation qu'il affectoit de déployer dans la réception des chevaliers de l'ordre de Saint-Lazare, dont il étoit grandmaître. Louis XIV voulut consoler un peu la vanité du marquis de Dangeau, en décidant « (a) qu'on >> ne pouvoit refuser à M. de Meaux de prêter son » serment le premier, en considération de son » grand mérite. » Mais le marquis de Dangeau (a) Mts. de Ledieu.

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