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Il n'y eut guère d'exception à cet égard que pour l'empereur Julien qui, étant monté sur le trône en 361, se déclara ouvertement païen et fit tout ce qui était en son pouvoir pour restaurer le paganisme, au détriment du catholicisme romain. On vit alors la religion païenne, que l'on croyait morte, ressusciter, gagner des adhérents, faire des conquêtes. (1). Seulement, ces retours faciles à une religion qu'on avait été forcé d'abandonner, montraient que les conversions opérées par la crainte des châtiments ou par les faveurs des princes, étaient superficielles et mensongères, et que la contrainte sera toujours un mauvais moyen pour convertir les infidèles, les hérétiques ou les mécréants.

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Les papes et les évêques du IVe siècle, dit Lhorente, crurent qu'il était de leur devoir d'extirper les hérésies ils commencèrent par imiter la conduite qu'ils avaient reprochée aux prêtres païens, et profitant ensuite de leur ascendant sur les empereurs qui venaient d'embrasser le christianisme, ils engagèrent Constantin et ses successeurs à établir des lois civiles contre les hérétiques et à considérer les hérésies comme des crimes qu'il fallait soumettre à des peines afflictives. Ces peines étaient la note d'infamie, la privation des honneurs et des emplois, la confiscation des biens, la défense de tester et de succé. der par privilège de donation, et la condamnation à des amendes plus ou moins considérables selon les cas.

A peine les papes eurent-ils obtenu de faire punir les hérétiques par quelques peines corporelles, qu'ils se virent dans la nécessité d'en solliciter d'autres beaucoup plus sévères, telles que la fustigation, l'exil et la déportation. Les Manichéens et les Donatistes n'échappaient à la mort que par l'abjuration » (2).

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Qu'on lise l'ouvrage de M. De Potter « Considérations philosophiques sur les Conciles » et l'on verra toutes les sectes séparées de Rome, persécutées avec la dernière violence par les empereurs catholiques, commandés par les papes de Rome (3). Le cadre de notre histoire ne nous permet pas d'exposer les

1. G. BOISSIER. La fin du paganisme. T. I, p. 85 à 142.

2. LLORENTE. Histoire de l'Inquisition d'Espagne, abrégée par le comte de Ségur, p. 3 et 4.

3. DE POTTER. Considérations sur les Conciles, t. I, p. 18S-190.

détails de ces persécutions sanglantes des chrétiens les uns contre les autres.

Après la mort de Julien, on vit les convertis de l'Empereur philosophe revenir au catholicisme avec autant de facilité qu'ils l'avaient abandonné. Aussi la persécution triompha-t-elle presque sans peine d'un culte païen rétabli en dépit des lumières et du bon sens. Celui qui contribua le plus à la destruction totale du paganisme fut l'empereur Théodose.

En 392 une loi de ce prince interdit les sacrifices offerts aux idoles, sous peine de mort, en les qualifiant de haute trahison. contre l'Etat.

Toutes les fêtes publiques, tous les actes de l'ancien culte furent épiés et punis avec acharnement par les magistrats et les évêques. Dans les Gaules, Saint Martin, évêque de Tours, se signala dans ses fonctions épiscopales par le zèle avec lequel il accomplit dans son diocèse la destruction des temples des idoles. C'était à la tête d'une troupe de gens armés qu'il allait attaquer successivement les sanctuaires de l'idolâtrie. L'exemple de Saint Martin fut suivi par les prélats les plus illustres des Gaules.

Pendant que les catholiques jouissaient de toutes sortes de privilèges, les païens furent l'objet de mille indignités. Rejetés de la cour, de la justice, de l'administration, de l'armée, privés de protection, des honneurs, des richesses dont jouissait l'Eglise, ils furent enfin poursuivis dans les obscurs villages où ils gardaient encore le culte de leurs pères. Leurs cérémonies furent punies de mort, leurs temples furent attaqués avec le fer et le feu, et lorsqu'ils essayèrent de les défendre, leur sang coula en abondance. Ainsi fut accomplie dans le quatrième siècle, la conversion des Gaules, et tandis que sous le règne de Constantin les chrétiens n'y formaient encore qu'une très faible minorité, sous le règne d'Honorius, il était difficile d'y trouver encore des païns parmi les citoyens romains (1).

Ainsi, avant Constantin le Christianisme s'était propagé par la prédication de l'Evangile. Depuis la conversion de cet empe

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- Voyez aussi G.

1. SISMONDI. Histoire des Français. T. I, p. 72. BOISSIER. La fin du paganisme, t. II, p. 293 et suivantes.

reur, la religion de Jésus, dénaturée par les principes du paganisme devenu le catholicisme romain, œuvre des papes et des prêtres, s'établit par la force et ne se maintiendra dans la suite qu'en torturant, qu'en brûlant ceux qui, l'Evangile en main, réfuteront ses erreurs et inviteront les peuples trompés à retourner à la doctrine primitive de Jésus-Christ et des apôtres.

CHAPITRE II

Sous Clovis et ses descendants, le Catholicisme imposé par la force, s'établit par la fondation de nombreux monastères. Vie et Viie siècles.

SOMMAIRE: Invasion des Barbares.

-

- Conversion de Clovis.

puissance mise au service de l'Eglise.
Mort de Clovis. Concile d'Orléans.
vis. Saint Amand et Dagobert.
par la force.
servissement.

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Sa

Les descendants de CloL'Eglise romaine s'établit - Les couvents, instruments de domination et d'as

I

L'Eglise catholique, qui s'était servie de la force pour s'établir en maîtresse sur les ruines du paganisme, ne devait pas tarder à subir le châtiment de son infidélité. Elle recevra bientôt des païens du Nord des traitements semblables à ceux qu'elle avait infligés aux païens du Midi. Du fond des vastes plaines de l'Asie, des peuples barbares inondèrent l'Europe comme un débordement de l'océan agité.

Aucun obstacle n'ayant pu arrêter le flot dévastateur de ces hordes sauvages, les églises furent détruites, les autels livrés. aux flammes, les prêtres égorgés au pied des tabernacles, et les villes réduites en monceaux de ruines, recelèrent les milliers de cadavres de leurs habitants massacrés.

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Attila, le fléau de Dieu, semblait ne prétendre à d'autre gloire qu'à rainer les pays conquis au christianisme et à exterminer le dernier des chrétiens.

Cependant, ce destructeur, battu à Orléans par Théodoric, est entièrement défait dans les champs catalauniques, et la victoire

d'Aélius, général romain, fut en même temps le triomphe de la civilisation sur la barbarie (1).

Après cette cruelle épreuve, l'Eglise devait se relever de son désastre, non par sa propre puissance, mais par l'appui que lui apportera un nouveau Constantin.

Clovis, fils de Childéric, épousa la jeune Clothilde qui, étant catholique, chercha à gagner à sa religion son royal époux encore païen.

Une victoire devait amener la conversion de Clovis comme elle avait amené celle du premier empereur chrétien. Aussi ces deux conversions, produites par des causes semblables, étaient très superficielles. Ces princes, devenus catholiques, se montrèrent très peu scrupuleux à répandre le sang humain.

En 496, les Allemands ayant fait invasion dans les Gaules, Clovis invoqua le Dieu de Clothilde et promit d'embrasser sa religion s'il remportait la victoire. Le combat s'engagea, le roi des Allemands fut tué, et toute son armée mise en déroute, reconnut le vainqueur pour son chef. Celui-ci se hâtant d'accomplir son vou, se fit baptiser à Reims, par l'évêque Remi, avec trois mille de ses guerriers (2).

Une fois gagné au catholicisme, Clovis mit tout son pouvoir et toute sa puissance au service de l'Eglise. Après avoir établi des évêques partout où la chose parut nécessaire pour soumettre ses sujets au joug de Rome, le roi des Francs tourna ses armes victorieuses contre les rois Ariens, aussi intolérants que les princes catholiques. Lorsqu'il eut pleinement rassuré Alaric II, roi des Visigoths, à la conférenc› d'Amboise, Clovis assembla, en 507, l'armée de ses Francs au champ de Mars et leur dit :

Je ne puis souffrir que ces ariens possèdent la meilleure partie des Gaules. Allons sur eux, et quand, avec l'aide de Dieu, nous les aurons vaincus, nous réduirons leurs terres sous notre domination.·

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Un discours plus artificieux n'était pas nécessaire pour déterminer les Francs à courir au combat et au pillage. L'expédition

1. DUFAU. Ouvrage cité, p. 62-65.

KERVYN DE LETTENHOVE. Hist. de Flandre, t. I, p. 15-16.

2. SISMONDI. Hist. des Français, t. I, p. 116-117.

T. JUSTE. Hist. de Belgique, t. I, p. 56-57.

fut résolue par le vœu de toute l'armée, et celle-ci se mit aussitôt en marche. L'armée des Francs et celle des Visigoths se rencontrèrent dans les plaines de Vouglé. Le combat fut acharné. Alaric périt et son armée essuya une défaite complète. Après cette victoire, le roi catholique revint à Paris, et après s'ètre baigné dans le sang de ses sujets, il mourut empoisonné en 511 (1).

Le règne de ce prince barbare avait été très favorable à la puissance ecclésiastique. « Pour s'assurer des moyens d'action efficaces, dit M. Le Roy, le clergé des Gaules régla sa pɔsition dans l'Etat, se fit place à la cour... et sollicita en faveur de l'Eglise des libéralités qui lui furent prodiguées". Au Concile d'Orléans, en 511, trente évêques organisèrent la juridiction diocésaine, firent consacrer l'inviolabilité des temples et des couvents, exempter de toutes taxes les biens ecclésiastiques 2. C'est à cette préoccupation des évêques gaulois que peut s'appliquer ce jugement d'un grand écrivain :

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Déjà au Ve siècle, dit Guizot, paraissaient dans l'Eglise quelques mauvais principes qui ont joué un grand rôle dans le développement de notre civilisation... L'Eglise tendait de plus en plus à faire prévaloir dans la société le principe théocratique, (autorité du prêtre) à s'emparer du pouvoir temporel, à dominer exclusivement. Et quand elle ne réussissait pas à s'emparer de la domination... elle s'alliait avec les princes temporels, soutcnait leur pouvoir aux dépens de la liberté des sujets (3).

La conversion de Clovis, comme celle de Constantin avait été très favorable au clergé, dont la puissance et la richesse se sont accrues, mais au détriment de la prospérité et de la liberté des peuples.

Sous les descendants de ce prince catholique, nous verrons l'Eglise romaine solidifier encore son autorité sur les ruines toujours plus complètes de l'indépendance religieuse de ceux que la force poussera dans son sein.

1. SISMONDI. T. I, p. 134-135. — T. JUSTE. T. I, p. 57-58. M. LACHATRE. Hist. des papes et des rois, t. I, p. 179.

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2. HIST. DES RELIG. Patria Belgica, t. III, p. 24. 3. FLEURY. Livre XXXI. SISMONDI. T. I, p. 142.

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RICHARD. T. I, p. 484.

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3. GUIZOT, Hist, de la civilisation en Europe, p. 48.

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