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que la délation de serment faite au débiteur; l'article 189 du Code de commerce prononce de même : quoique la preuve testimoniale soit toujours admissible, en matière de commerce, cependant cet article exige une reconnaissance séparée, ou le refus de serment déféré au débiteur, pour détruire la présomption de paiement qui résulte du délai de cinq ans écoulés depuis la souscription d'une lettre de change (1).

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20. Présomptions humaines. Ce sont celles qui ne sont point établies par une loi en vigueur. Ces présomptions ne peuvent être admises que dans le cas où la preuve testimoniale est admissible. Dans ce cas, le juge ne doit même prendre pour base de sa décision que des présomptions graves, précises et concordantes; l'appréciation en est abandonnée à ses lumières et à sa prudence. Toute la doctrine sur cet objet se trouve renfermée dans l'art. 1353 du Code : « Les présomptions qui ne » sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude oudedol.» Ainsi, toutes les fois que la preuve testimoniale est inadmissible, le juge de paix ne doit avoir aucun égard aux présomptions humaines, quelques graves et précises qu'elles puissent être. Quand la loi, exigeant une preuve par écrit, défend la preuve testimoniale et par conséquent celle par présomptions, sa disposition est tellement impérieuse que, le juge cût-il été témoin du fait allégué, il ne devrait pas moins rejeter la demande.

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Ce n'est que dans le cas où la preuve testimoniale est admissible (ce qui arrive dans la plupart des affaires de sa compétence), que le juge de paix peut avoir égard aux présomptions humaines, soit pour remplacer, soit pour aider la preuve testimoniale ou le commencement de preuve par écrit; encore doit-il éviter de prendre pour des indices certains, pour des

(1) D'Aguesseau, tom. 2, p. 541; Répertoire, vo Présomptions, § 3, no 16. Voy. aussi dans Dalloz, p. 532 de 1815, 435 de 1818, et 181 de 1838, les arrêts des 9 novembre 1812, 16 juin 1818, et 14 décembre 1837.

présomptions capables de motiver une condamnation, ces conjectures vagues et arbitraires qui, comme le dit Merlin, peuvent s'appliquer, avec une égale facilité, à des faits différents; ces vraisemblances incertaines, ces rapports éloignés, sur lesquels l'esprit de système pourrait fonder tout ensemble et la demande et la défense. La loi, ajoute le même auteur, › entend par indice une induction si forte d'un fait, qu'il en ⚫ résulte que la chose est telle qu'il l'annonce, et qu'il est impossible qu'elle soit autrement, ut res aliter se habere non possit. Il serait difficile, au surplus, de tracer sur ce point d'une manière précise, la conduite à tenir dans les justices de paix.

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21. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, dans les affaires qui peuvent être jugées sur une preuve testimoniale et des présomptions, le juge remplit, en quelque sorte, la fonction de juré, ce que beaucoup de gens regardent comme la chose la plus simple et la plus facile du monde. L'expérience démontre, au contraire, que la juste appréciation d'un fait est, de tous les jugements, celui qui exige le plus de pénétration. De faibles conjectures suffisent souvent pour déterminer l'homme d'un esprit borné : il y a bien à parier, telle est sa conviction; tandis que celle d'un homme solide et éclairé ne s'établit que sur des preuves positives et convaincantes (1).

(1) Nous n'entendons point faire ici la critique de la procédure criminelle. L'institution du jury a ses inconvénients, mais elle a aussi ses avantages; l'indulgence dont on a souvent fait reproche aux jurés, comme étant funeste au repos public, est préférable à une trop grande sévérité; et à part l'influence qu'exerce l'esprit de parti, dans certains cas, leurs déclarations sont du reste exemptes de partialité : un meilleur choix dans la composition du jury serait seulement à désirer. N'a-t-on pas vu dans une affaire, le banc des jurés se trouver réduit, par suite de récusations, à douze personnes tellement simples, que celui qu'ils avaient pris pour chef comme l'un des plus lettrés, eut peine à lire son verdict; et il s'agissait d'apprécier un écrit politique! Que l'on nous parle, après cela, d'introduire le jury dans les affaires civiles; ce serait une véritable plaie pour la société.

§ III.

De l'expertise.

22. Parmi les affaires dont la connaissance est dévolue aux justices de paix, plusieurs exigent une visite de lieux. Souvent aussi le recours aux lumières des gens de l'art est indispensable.

Il n'entre pas, dans l'objet de ce traité, de retracer les formes établies par les articles 41, 42 et 43 du Code de procédure, relatifs aux visites de lieux et aux appréciations. Nous croyons devoir seulement examiner quelques questions qui peuvent présenter des difficultés, attendu le laconisme ou l'insuffisance de ces articles.

23. 1o Le juge de paix peut-il ordonner, d'office, soit son transport sur les lieux, soit une appréciation par experts? La négative semblerait résulter de l'art. 8 du tarif, lequel déclare que le procès-verbal du juge doit faire mention de la réquisition › de la partie, et il n'est rien alloué, à défaut de cette mention. » Cependant l'art. 41 du Code de procédure veut que, dans le cas où il s'agit, soit de constater l'état des lieux, soit d'apprécier la valeur des indemnités, le juge de paix ordonne que le licu contentieux sera visité par lui en présence des parties, et l'art. 42 veut également qu'il nomme des gens de l'art pour faire la visite avec lui, s'il s'agit d'objets exigeant des connaissances qui lui soient étrangères. La loi s'en rapportant sur ce point à la prudence du magistrat, il peut donc ordonner, d'office, son transport sur les lieux, avec ou sans experts, suivant qu'il le juge convenable, sans en être requis par les parties; et, dans le cas où elles ont fait cette réquisition, rien ne l'oblige d'y obtempérer, si l'opération lui paraît inutile. Tout ce qui peut résulter de la combinaison des articles du Code avec le tarif, c'est qu'il n'est rien alloué aux juges de paix, quand l'accès des lieux est ordonné d'office. Le tarif prononce la même décision pour le transport sur les lieux, afin de procéder à une enquête. Mais à supposer que les parties se refusent à ce que l'on mentionne dans le procès-verbal une réquisition, de leur

part, le défaut de taxe de la vacation serait sans influence sur la conduite d'un magistrat jaloux de l'accomplissement de ses devoirs.

24. Dans le cas où il est nécessaire de recourir aux gens de l'art, en quel nombre le juge de paix doit-il nommer les experts? Cette nomination peut-elle être laissée au choix des par.

ties?

L'art. 303 du Code de procédure porte que l'expertise ne ⚫ pourra se faire que par trois experts, à moins que les par> ties ne consentent qu'il soit procédé par un seul. » Mais c'est dans le livre 2 relatif aux tribunaux ordinaires que se trouve cette disposition, laquelle, par conséquent, est étrangère aux justices de paix. L'art. 42 leur accordant la faculté de recourir à des gens de l'art, sans en déterminer le nombre, tout, à cet égard, est donc laissé à l'arbitrage de ces magistrats.

La Cour de cassation décide, qu'en matière criminelle, un seul expert peut être nommé; plusieurs cours ont jugé qu'il doit en être de même en matière de commerce (1). Pourquoi en serait-il autrement de la justice toute paternelle des tribunaux de paix? le juge de paix peut être appelé à des vérifitions ou estimations très importantes, et pour lesquelles il est convenable de ne pas s'en rapporter à l'avis d'un seul expert. Mais la plupart des affaires qui se traitent dans ces tribunaux inférieurs étant extrêmement minutieuses, nommer en ce cas trois experts, ce serait occasionner aux parties des frais inutiles. C'est donc au juge de paix qu'il appartient d'apprécier si la nomination d'un seul suffit, sans qu'il soit besoin pour cela du consentement des parties.

Quant au choix des experts, il n'en est pas des justices de paix comme des tribunaux ordinaires, où les experts ne doivent être nommés d'office, qu'à défaut des parties de s'accorder sur le choix dans le délai fixé par le jugement. C'est le juge de paix que la loi charge de nommer les experts. Cependant si les parties sont d'accord sur ce point, rien n'empêche qu'il soit donné acte de

(1) Arrêt du 23 juillet 1836, D., p. 445 et suiv. - Voy. dans le même recueil, p. 69, part. 2 de 1830, l'arrêt de la Cour de Rouen du 16 décembre 1820, et celui de la Cour de Colmar du 24 décembre 1833, part. 2, p. 22 de 1835.

la nomination faite par elles, en observant toutefois qu'il est prudent de ne commettre, soit d'office, soit par suite du désir des parties, l'opération qu'à des experts en nombre impair, afin d'éviter une tierce expertise. Ce n'est que dans le cas où, comme on l'a vu pour les chemins vicinaux, pag. 32, la loi prescrit aux parties de nommer chacune un expert et un tiers en cas de désaccord, qu'alors force est de tenir cette marche.

25. 3 Comment doit-il être procédé à l'expertise? La présence du juge de paix et de son greffier est-elle indispensable?

A s'en tenir à la lettre de l'art. 42, il semblerait que les experts ne peuvent vaquer qu'en présence du juge de paix, et que, dans les causes sujettes à appel, le procès-verbal devrait toujours être rédigé par le greffier. Cette marche est la plus expéditive: le juge qui, faisant la visite avec les experts, reçoit leur rapport, est aussi plus à même de connaître la difficulté; mais en indiquant ce qui peut se pratiquer le plus communėment, l'article ci-dessus, qui d'ailleurs n'attache aucune peine de nullité, en cas d'inobservation, n'a point entendu interdire toute autre forme. Or, il existe des affaires pour l'appréciation desquelles le juge de paix serait dans l'impossibilité de vaquer avec les experts, attendu la longueur de l'opération, et le greffier, quelque instruit qu'on le suppose, ne serait pas dans le cas de rendre exactement leur pensée. Indépendamment des actions possessoires dont quelques-unes peuvent exiger une expertise difficile, les actions pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes, qui, comme on le verra plus loin, peuvent nécessiter des connaissances toutes spéciales, les rendues de baux, le bornage, l'estimation de la perte ou avarie d'effets confiés aux aubergistes et voituriers, et plusieurs autres attributions conférées aux juges de paix par la loi nouvelle, vont mettre ces magistrats dans le cas de faire procéder à de nombreuses expertises auxquelles ils ne pourraient assister, sans se détourner continuellement de leurs occupations ordinaires. D'ailleurs, comme on vient de le voir, il ne doit rien leur être alloué, sans la réquisition formelle des parties, qui se garderont bien de provoquer la présence du juge de paix et de son greffier à une opération qui exige des connaissances spéciales et qui, devant se prolonger, occasionnerait des frais aussi inu

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