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nation, celui qui ne peut aliéner est par-là même incapable de renoncer (2222).

Ainsi le mineur, l'interdit, ne peuvent renoncer à la prescription. Il en est de même des personnes chargées de la défense de l'état, des communes, des hospices et autres établissements publics.

Il en est qui prétendent que le mineur ou l'interdit pourraient être autorisés à renoncer à une prescription acquise, sans bonne foi; mais c'est une erreur : le devoir du tuteur est de ne point négliger la défense du mineur. Tutoris præcipuum est officium, nè indefensum pupillum relinquat (loi 30, ff. de administ. et peric. tutor.); et la prescription étant un moyen péremptoire, de quel droit ceux qui sont chargés de la défense du mineur prendraient-ils sur eux d'en autoriser la renonciation? Ce n'est qu'au mineur et à l'interdit, quand ils seront en possession de leur capacité, qu'il appartiendra de résoudre le cas de conscience qui peut résulter de la bonne ou mauvaise foi.

A l'appui de ce raisonnement, vient l'art. 481 du Code de procédure, lequel accorde à l'état, aux communes, aux établissements publics et aux mineurs, la voie de requête civile, s'ils n'ont pas été défendus valablement. Renoncer à un moyen aussi invincible que celui de la prescription, ce n'est pas seulement négliger la défense, c'est sacrifier les intérêts de ceux qu'on est chargé de représenter.

Si donc le mineur ou l'interdit avaient été autorisés par le conseil de famille à renoncer à la prescription, et que le tuteur ne demandât pas la nullité de cette autorisation, les tribunaux, il est vrai, ne pourraient appliquer la prescription, parce que, comme on l'a vu, il ne leur est pas permis de suppléer ce moyen d'office; mais le mineur ou l'interdit pourraient se pourvoir en requête civile, si l'autorisation avait été donnée dans le cours du procès, ou se faire restituer, d'après l'art. 1305 du Code civil, si la renonciation avait été autorisée hors d'un procès.

En ce qui concerne l'état, les communes et les établissements publics, si la renonciation avait été autorisée par un acte du pouvoir législatif ou une ordonnance royale, dans ce cas elle devrait subsister, les formalités requises pour l'aliénation des biens du domaine et des communes se trouvant ainsi remplies.

La femme mariée ne peut renoncer à la prescription, sans y être autorisée par son mari, mais au moyen de cette formalité la renonciation est inébranlable. Il en devrait être de même d'une renonciation faite par un prodigue, assisté de son conseil judiciaire (art. 513 du Code civil).

S VI.

Des diverses espèces de prescriptions.

29. La prescription de 30 ans, qui, dans notre droit actuel, est la plus longue, éteint toutes les actions. Cette prescription n'exige ni titre ni bonne foi.

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Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse > lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi» (art. 2262). La prescription de 30 ans est une de ces présomptions juris et de jure, qui, comme on l'a vu, sect. III, no 18, lorsqu'elles sont constantes, ne peuvent être détruites par aucune preuve contraire: on ne pourrait pas même déférer le serment contre cette prescription, une fois qu'elle est établie. Rien n'empêcherait cependant cette délation, sur le point de savoir si la possession a réellement existé ou n'a pas été interrompue.

La prescription de 30 ans est une règle générale qui s'applique à tous les cas pour lesquels la loi n'a pas établi de prescriptions particulières.

Nous allons donner une idée sommaire des prescriptions plus

courtes.

Prescriptions de dix et vingt ans.

30. D'après les articles 2265, 2266, 2267, 2268 et 2269 du Code civil, l'acquéreur de bonne foi en vertu d'un titre juste et régulier, prescrit, par dix ans entre présents, et 20 ans entre absents, l'immeuble vendu par celui que l'acquéreur regardait comme propriétaire.

La bonne foi est toujours présumée, à moins de preuve contraire; elle cesse, dès l'instant que le véritable propriétaire se

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fait connaître par une interpellation juridique. Quant au juste titre, tout acte qui, de sa nature, est translatif de propriété, peut servir à cette prescription, sans égard au défaut de droit de celui qui a vendu, donné ou légué (1).

L'art. 1304 soumet aussi les actions en nullité et en rescision. à la prescription de 10 ans, temps qui suffit pour couvrir le vice de tous les actes (2).

L'art. 475 borne également à 10 ans, à compter de la majorité, la demande en reddition de compte du mineur à l'égard de son tuteur; ce qui ne s'applique qu'aux faits de la tutelle et non point aux demandes en restitution d'immeubles, qui seraient restés en la possession du tuteur, ni aux obligations dont celui-ci serait redevable, indépendamment de sa gestion.

Enfin, d'après l'article 2270, les architectes et entrepreneurs sont, après dix ans, déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés.

Prescriptions de cinq ans.

31. L'article 2277 du Code a réduit à cinq ans les actions en paiement d'intérêts d'arrérages de rentes, pensions, loyers et fermages, enfin de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. La question de savoir si les intérêts de condamnations judiciaires, et ceux du prix d'une vente étaient assujettis à la prescription quinquennale, a divisé les auteurs et la jurisprudence. Mais les expressions de l'article sont trop générales pour souffrir quelque exception. Trois arrêts de la Cour suprême, dont un confirme un arrêt de la Cour de Metz, et les deux autres cassent des arrêts de la Cour de Paris, ont décidé que l'art. 2277 s'appliquait aux intérêts du prix d'une vente d'immeubles, ainsi qu'à tous autres arrėrages. La Cour de cassation a jugé par trois autres arrêts dont deux

(1) Il serait hors de notre sujet de donner la nomenclaturo des titres qui servent à la prescription de 10 ans et de ceux impuissants pour l'opérer. On peut voir à cet égard M. Trop!ong, tom. 2, no 873 et suiv.

(2) La question de savoir si la demande en nullité de la vente des biens d'une commune, à défaut d'accomplissement des formalités voulues par la loi, se prescrivait pour 10 ans, a été controversée, comme on peut le voir, dans le Dictionnaire général de Dalloz, vo Nullité, no 200; mais un arrêt du 19 juin 1838 a décidé l'affirmative. D., pag. 273 de 1838.

ont cassé des arrêts de la Cour de Paris, et le dernier un de la Cour de Rennes, que les intérêts moratoires de sommes dues en vertu de condamnations judiciaires, se prescrivaient également par cinq ans (1). Cette jurisprudence est fondée sur ce que la prescription quinquennale est d'ordre public, et que l'article 2277 l'ayant étendue à tout ce qui est payable par année, il ne peut y avoir de motifs pour en excepter, ni les intérêts d'un prix de vente, ni ceux de sommes dues en vertu de jugements.

En disant et généralement tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts, le dernier paragraphe de l'art. 2277 s'exprime cependant d'une manière trop large, mais qui ne doit être entendue que secundùm subjectam materiam, c'est-à-dire quant aux intérêts et arrérages seulement; car il est bien certain que, si le prix même d'une vente avait été stipulé payable par parties, d'année en année, ou que le capital d'une obligation eût été déclaré remboursable de cette manière, le débiteur ne pourrait opposer le quinquennium, faute d'avoir payé ces capitaux dans les termes convenus.

La prescription dont il s'agit ne serait pas non plus applicable aux intérêts dus à un mandataire pour ses avances avant réglement de compte, ni à ceux que le mandataire devrait pour sommes employées à son usage (art. 1996 et 2001, Code civil). Enfin, cette prescription ne court pas entre héritiers qui jouissent indivisément; le cohéritier qui détient, soit un immeuble, soit une somme d'argent, faisant partie de la masse héréditaire qui est encore à partager, ne peut, tant qu'il n'est pas intervenu de liquidation définitive, prescrire contre ses cohéritiers soit les fruits de l'immeuble, soit les intérêts de la somme d'argent; chaque cohéritier est censé le mandataire de ses cohéritiers et posséder en leur nom (2).

La prescription quinquennale est non-seulement fondée sur une présomption de paiement des intérêts ou arrérages, mais

(1) Voy. dans le recueil de Dalloz, pag. 162 de 1827, 46 de 1828, 315 de 1830, 153 de 1833, 83 de 1838, et 17 de 1839, les arrêts à la date du 7 février 1826, 5 décembre 1827, 14 juillet 1830, 12 mars 1833, 29 janvier et 19 novembre 1838.

(2) Arrêts des 18 juillet 1838 et 26 juin 1839, D., pag. 38 de 1838 et 296 de 1839.

plus encore sur une considération d'ordre public. La loi a voulu punir le créancier d'une négligence qui aurait coopéré à la ruine du débiteur, en laissant accumuler les arrèrages. Tels furent les motifs de l'ordonnance donnée par Louis XII en 1510; tels sont aussi ceux énoncés dans le discours de M. Bigot-Préameneu, en proposant l'article 2277, qui a étendu les dispositions de cette ordonnance. De là il résulte que la prescription de cinq ans doit être appliquée, lors même que le défaut de paiement serait avoué et reconnu ; qu'ainsi le serment ne peut être déféré au débiteur.

Il n'en est pas ainsi de la prescription de cinq ans établie par l'article 64 du Code de commerce, pour les actions entre associés, relatives à une société commerciale, et par l'article 189 pour les demandes relatives aux lettres de change et aux billets à ordre souscrits entre négociants, ou pour fait de commerce. Cette dernière prescription n'étant qu'une présomptio légale de paiement, on peut déférer le serment au débiteur.

Prescriptions de trois ans.

32. La demande en revendication d'un meuble, en cas de perte ou de vol, est soumise à la prescription de trois ans, par l'article 2279.

Les contribuables prescrivent aussi, par trois ans, l'impôt foncier contre les percepteurs (loi du 3 frimaire an 7, art. 149). Mais cette prescription ne serait pas opposable au tiers qui, ayant payé des impôts pour un autre, lui en demanderait la restitution.

Prescriptions de deux ans.

33. La demande en rescision d'une vente d'immeubles, pour lésion de plus de sept douzièmes, est assujettie à la prescription de deux ans, par l'article 1676 du Code. On se borne à énoncer ici cette prescription, les demandes de cette nature ne pouvant être portées devant le juge de paix que comme conciliateur et jamais comme juge.

Il en est de même de la prescription des droits de mutation,

(1) Arrêt du 28 janvier 1828, D., p. 267.

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