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Ainsi, le juge civil doit avoir soin de distinguer si le fait qui est l'objet de la demande en répétition, peut être considéré comme un délit, ou s'il n'est pas possible de le qualifier autrement; dans ce dernier cas, la prescription établie par le Code d'instruction criminelle ne saurait être applicable; mais il doit l'appliquer dans le premier. Cette prescription étant établie pour l'action civile, aussi-bien que pour l'action criminelle, peu importe que la partie lésée qui a le choix d'agir par l'une ou l'autre voie, s'adresse aux tribunaux ordinaires; ce choix ne peut changer la nature de l'action, ni par conséquent la soustraire à la prescription.

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Le principe que l'action civile et l'action publique se prescrivent en même temps, est tellement certain, que le législateur a cru devoir y apporter, pour certains cas, une exception qui confirme la règle. Ainsi, par exemple, l'art. 29 de la loi du 26 mai 1819, après avoir établi que l'action publique contre les crimes et délits commis par la voie de la presse, se prescrira par six mois, déclare que, « l'action civile ne se prescrira que ⚫ par la révolution de trois années, à compter du fait de la publication,» prescription qui, comme on l'a vu, est celle qu'a établie le Code d'instruction pour l'action publique et civile de tous les délits correctionnels. Observons qu'ici l'action publique se prescrivant par six mois, la prescription de l'action civile, fixée à trois ans, ne peut être opposée que devant les tribunaux ordinaires. Cette loi reconnaît donc que la prescription de 30 ans, qui est celle de toutes les actions personnelles, n'est point applicable à l'action civile, en matière de délits: seulement, en abrégeant le temps de la prescription de l'action publique, elle n'a pas voulu priver la partie diffamée du bénéfice de la prescription établie par le Code d'instruction criminelle pour l'action civile résultant d'un délit.

C'est ainsi, ce nous semble, que doit être résolue la question. Les conséquences à en tirer sont que, si le propriétaire porte devant le juge de paix, comme juge civil, une action pour dommage causé à ses fruits et récoltes, pour coupe, enlèvement de

1829. Voy. aussi l'arrêt de la Cour de Paris du 25 mars 1825, et celui du 15 avril 1829, même recueil, part. 2, p. 184 de 1825 et 170 de 1829.

bois, ou autre fait semblable, il faudra examiner, si le fait reproché au défendeur constitue réellement un délit, ou une contravention, et, en cas d'affirmative, appliquer la même prescription (si toutefois elle est opposée ), que si la contravention ou le délit eût été poursuivi devant le tribunal correctionnel, ou celui de simple police.

SECTION VI.

DE LA PÉREMPTION D'INSTANCE.

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SOMMAIRE.

1. Loi du 26 octobre 1790. 2. Dérogation apportée à cette loi par le Code de procédure; il n'y a plus de péremption dans les justices de paix que dans le cas d'un interlocutoire resté sans exécution pendant quatre mois. 5. Différence entre l'interlocutoire et le simple préparatoire. — 4. Les interlocutoires sur le fond de la contestation sont les seuls qui entraînent la péremption de quatre mois. - 5. Cette péremption court, à dater du premier interlocutoire, dans le cas où plusieurs auraient été rendus successivement. 6. Les parties peuvent renoncer à la péremption acquise; mais leur comparution, après le délai de quatre mois, ne suffirait pas pour couvrir le vice du jugement définitif. - 7. La péremption court contre toutes personnes.8. Les jugements par défaut ne se périment point, faute d'exécution, dans les six mois.

1. La loi du 26 octobre 1790, titre 7, art. 7, avait introduit une espèce toute particulière de péremption. Les parties étaient tenues de mettre leur cause en état d'être jugée définitivement, au plus tard, dans le délai de quatre mois, à partir du jour de la notification de la citation, après lequel, l'instance était nonseulement périmée, mais l'action éteinte et le droit anéanti.

2. Les auteurs du Code de procédure n'ont pas cru devoir renouveler une disposition aussi rigoureuse. Dans le but d'accélérer l'instruction des affaires, l'art. 13 dit bien que la cause doit être jugée sur-le-champ, ou à la première audience, à moins que le juge ne croie nécessaire de se faire remettre les pièces; mais cette obligation n'est pas prescrite à peine de nullité; la péremption de l'instance n'est établie que dans l'hypothèse prévue par l'art. 15, dont voici les termes :

Dans le cas où un interlocutoire aurait été ordonné, la cause » sera jugée définitivement, au plus tard, dans le délai de quatre » mois, dujour du jugement interlocutoire; après ce délai, l'in• stance sera périmée de droit; le jugement qui serait rendu,

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» sur le fond, sera sujet à l'appel, même dans les matières » dont le juge de paix connaît en dernier ressort, et sera an⚫ nulé, sur la réquisition de la partie intéressée. Si l'instance ‣ est périmée par la faute du juge, il sera passible de dommages» intérêts. »

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Comme on le voit, il ne s'agit plus de l'extinction du droit qu'avait prononcée la loi de 1790, mais seulement de la péremption de l'instance; de sorte que, si la partie est encore à temps de renouveler son action, si, en matière possessoire, par exemple, il ne s'est pas encore écoulé une année depuis le trouble, alors le demandeur peut ressaisir le juge de paix, par nouvelle citation.

La péremption, dans les justices de paix, ne peut avoir lieu que dans un seul cas, celui d'un jugement interlocutoire qui aurait été ordonné. Dans tous les autres cas, dit M. Merlin, la péremption ne s'encourt point par le laps de quatre mois, ni même par celui d'une ou plusieurs années, après la citation.

Le Code de procédure a donc dérogé à la loi de 1790: quelques auteurs avaient pensé le contraire; mais leur système a été rejeté par la jurisprudence, et avec raison; il n'est plus possible de recourir à d'autres dispositions que celles du Code de procédure, l'art. 1041 ayant abrogé toutes les lois et réglements antérieurs; et l'art. 15 du Code, quel qu'en soit le motif, est trop formel, pour que l'on puisse s'en écarter, en l'étendant à d'autres cas que celui qu'il a prévu.

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3. L'interlocutoire dont parle cet article est un jugement ordonnant une enquête, une expertise, ou toute autre mesure qui préjugerait le fond. Il ne faut pas confondre l'interlocutoire avec le simple préparatoire, qui n'est qu'un jugement d'instruction rendu afin de mettre la cause en état. L'art. 452 du Code de procédure signale la différence qui existe entre ces deux sortes de jugements; et quoique placée dans le livre 3 relatif à la procėdure devant les tribunaux ordinaires, la définition que donne cet article ne doit pas moins servir de règle pour l'application de l'art. 15.

Ainsi, hors le cas où intervient un jugement interlocutoire, l'instance n'est sujette à aucune péremption, celle de trois ans,

qu'a établie l'article 397, n'étant point applicable aux justices de paix (1).

La prescription de 30 ans est donc la seule qui puisse éteindre l'action pendante en justice de paix; il est vrai que, pour reprendre l'instance dont la poursuite aurait été discontinuée, il faudrait une nouvelle citation; mais cette reprise se reporterait à la première demande, et en reproduirait tous les effets.

4. Il n'y a que les interlocutoires portant sur le fond de la contestation, qui puissent entraîner la péremption de quatre mois ; celui qui serait rendu pour déterminer la compétence du juge de paix, ou sur toute autre exception déclinatoire ou dilatoire, ne pourrait faire courir cette péremption (2). Il en serait de même du jugement qui renverrait à un tribunal, ou à l'autorité administrative, le jugement d'une question préjudicielle. Et si, avant le jugement de renvoi, il avait été rendu un interlocutoire sur le fond du litige, dans ce cas, la péremption de quatre mois serait suspendue, et ne reprendrait son cours qu'à dater de la signification du jugement du tribunal auquel avait été renvoyée l'exception préjudicielle.

En cas d'appel de la sentence interlocutoire, ce n'est également que depuis la signification du jugement rendu sur l'appel, que la péremption de quatre mois peut reprendre son cours.

3. Dans le cas où plusieurs interlocutoires auraient été rendus successivement, est-ce à partir du premier, ou seulement du dernier, que court le délai de la péremption?

Un arrêt de la Cour de cassation de Belgique, à la date du 17 avril 1733, a décidé que, dans ce cas, le délai de péremption devait être prorogé, et ne commencer à courir qu'à partir du dernier interlocutoire, et M. Victor Augier, qui rapporte cet arrêt, en adopte la doctrine. M. Carré, au contraire, soutient que la péremption date du premier interlocutoire. Le texte de l'art. 15 nous paraît trop positif, pour pouvoir adopter une autre opinion. Il n'en est pas de la péremption établie par cet article, comme de celle de trois ans, qui, d'après l'art. 397, a lieu dans les tribunaux

(1) Voyez les arrêts rapportés au Répertoire, vo Péremption, sect. 1, § 3, nos 4 et 5.

(2) Arrêt du 31 [août 1813, D., pag. 609.

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