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Art. 15. Les arrêtés du préfet portant reconnaissance et ⚫ fixation de la largeur d'un chemin, attribuent définitivement › aux chemins le sol compris dans les limites qu'ils déterminent. - Le droit des propriétaires riverains se résout en une in,demnité qui sera réglée à l'amiable ou par le juge de paix du canton, sur le rapport d'experts nommés conformément à › l'art. 17.

• Art. 16. Les travaux d'ouverture et de redressement des ⚫ chemins vicinaux seront autorisés par arrêté du préfet. —› Lorsque, pour l'exécution du présent article, il y aura lieu › de recourir à l'expropriation, le jury spécial chargé de régler › les indemnités ne sera composé que de quatre jurés. Le tribu› nal d'arrondissement, en prononçant l'expropriation, dési' gnera, pour présider et diriger le jury, l'un de ses membres, ou le juge de paix du canton. Ce magistrat aura voix délibérative, en cas de partage. Le tribunal choisira, sur la liste générale prescrite par l'art. 29 de la loi du 7 juillet 1833, › quatre personnes pour former le jury spécial, et trois jurés › supplémentaires. L'administration et la partie intéressée au⚫ront respectivement le droit d'exercer une récusation péremptoire. Le juge recevra les acquiescements des parties. › Son procès-verbal emportera translation définitive de pro⚫ priété.

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Art. 17. Les extractions de matériaux, les dépôts ou enlè»vements de terre, les occupations temporaires de terrains, › seront autorisés par arrêté du préfet, lequel désignera les lieux; cet arrêté sera notifié aux parties intéressées, au › moins dix jours avant que son exécution puisse être com› mencée. --- Si l'indemnité ne peut être fixée à l'amiable, elle › sera réglée par le conseil de préfecture, sur le rapport d'experts nommés, l'un par le sous-préfet, l'autre par le propriétaire. En cas de discord, le tiers expert sera nommé par

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⚫ le conseil de préfecture. »

Ainsi la loi prévoit trois différents cas: l'ouverture d'un nouveau chemin, ou son redressement; la reconnaissance des limites d'un ancien chemin; et l'extraction des matériaux, ainsi que les dépôts et occupations de terrains nécessaires pour la confection

des travaux.

9. Dans ce dernier cas, comme il s'agit, non de déposséder le propriétaire de son fonds, mais d'une occupation momentanée, c'est au conseil de préfecture que l'art. 17 attribue la fixation de l'indemnité, d'après l'avis de deux experts, l'un nommé par le sous-préfet, l'autre par le propriétaire; et en cas de désaccord, c'est le tribunal administratif, saisi de la demande en indemnité, qui nomme le tiers expert. Sur cet objet, la loi de 1836 n'a fait qu'appliquer, aux chemins vicinaux, les dispositions de la loi du 28 pluviose an 8, et des art. 24, 55 et 56 de celle du 16 septembre 1807 relative aux travaux des ponts-et-chaussées (1).

Mais lorsqu'il est nécessaire de déposséder le propriétaire, alors c'est à la justice à fixer l'indemnité, d'après la désignation des terrains faite par l'administration.

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La loi du 28 juillet 1824, art. 10, portait que, « les acquisitions, aliénations et échanges ayant pour objet les che» mins communaux, seront autorisés par arrêtés des préfets en conseil de préfecture, après délibération des conseils municipaux intéressés, et après enquête de commodo et in» commodo, lorsque la valeur des terrains à acquérir, à vendre ou échanger, n'excédera pas 3,000 fr. Et dans sa circulaire de 1836, art. 15, le ministre de l'intérieur, en observant que cette disposition est toujours subsistante, ajoute qu'il n'est plus besoin d'enquête de commodo et incommodo, et que les arrêtés préfectoraux ayant aujourd'hui pour effet d'attribuer définitivement, au chemin, le sol compris dans les bornes réglées, les préfets, par cette raison, ne sont plus restreints dans la limite de la valeur de 3,000 fr. Ce n'est là qu'une opinion, et nous aurions peine à l'adopter. En ce qui concerne, soit la reconnaissance des limites des chemins vicinaux, soit leur redressement et l'ouverture de nouveaux chemins, la loi de 1836 n'a fait que confirmer le pouvoir qu'accordaient aux préfets les dispositions antérieures; et comment serait-il possible de faire résulter, de cette loi spéciale, une disposition dérogatoire aux lois générales sur l'administration des communes,

(1) On peut consulter, sur l'application de ces lois, l'excellent Traité du domaine public du professeur Proudhon.

disposition qui accorderait à un préfet le pouvoir étrange d'ordonner une dépense illimitée? D'ailleurs, la loi relative aux chemins a été suivie de celle du 18 juillet 1837 sur l'administration municipale, dont l'art. 6 n'autorise, sur simple arrêté du préfet, les acquisitions communales, quel qu'en soit l'objet, que dans le cas où elles n'excéderaient pas 3,000 francs, et 20,000 dans les communes dont les revenus surpassent 100,000 fr. (1). Quoi qu'il en soit de cette question étrangère à la compétence des juges de paix, venons à la fixation des indemnités, laquelle peut avoir lieu dans deux hypothèses différentes.

10. S'agit-il d'ouvrir un nouveau chemin, ou de redresser celui qui existe, en lui traçant une autre direction sur un terrain qui n'en était pas précédemment grevé, alors force est de déposséder le propriétaire de la partie de son fonds qui devient indispensable à l'ouverture, ou au redressement. Et d'après l'art. 16, qu'il eût été naturel de placer en premier ordre, c'est au jury d'expropriation à fixer l'indemnité, faute d'accord entre la commune et le propriétaire, sur le prix des terrains à acquérir.

La loi de 1836 rappelle à cet égard les dispositions de celle du 7 juillet 1833, relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique, en retranchant, toutefois, certaines formes, certaines précautions que la loi a établies pour la dépossession de la propriété en général, et qui peuvent être inutiles, lorsqu'il ne s'agit que de parcelles de fonds d'une valeur souvent minutieuse. Le jury, au lieu d'être composé de douze membres, n'en a que quatre; les fonctions de directeur peuvent être déléguées au juge de paix, dont le ministère se borne à dresser procèsverbal, s'il intervient un verdict rendu à la majorité; mais le jury étant en nombre pair, il peut y avoir partage d'opinion; dans ce cas le juge de paix, ayant voix délibérative, coopérera lui-même à l'estimation des terrains expropriés.

(1) « Les délibérations des conseils municipaux ayant pour objet des acquiDsitions, des ventes ou échanges d'immeubles, le partage de biens indivis, » sont exécutoires sur arrêté du préfet, en conseil de préfecture, quand il » s'agit d'une valeur n'excédant pas 3,000 fr. pour les communes dont le revenu » est au-dessous de 100,000 fr., et 20,000 fr. pour les autres communes. — S'il » s'agit d'une valeur supérieure, il est statué par ordonnance du roi. »

11. L'art. 15 prévoit un autre cas, celui où il ne s'agit, ni de l'ouverture, ni du redressement d'un chemin, mais seulement de la reconnaissance d'une ancienne voie vicinale, cas auquel c'est le juge de paix qui doit fixer l'indemnité, s'il y a lieu.

Pour l'intelligence de cette disposition, il faut prémettre que, déjà avant la loi nouvelle, c'était à l'administration à rechercher et reconnaître les anciennes limites des chemins vicinaux, et à fixer, d'après cette reconnaissance, leur largeur, suivant les localités, sans pouvoir cependant, lorsqu'il était nécessaire de l'augmenter, la porter au-delà de six mètres. C'est ce que prescrit l'art. 6 de la loi du 9 ventôse an 13, que la loi actuelle n'a fait que reproduire, sans toutefois limiter, à six mètres, la largeur que le préfet a le droit d'attribuer aux che

mins.

Ainsi, d'après la loi de 1836, conforme à la législation antérieure sur ce point, lorsque le préfet a déclaré un chemin vicinal et fixé ses limites, le chemin doit être réputé tel, à moins que l'arrêté préfectoral ne soit réformé par voie administrative, sur le recours du propriétaire devant le ministre, ou au conseil-d'état. Cependant il peut arriver et il arrive souvent que, sur la demande d'une commune, l'administration regarde comme chemin public une voie établie pour l'utilité de propriétés particulières, ou un passage de simple tolérance. Le préfet ne peut avoir le droit de statuer sur une question de propriété; aussi est-il de règle et de jurisprudence constante, que son arrêté n'exerce aucune influence sur la solution de cette question qui appartient exclusivement aux tribunaux. Seulement la décision judiciaire n'empêche pas que le chemin ne subsiste comme vicinal; l'arrêté du préfet emporte dépossession du sol; le droit du propriétaire se résout en une indemnité.

En traitant des actions possessoires, nous examinerons quand et comment la possession d'un chemin peut donner lieu à la complainte, et nous verrons que la dépossession du sol, par le seul fait de l'arrêté préfectoral, ainsi que le privilége de l'imprescriptibilité, ne s'appliquent qu'aux chemins classés comme vicinaux, et non point aux chemins ruraux dont la commune se prétendrait propriétaire : ce n'est point ici le lieu

de s'occuper de ces questions; il ne s'agit que de l'indemnité dont le réglement attribué au juge de paix ne peut avoir lieu, que s'il a été jugé, ou reconnu que, soit la totalité du terrain formant l'emplacement du chemin, soit les parties destinées à l'agrandissement de sa largeur, appartiennent, non à la commune, mais à tel ou tel particulier qui ne serait point d'accord avec l'administration municipale, sur le montant de l'indemnité.

12. L'art. 15, tel qu'il est rédigé, ne laisse quelques difficultés.

pas de présenter

1o Le juge de paix devant statuer sur le rapport d'experts nommés conformément à l'art. 17, est-ce à lui à nommer le tiers, en cas de dissentiment des deux experts?

Dans le commentaire de cet article, M. Victor Dumay prétend que le tiers expert doit être nommé par le conseil de préfecture (1). Cette opinion, il faut en convenir, semblerait, au premier coup-d'œil, fondée sur l'art. 15 renvoyant, pour la forme de l'expertise, à l'art. 17, lequel, après avoir attribué au sous-préfet la nomination de l'expert de la commune, et au propriétaire le choix du sien, ajoute : En cas de discord, le tiers expert sera nommé par le conseil de préfecture.

Mais la loi doit être examinée dans son esprit, de manière à coordonner son texte avec la raison, le bon sens et le droit commun, auquel le législateur doit toujours être censé n'avoir pas voulu déroger, Dans les affaires soumises à l'avis de deux experts, il est de règle, qu'en cas de dissentiment, le juge saisi de la contestation nomme le tiers expert. Voilà pourquoi dans le cas de l'art. 17, dont la connaissance est attribuée au conseil de préfecture, la loi dit que, c'est à ce conseil à nommer le tiers, en cas de désaccord. Quand donc l'art. 15 dit que le juge de paix statuera, sur le rapport d'experts nommés conformément à l'art. 17, il n'a entendu prescrire autre chose, sinon qu'il serait procédé de la même manière: savoir, que les deux experts seraient choisis, l'un par le sous-préfet, l'autre par le propriétaire, et qu'en cas de désaccord, ce serait, comme dans

(1) Commentaire de la loi du 21 mai 1836, sur les chemins vicinaux, pag. 96.

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