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cipe, il importait d'en prévenir les inconvénients dans l'intérêt de l'agriculture en appliquant au bail les art. 1322 et 1328 du Code.

36. Au surplus, c'est ici une excursion sur un point de doctrine étranger à l'objet de ce traité. La loi attribuant au juge de paix la connaissance des contestations relatives aux congés, à l'expulsion du preneur, lui attribue par-là même, le droit d'en connaître, quand la demande est formée par l'acquéreur. Mais s'il s'élève, à cet égard, des difficultés sur le droit que tient cet acquéreur de la loi ou des clauses de son contrat, alors l'affaire doit être renvoyée aux tribunaux ordinaires, parce qu'il ne s'agit plus seulement de statuer sur les effets d'un bail, mais sur ceux d'une vente ou de toute autre aliénation.

37. L'article 1748 excepte du droit qu'a le fermier de faire maintenir son bail, lorsque la date en est certaine, le cas où il a été convenu, dans cet acte, qu'il pourrait être expulsé. Dans ce cas, rien n'oblige le nouveau propriétaire de résilier le bail, il peut même être convenu dans la vente qu'il sera entretenu ; mais à défaut de cette stipulation, et s'il veut user de la faculté d'expulser le fermier, alors il est tenu, d'après ledit article, de lui faire signifier un congé, suivant l'usage des lieux, pour les baux à loyer, et au moins un an à l'avance, s'il s'agit d'un bail de biens ruraux.

58. Quand le bail n'a pas de date certaine, le nouveau propriétaire peut-il user du droit d'expulsion, sans accorder aucun délai au fermier ou locataire? La Cour de Turin, devant laquelle s'est élevée cette question, a jugé l'affirmative, en motivant sa décision sur ce que l'art. 1748 n'obligeait l'acquéreur à donner congé, que dans le cas où la faculté de résilier, en cas de vente, avait été réservée dans le bail, tandis que l'art. 1743, n'assujétissant point l'acquéreur à cette obligation, lui permet de faire cesser le bail, à l'instant même (1).

M. Duranton, tom. 17, pag. 115, no 144, soutient, au contraire, que l'acquéreur d'une maison est obligé de donner congé, suivant l'usage des lieux, conformément à l'art. 1736, et que, si la vente a pour objet un bien rural, le fermier ne peut être

(1) Arrêt du 21 juin 1810, D., part. 2, pag. 114 de 1811.

dépossédé que dans les termes fixés par l'art. 1774. Nous ne pouvons qu'applaudir à cette opinion qui nous paraît aussi conforme aux principes qu'à l'équité. En effet, si le fermier ou locataire ne peut opposer à l'acquéreur le bail qui n'a pas une date certaine avant la vente, l'occupation de la maison ou la jouissance de la ferme atteste du moins l'existence d'un bail verbal. Sous l'empire de la loi Emptorem, qui prononçait la résolution du bail, en cas de vente, l'acquéreur était néanmoins tenu d'accorder au locataire le délai d'usage, ainsi que l'enseigne Pothier, no 297. Pourquoi n'en serait-il pas de même, d'après le Code civil, qui, loin d'accorder la même faveur au nouveau propriétaire, l'oblige à entretenir les baux, à l'exception de ceux qui, n'ayant pas de date certaine à l'égard d'un tiers, sont considérés, comme ayant été faits sans écrit.

Quant à la durée du bail, telle qu'elle a été stipulée, le preneur a droit à être indemnisé par l'ancien propriétaire avec lequel il a contracté; l'acquéreur ne peut être tenu de cette indemnité, puisque le bail ne lui est pas opposable; ainsi le décide l'art. 1750. Mais cette disposition n'empêche pas que le locataire ou fermier, lorsqu'il est en jouissance, ne soit censé, du moins, jouir en vertu d'un bail verbal, vis-à-vis l'acquéreur.

59. Pour ce qui est de l'acquéreur sous pacte de rachat, l'art. 1751 ne lui permet d'expulser le preneur, qu'à l'expiration du délai fixé pour le réméré. Tant que ce délai n'est pas expirė, l'acquéreur ne peut exercer d'autres droits que ceux que le vendeur aurait pu exercer lui-même. Il ne peut par conséquent donner congé avant l'expiration d'un bail écrit, quoiqu'il n'ait pas de date certaine. Mais rien n'empêche l'acquéreur à réachat de donner congé d'un bail non écrit ou d'un bail souscrit par son vendeur, et dont la durée n'aurait pas été déterminée, parce qu'encore une fois, si, pendant le délai fixé pour le réméré, il n'a pas plus de droits, du moins en a-t-il autant que son vendeur.

Pendant le réméré, l'acquéreur a droit de jouir et, par conséquent, de louer pour retirer les fruits; et le vendeur qui rentre dans l'immeuble, est tenu de respecter les baux faits de bonne foi (art. 1673); car si la fraude les avait dictés, ils seraient de nulle considération. La fraude ressort, 1o de la vileté du prix;

2° d'une durée qui excède la durée ordinaire; 3° d'un bail passé long-temps avant l'expiration d'un bail courant (1).

S V.

De la réconduction tacite.

40. La loi attribuant aux juges de paix la connaissance des congés, des expulsions des lieux, leur attribue, par voie de conséquence, le pouvoir de vérifier, si la réconduction tacite est justifiée, et d'ordonner l'expulsion du fermier, dans le cas contraire. C'est surtout au sujet des petites locations, que surgissent des difficultés de ce genre.

On vient de voir, au paragraphe précédent, que le bail fait par écrit cesse de plein droit, à son expiration, sans qu'il soit besoin de signifier un congé.

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Cependant l'art. 1738, relatif aux baux à loyer, porte: « Si, à ‣ l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé » par l'article relatif aux locations faites sans écrit ; » bail qui par conséquent se règle suivant l'usage des lieux, aux termes de l'art. 1736.

Et pour ce qui concerne les baux à ferme, l'art. 1776 déclare également que, si à l'expiration des baux ruraux écrits, le ⚫ preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nou» veau bail dont l'effet est réglé par l'art. 1774. »

Ainsi, quoique le bailleur ne soit pas tenu de signifier un congé, avant l'expiration du bail fait par écrit, ni même à l'instant de cette expiration, cependant, afin d'empêcher le locataire ou fermier d'opposer la réconduction tacite, il doit lui donner ce qu'on appelle un avertissement. Il ne faut pas confondre cette espèce de congé avec celui dont il a été question dans le paragraphe précédent; le congé proprement dit n'est indispensable que pour les baux à loyer faits sans écrit, tandis que l'avertissement du bailleur, afin d'empêcher la réconduction

(1) Voir Troplong, de la Vente, tome 2, no 776 et des Hypothèques, t. 3, nos 778 bis et ter. Voy. suprà, p. 347, no 14.

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tacite, est nécessaire pour toutes les locations, soit de biens ruraux, soit de bâtiments. Quant au preneur, il n'a pas besoin de donner un avertissement, il lui suffit de déloger de la maison ou de quitter la ferme.

Il en est de l'avertissement comme du congé, il doit être prouvé par écrit. (V. suprà, no 29. )

41. La réconduction n'est pas précisément la continuation du bail fait par écrit; c'est un nouveau bail résultant de la convention tacite des parties, lequel est considéré comme une location verbale (1).

La réconduction tacite, ne pouvant résulter que du consentement présumé du bailleur et du preneur, ne peut avoir lieu, si la partie est incapable de consentir, que, par exemple, au moment de l'expiration du bail, un mineur ou un insensé ne soit pas encore pourvu de tuteur chargé d'administrer.

Il en est de même, s'il s'agit de biens appartenant à l'état, à des communes ou à des établissements publics : ce n'est pas que les biens de cette nature puissent manquer d'administrateurs, mais les baux sont assujétis à des formalités qui excluent tout consentement tacite.

Les baux judiciaires ne sauraient être, non plus, susceptibles de réconduction.

41 bis. Quelles sont les circonstances et le temps nécessaire pour faire présumer la réconduction tacite?

Le temps nécessaire pour opérer cet effet avait été prescrit dans quelques-unes de nos anciennes lois municipales. La coutume d'Orléans voulait que la rélocation tacite eut lieu, pour les baux à loyer, quand le propriétaire avait laissé le locataire demeurer huit jours dans l'appartement, depuis l'expiration du bail, sans lui dénoncer de déloger. Quant aux baux à ferme, la coutume de Lille donnait au propriétaire jusqu'à la Chandeleur, pour sommer le fermier qui, depuis l'expiration du bail, avait labouré et ensemencé les terres, de cesser l'exploitation, à charge de lui offrir le remboursement des semences et labours.

(1) On peut voir dans le recueil de Daloz, pag. 278 et suiv. de 1811, les arrêts à la date des 11 et 17 juin 1811, qui ont décidé que la réconduction tacite, de même que la location verbale, ne saurait être productive du droit d'enregistrement.

Un arrêt de la Cour de Pau, du 9 novembre 1827, a décidé que le séjour momentané d'un fermier sur l'héritage, pendant huit jours, loin d'établir la présomption d'un consentement tacite, ne pouvait pas même servir de commencement de preuve. Un arrêt de la Cour de Lyon, du 22 juillet 1833, a jugé que le propriétaire était fondé dans sa demande en déguerpissement, malgré la continuation de jouissance du fermier, pendant 36 jours, après l'expiration du bail (1).

Il serait difficile de poser à cet égard une règle fixe : c'est au juge de paix et aux tribunaux, dans les limites de leur compétence respective, à peser les faits et les circonstances, pour savoir s'il peut en résulter un consentement réciproque, qui seul peut opérer la réconduction tacite.

En effet, l'art. 1738 exige non-seulement que le preneur reste, mais qu'il soit laissé en possession; le fait du fermier ou locataire ne suffit donc pas, il faut des circonstances qui tendent à prouver le consentement du propriétaire.

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Frappé de l'incertitude qui peut s'élever sur ce point, l'assemblée constituante crut devoir prohiber la réconduction tacite en bail à ferme ou à loyer des biens ruraux. (Loi du 6 octobre 1791, tit. 1, sect. 2, art. 4.) Ce système trouva des partisans au conseil d'état. Cette abrogation était juste, disait le célèbre Tronchet, car il arrive souvent qu'un fermier, qui exploite ⚫ un domaine éloigné, se maintient en possession à l'aide de quelques labours qu'il se hâte de faire, et trompe ainsi l'attente du propriétaire, qui, dans la persuasion que la con>vention serait exécutée telle qu'elle a été faite, pense que le fermier sortant a quitté la ferme à l'expiration du bail, ct, dans cette idée, loue à un autre fermier.

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L'article, répond Treilhard, suppose non-seulement que le » fermier est resté en possession, mais encore que le propriétaire l'y a laissé; il est certain que si, au vu et su de ce propriétaire, et non d'une manière furtive, le preneur a continué d'exploiter, il s'est formé entre eux une convention nouvelle qui fait durer la location pendant un temps quelconque.

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(1) Ces deux arrêts sont rapportés dans le recueil de Daloz, part. 2, pag. 25, de 1829, et 122 de 1834.

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