Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

défaut de paiement? Une solution imprudente, disait le rap> porteur de la commission de la chambre des députés, peut ⚫ compromettre des intérêts engagés, tels, par exemple, que ⚫ la position d'un commerce et le sort d'une industrie. Mais

la position d'un commerce, le sort d'une industrie ne sauraient être attachés à la résiliation du bail d'un canon aussi modique que celui de 400 fr. à Paris et de 200 fr. dans les provinces. Les différentes causes de résiliation ne reposent que sur des faits faciles à apprécier, et pour lesquels il importe au propriétaire d'obtenir une prompte justice. Quoi de plus simple et de plus à la portée du magistrat placé sur les lieux, que la vérification du point de savoir, si la maison ou la ferme n'est pas garnie de meubles, d'animaux et ustensiles aratoires suffisants pour ga rantir le paiement des loyers ou fermages? Cette cause de résiliation, ainsi que plusieurs autres, se trouvent souvent réunies au défaut de paiement; et n'est-il pas singulier qu'à l'égard du même bail et pour des faits concomitants, la cause soit dévolue à deux juridictions différentes?

Quoi qu'il en soit, le texte de la loi est trop positif, pour qu'il soit possible d'étendre la compétence du juge de paix à des demandes en résiliation fondées sur d'autres causes que le défaut de paiement.

49. D'après l'art. 1184, le contrat n'est point résolu de plein droit, la résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai, suivant les circonstances.

Ainsi, à défaut de paiement, le juge de paix n'est pas tenu de prononcer la résolution sur-le-champ; il peut accorder un délai au débiteur, et sera même souvent dans le cas d'user de cette faculté. Alors, au lieu d'obliger les parties à revenir devant lui et d'obtenir deux jugements pour le même fait, il doit statuer que le bail demeure résilié, si dans tel ou tel délai, à partir soit dujugement, soit de la signification, le preneur n'a point satisfait le propriétaire de tout ce qui lui est dû.

50. Mais il faut observer que la faculté accordée au juge par l'art. 1184, d'accorder un délai, suivant les circonstances, n'est établie que pour le cas où la condition résolutoire, loin d'être exprimée dans le contrat, n'y est que sous-entendue. S'il est stipulé dans le bail, qu'à défaut de paiement d'un ou de plusieurs

termes, il sera résolu de plein droit, et que le preneur ait été mis en demeure par une sommation, le juge ne peut plus accorder de délai; ce serait violer la loi que se sont faite les parties.

La résolution peut même être encourue à l'instant de l'échéance du terme, s'il est stipulé dans le bail, qu'il en sera ainsi, sans qu'il soit besoin de sommation de mise en demeure dont l'acte tiendra lieu (art. 1139, arg. de l'art. 1656). Cette clause essentielle, on ne saurait trop recommander de l'insérer dans les baux, ainsi que dans les autres contrats; elle dispense de toute sommation et tend à prévenir toute espèce de chicane.

50 bis. Il en est qui prétendent que le juge de paix ne serait pas compétent, s'il s'élevait des difficultés sur la résolution de plein droit, en vertu de la stipulation dont on vient de parler. C'est là une erreur évidente. La loi confère aux juges de paix, relativement au prix du bail, deux attributions corrélatives, la connaissance des actions en paiement, et celles des demandes en résiliation de baux, pour le seul défaut de paiement. Ainsi, juge de l'action, le juge de paix l'est nécessairement de l'exception. Si donc, sur la demande en paiement, le preneur soutient que le terme n'est pas échu ou qu'il ne doit point tout ce qui lui est demandé, force est de recourir au bail et de l'interpréter, en cas d'obscurité; autrement la compétence du juge de paix serait à peu près illusoire. Il en est de même, en ce qui concerne la résiliation du bail. Si le juge de paix ne peut la prononcer qu'à défaut de paiement, c'est parce que la loi restreint ainsi sa compétence; mais pour ce qui tient au défaut de paiement, elle est complète, et doit s'appliquer à la résolution de plein droit stipulée dans le bail, de même qu'à celle qui est sous-entendue dans tous les contrats. Si donc il s'élève des difficultés sur la teneur de l'acte, soit sur la mise en demeure, c'est au juge de paix à prononcer. Ce juge, en un mot, ayant compétence pour les actions en paiement et les demandes en résiliation fondées sur cette cause, toutes les exceptions de fait et de droit qui se rapportent à l'un ou à l'autre de ces deux objets, rentrent dans les limites de sa juridiction.

50 ter. C'est ici le cas de résoudre une question sur laquelle le juge de paix peut aussi avoir occasion de statuer, celle de

savoir si, quand la défense de sous-louer n'a pas été insérée dans le bail, la résolution de cet acte entraîne celle des sousbaux.

M. Duvergier, tom. 1er, no 539, tient pour la négative, en convenant toutefois que le contraire a été jugé par un arrêt de la Cour royale, du 15 juin 1835, rendu, malgré sa plaidoirie. Les art. 1753 da Code civil et 820 du Code de procédure accordant, dit-il, au propriétaire contre le sous-preneur une action directe et personnelle dont l'effet est restreint au prix de la souslocation, il en résulte, qu'en acquittant sa dette, le sous-preneur ne doit rien avoir à redouter pour la stabilité de son contrat, qu'ainsi la résolution du bail ne peut être d'aucune influence sur le sous-bail.

Je ne saurais partager ce sentiment (1). L'art. 1753 du Code n'est que l'application au sous-bail du principe général établi par l'art. 1166. Le créancier peut exercer les droits et actions de son débiteur, sans pouvoir aller au-delà ; voilà pourquoi le souslocataire n'est tenu envers le propriétaire que jusqu'à concurrence du prix de la sous-location, dont il peut être débiteur au moment de la saisie. Résulte-t-il de cette disposition que le propriétaire soit lié en vertu d'un acte qu'il n'a point consenti? Assurément non. En sous-louant, le preneur n'a fait que céder le droit qui lui était transmis, voilà pourquoi le sous-bail est valable, quand la défense de sous-louer n'existe pas : mais le preneur n'a pu transférer plus de droits qu'il n'en avait lui-même, ni altérer les conditions du bail principal; le sous-bail demeure donc soumis à la règle resoluto jure dantis, resolvitur et jus accipientis.

On fait souvent, dit M. Duvergier, abus de cette maxime qui ne doit être appliquée qu'avec discernement! Cette maxime,

(1) M. Victor Augier, qui est de cet avis, prétend seulement qu'il serait loisible au sous-preneur d'arrêter les effets de la demande en résiliation, en désintéressant le bailleur. Mais il faut distinguer: quand la clause résolutoire n'est pas insérée dans le contrat, alors le juge pouvant accorder des délais, le bail, à plus forte raison, ne saurait être résilié, dès l'instant que le bailleur désintéressé n'a plus d'intérêt à se plaindre; mais si, en vertu de la clause résolutoire, Je preneur a été mis en demeure, c'est différent; dans ce cas, le droit est acquis au bailleur : le juge serait dans l'impuissance d'accorder un nouveau terme, et par conséquent, l'offre d'un tiers ne saurait former obstacle à la résolution.

au contraire, est une règle générale, dictée par la raison, règle applicable toutes les fois que la résolution du droit primitif a lieu, ex causâ antiquâ et necessarid, ex necessitate pacti impressi in ipsâ rei traditione, c'est-à-dire pour une cause antérieure à la concession du droit secondaire, et qui ne soit point un acte volontaire de la part de celui dont le droit se trouve résolu. Dans les exemples cités par l'honorable auteur, de la cessation d'usufruit, du pacte de réméré, les baux doivent être maintenus malgré la résolution, parce que, dans ces cas, le législateur a jugé nécessaire de faire exception à la règle; et si l'art. 1673, qui oblige le vendeur a réméré de respecter les baux faits sans fraude par l'acquéreur, s'applique à toutes les clauses résolutoires de quelque espèce qu'elles soient, c'est, dit M. Toullier, tom. 6, no 576, une conséquence des principes du Code qui a rejeté la maxime du droit romain, que le successeur particulier n'est point obligé de maintenir les baux faits par son prédécesseur; c'est enfin, parce que celui-ci ayant eu le droit d'administrer, les baux qu'il a passés de bonne foi, pendant que la propriété résidait sur sa tête, il est censé les avoir faits pour le vrai propriétaire. Mais le fermier ou locataire principal n'a jamais eu la propriété, il n'a jamais été chargé de l'administrer dans l'intérêt de la chose; on ne saurait le considérer ni comme l'auteur, ni comme le mandataire ou negotiorum gestor du bailleur. Pourquoi donc obliger ce dernier à l'exécution des sousbaux? Il suffit de peser les conséquences d'un pareil système, pour démontrer, qu'il est aussi insoutenable en droit qu'en équité. Le propriétaire qui loue son domaine, sa maison ou un appartement, n'entend point avoir affaire à plusieurs fermiers ou locataires; il n'en a voulu qu'un, et il se verrait forcé à l'entretien de plusieurs sous-locations ou à celle d'un sous-bail qui, ne comprenant, comme cela se pratique d'ordinaire, qu'une partic des objets loués, lui rendra difficile et peut-être impossible la location du surplus! Que le sous-bail comprenne la totalité des objets affermés, dans ce cas, le propriétaire, indépendamment de son recours contre le sous-preneur, tenait toujours le locataire principal pour obligé; et, au lieu de cette double garantie, la résolution du bail principal le placerait dans la nécessité d'accepter, pour unique débiteur, un individu avec lequel il n'a point stipulė!

La résolution du bail principal entraine donc nécessairement celle des sous-baux.

Mais il est à observer que le jugement rendu contre le preneur serait sans effet à l'égard du sous-locataire, contre lequel il faut également agir pour faire résoudre le sous-bail. Ainsi le demandeur, afin d'éviter un circuit d'actions et les frais de plusieurs jugements, doit assigner, dans la même instance, les sous-locataires, avec le preneur principal.

§ VII.

De l'expulsion des lieux.

51. Ce n'est pas seulement à cause de la résiliation'pour défaut de paiement, que le juge de paix peut ordonner l'expulsion des lieux : cette expulsion peut être ordonnée, toutes les fois que le locataire ou fermier refuse de déloger, malgré le congé ou l'avertissement dont il a été question aux paragraphes IV et V. Ainsi, soit en prononçant la validité du congé, soit par un jugement postérieur, le juge de paix peut condamner le preneur à évacuer l'appartement ou la maison de ferme, dans un bref délai, passé lequel, le propriétaire demeurera autorisé à faire procéder à cette évacuation, en jetant, au besoin, les meubles sur le carreau.

On a vu des propriétaires qui, fatigués de la conduite d'un locataire obstiné, s'avisaient d'enlever les portes et fenêtres de l'appartement (1). Une pareille expédition est illégale, c'est une voie de fait que le bailleur doit éviter, et qui peut l'exposer à des dommages-intérêts envers le locataire, quoique récalcitrant. Il n'est permis à personne de se rendre justice à soi-même; et la loi nouvelle offre au bailleur les moyens de l'obtenir d'une manière prompte, en s'adressant au juge de paix qui, dans les trois jours de la citation, peut condamner le locataire à évacuer, et ordonner même l'exécution provisionnelle sur la minute du jugement.

(1) « On commence à enlever le toit des chaumières et à jeter par terre les » portes et fenêtres, mode d'expulsion très sommaire, très efficace, et qui est » encore en usage dans quelques parties de l'Écosse, quand un fermier se >> montre réfractaire. » (Walter-Scott, Guy Mannering, chap. 8.) — C'est laun usage abusif et intolérable dans un pays policė.

« PreviousContinue »