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un usufruitier qui aurait donné à bail, ou qui jouirait de celui passé par son auteur.

Il en est de même de la demande qui serait formée par un sous-locataire contre le fermier principal, lequel est considéré comme propriétaire, vis-à-vis du premier. Assigné, en vertu du sous-bail, le fermier principal pourrait aussi recourir contre son bailleur, si, du fait de celui-ci, provenait le défaut de jouissance du sous-locataire, et le juge de paix serait compétent pour statuer, tant sur la demande principale, que sur la garantie.

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14. Mais si, sur l'action dirigée contre lui, le propriétaire exerçait son recours vis-à-vis d'un tiers qui aurait troublé la jouissance du locataire ou fermier, dans ce cas, le juge de paix ne serait pas compétent pour statuer sur cette demande en garantie, à moins qu'elle ne fût bornée à une somme de 200 fr. l'attribution, au-dessus de cette somme, confère au juge de paix une juridiction extraordinaire dont l'exercice est limité au cas spécial que prévoit l'article, celui où il s'agit de régler, entre le bailleur et le preneur, l'indemnité réclamée, par ce dernier, pour non jouissance. On ne saurait donc appliquer ici la règle qui oblige le garant à procéder devant le juge saisi de la demande principale.

Si cependant il s'agissait non d'un bail à loyer, mais d'une location à ferme, et que le dommage causé par le tiers portât sur les champs, fruits ou récoltes, alors le juge de paix serait compétent pour statuer sur l'action dirigée contre ce tiers, soit principalement, soit par voie de garantie, aux termes, non de la disposition actuelle, mais de l'article suivant.

S II.

Des dégradations et des pertes imputées au fermier ou locataire.

15. L'attribution conférée aux juges de paix par le § 1er est, comme on vient de le voir, restreinte au cas où le droit à l'indemnité n'est pas contesté; en est-il de même des dégradations dont il s'agit au § 2? Sous l'empire de la loi du 24 août 1790, la question était controversée. « Lorsque, dit l'Encyclopédie

des juges de paix, v Bail, n°7, le fermier, sans nier les ⚫ faits de dégradations, prétend qu'ils ont eu lieu en vertu › d'une clause du bail, alors comme il s'agit de l'interprétation > d'un contrat, le juge de paix n'a plus d'attribution; il doit ⚫ renvoyer les parties devant qui de droit.»

Cette doctrine semblerait même avoir été préjugée par la chambre des requêtes, dans l'espèce suivante: - Actionné devant le juge de paix en paiement de dommages-intérêts pour dégradations commises dans les propriétés à lui affermées, le sieur Pichand répondit n'avoir commis aucune dégradation, n'avoir fait que ce que son bail lui donnait le droit de faire. Jugement interlocutoire qui ordonne la visite des lieux et une expertise, ensuite de laquelle le juge de paix condamna le sieur Pichand au paiement de la somme de 6,797 fr., montant des dégradations constatées. - Sur l'appel, le sieur Pichand prétendit, pour la première fois, que, s'agissant d'interpréter le bail, cette question préjudicielle plaçait l'affaire hors de la compétence du juge de paix. - Mais le tribunal de Toulon confirma la sentence du juge de paix par deux motifs, l'un puisé dans le texte de la loi qui ne restreignait la compétence du juge de paix au cas où le droit ne serait pas contesté, que pour l'indemnité résultant du défaut de non jouissance et non pour les dégradations. Le tribunal considère ensuite que d'ailleurs il s'agirait ici d'une incompétence relative, qui aurait été couverte, faute d'avoir été proposée à limine litis, par le sieur Pichand qui avait, au contraire, exécuté le jugement d'expertise. — Et sur le pourvoi, la chambre de requêtes a confirmé, par ce dernier motif, sans s'expliquer sur le premier (1).

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Cet arrêt de rejet ne peut être, à nos yeux, d'aucune influence. D'abord il est contraire à la jurisprudence consacrée par les arrêts qui viennent d'être cités, pag. 424, arrêts desquels il résulte que, relativement aux baux, de même qu'en matière ordinaire, si le juge de paix excède les limites de ses attributions, son jugement est frappé d'incompétence absolue,

ratione materiæ.

En supposant, au surplus, que la loi de 1790, et l'article 3

(1) Arrêt du 17 mai 1820; D., p. 516.

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du Code de procédure eussent pu faire naître des doutes sur le point de savoir, si pour les dégradations, de même que pour l'indemnité résultant du défaut de jouissance, la juridiction du juge de paix devait être bornée au cas où le droit n'est pas contesté, attendu l'énonciation de ces deux objets dans la même phrase, ces doutes s'évanouiraient devant notre article, dans lequel les deux dispositions sont parfaitement distinctes: l'exception conçue en ces termes, lorsque le droit A UNE INDEMNITÉ n'est pas contesté, ne se trouvant que dans le premier paragraphe relatif à l'action du preneur, pour non jouissance; l'exception dont il s'agit ne saurait, par conséquent, régir l'action du propriétaire pour cause de dégradations. Si donc le juge de. paix n'est appelé à régler l'indemnité, dans le premier cas, que quand il n'existe aucune contestation sur le droit, dans le second, au contraire, il est investi d'une juridiction absolue, et sans restriction.

En effet, tout juge auquel est dévolue la connaissance d'une action, est, par-là même, juge de toutes les exceptions qui peuvent être opposées à la demande, et l'on a vu, pag. 229, que, d'après la jurisprudence, il en est, à cet égard, des justices de paix, comme des autres tribunaux. Pour interdire au juge de paix, dans le cas actuel, le droit de statuer sur l'exception puisée dans les clauses du bail, il faudrait donc une restriction formelle écrite dans la loi; or, cette restriction, ne se trouvant que dans le § 1er relatif à l'indemnité pour non jouissance, ne peut encore une fois être étendue aux dégradations dont il s'agit dans le § 2: exceptio firmat regulam, in casibus non exceptis.

16. Voyons maintenant quelle est l'étendue de la compétence attribuée aux juges de paix relativement aux dégradations.

Suivant la loi de 1790, ils devaient connaître des dégradations alléguées par le propriétaire, en général; et leur compétence en cette matière s'étendant à toutes les demandes, quel qu'en pût être le montant, elle était fort étendue.

Aujourd'hui cette compétence, dont le taux n'est plus que de 1,500 fr., est bornée aux cas prévus par les articles 1732 et 1735 du Code.

Voici le texte de ces articles.

. 1732. Le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent, pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

1735. Le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison, ou de ses ⚫ sous-locataires.»>

Le Code renferme plusieurs autres dispositions, qui ne sont que la conséquence du principe posé par les articles 1732 et 1735, et auxquels le juge de paix doit s'attacher pour fixer sa compétence.

Ainsi, d'après les articles 1728, 1729 et 1766, le preneur doit cultiver et user de la chose louée, en bon père de famille, sans pouvoir l'employer à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, et dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur. Ce dommage peut même, suivant les circonstances, donner lieu à une demande en résiliation qui ne scrait pas de la compétence du juge de paix; mais lorsqu'il ne s'agit que des dommages-intérêts résultant de la mauvaise culture et de l'usage dommageable de la chose louée; c'est au juge de paix qu'en appartient la connaissance.

Suivant les art. 1730 et 1731, s'il a été fait un état des ⚫ lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la ⚫ chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui » a péri et a été dégradé par force majeure. S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus ⚫ en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, ⚫ sauf la preuve contraire. »

D

L'application de ces deux articles rentre aussi dans les limites des attributions que confèrent aux juges de paix les art. 4 et 5 de la loi nouvelle. Suivant le professeur Carré, c'est à ce juge de prononcer sur les débats qui peuvent s'élever, au sujet de l'état des lieux fait ou à faire ; il peut constater cet état par jugement, en cas de désaccord entre les parties, soit sur les choses à décrire, soit sur le mode d'opérer par exemple, si le propriétaire refuse de dresser un état des lieux, le preneur peut en rédiger un, et assigner le bailleur devant le juge de paix, pour accepter ou conLester cet état ; que si le refus vient du locataire, le bailleur peu:

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également le citer, pour faire reconnaître l'exactitude de l'état qu'il a dressé, sauf au juge de paix à rédiger lui-même procès-verbal de cet état, à vue des lieux. Vaudorė, Droit rural, tome 2, no 552, professe la même doctrine.

Duvergier du Louage, tome 1, no 453, soutient, au contraire, que la vérification de l'état des lieux ne rentre point dans la compétence du juge de paix, et nous croyons devoir nous rendre à cette opinion. Quelles sont, en effet les attributions conférées au juge de paix par les articles 4 et 5 de la loi ? Elles se bornent à l'estimation du préjudice que le bailleur a pu ressentir des dégradations et du défaut de réparations locatives à la charge du preneur; cette compétence ne peut donc s'étendre au point de forcer les parties à souscrire d'avance une convention, en obligeant l'une d'elles d'adopter l'état des lieux présenté par l'autre, après vérification.

A la sortie du bail, c'est différent appelé à vérifier si les choses louées sont en bon état de réparations locatives, ou si elles n'ont pas été dégradées, le juge de paix doit procéder à cette vérification sur l'état des lieux quand il en a été dressé un, constater l'état actuel, par comparaison avec celui que les parties ont souscrit à l'entrée; et, s'il n'en existe pas, partir de la présomption légale, que le preneur est censé avoir reçu la chose en bon état. La rendue du bail est la conséquence nécessaire dé l'attribution que la loi défère aux juges de paix, relativement aux dégradations et aux réparations locatives.

Sur quoi il est à observer que si, à défaut d'état des lieux, le preneur est présumé avoir reçu les choses en bon état, l'article 1531 ajoute, sauf la preuve contraire, et cette preuve peut être faite par témoins, quelle que soit la valeur de la demande, puisqu'elle est admise par la loi, faute de la preuve écrite qui ne pourrait résulter que de l'état des lieux (1).

Et c'est ici qu'apparaît, dans toute son évidence, l'inconvénient d'avoir séparé, pour le taux de la compétence, les demandes relatives aux dégradations, de celles qui concernent

(1) Duvergier, Louage, tom. 1, no 442; Durantón, tom. 17, n° 101. — Contrà Delvincourt, tom. 3, notes, pag. 194. — Voy. infrà, comment. de l'art. 5, part. 2, Réparations locatives, no 5.

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